Melania Trump est entrée en guerre. L’épouse de Donald Trump, mannequin d’origine slovène, a enfin décidé d’intervenir dans le débat public sur l’avortement aux États-Unis, considéré comme l’une des clés de l’élection présidentielle du 5 novembre.
Selon Melania, «les femmes doivent être libres de toute intervention ou pression de la part du gouvernement» lorsqu’il s’agit de disposer de leur corps. La phrase, sortie par les médias de son livre de mémoires à paraître, a aussitôt été interprétée comme la preuve d’un sacré désaccord conjugal, puisque le candidat républicain soutient, lui, un droit à l’avortement au niveau des États, avec ce que cela suppose de risques pour les femmes, en fonction des tempêtes politiques.
Pas sûr, toutefois, que cela soit le cas. En affichant son point de vue tranché sur la question, l’ex-First Lady démontre aussi qu’il est possible d’avoir une autre opinion que son époux. «Trump n’est pas un dictateur, la preuve, il ne contrôle pas sa femme», a aussitôt commenté l’une des élues les plus favorables à Trump, la représentante de Géorgie Marjorie Taylor Greene, connue pour son complotisme aigu.
Trump et l’avortement. Trump et Melania. Trump et les femmes. À un mois pile du scrutin qui va décider de l’avenir de l’Amérique, les trois sont liés. Kamala Harris, la candidate démocrate, pilonne d’ailleurs son adversaire sur le terrain de l’interruption volontaire de grossesse, en l’accusant de vouloir ni plus ni moins de la rendre complètement illégale.
Problème: toutes les femmes sont loin de partager cette opinion, et surtout loin d’en vouloir à Trump, ce milliardaire de 78 ans, condamné le 31 mai par un tribunal de Manhattan pour avoir acheté le silence d’une ex-star du porno avec laquelle il avait eu une relation (la peine sera rendue publique après l’élection). Et ce, même si Kamala Harris reste en tête dans les sondages auprès des électrices, avec environ 10 points d’avance.
Descente aux enfers
Du côté de ses fans féminines, Trump reste l’archétype de l’homme qui peut sauver le pays de sa descente aux enfers économiques, migratoire et identitaire. «La Coalition des femmes pour Trump est une occasion remarquable pour l’avenir des voix féminines d’inspirer et de guider le mouvement conservateur sous Donald J. Trump», peut-on lire en tête du site web qui rallie les électrices avant chaque meeting.
Et d’ajouter: «Les préoccupations des femmes sont en première ligne des questions politiques les plus pressantes de l’Amérique. Sous la houlette de Women for Trump, les politiques du président Trump s’inscriront dans la continuité de son héritage d’autonomisation des femmes et d’établissement des États-Unis avec plus d’égalité et d’opportunités pour tous.»
L’idéologie de la masculinité
Les mots ont leur importance. Autonomie. Égalité. Opportunité. Ces femmes-là ne votent pas pour des droits, mais pour une place dans la société.
Judith F. Logue est éditorialiste. Ses tribunes sont publiées dans de nombreux journaux ou site web américains. Ses explications sont éclairantes: «Ma première pensée est qu’une culture qui embrasse 'l’idéologie de la masculinité traditionnelle' joue un rôle prépondérant, argumente-t-elle. L’idéologie de la masculinité traditionnelle est un ensemble de croyances sur la manière dont les garçons et les hommes doivent penser, ressentir et se comporter. Elle remonte à la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. De nombreuses femmes compétentes, accomplies et sûres d’elles, qui soutiennent un dirigeant qui est un criminel condamné et un agresseur sexuel reconnu par la justice, ont été élevées dans une culture fondée sur l’idéologie de la masculinité traditionnelle. Elles ignorent que l’ancien président est un infâme menteur, diffamateur et un fraudeur immobilier qui a été accusé de trahison et de sédition. La culture américaine exige des hommes qu’ils soient durs – et non vulnérables – et qu’ils suppriment leurs émotions.»
En clair: voter Trump, c’est rêver d’un retour de l’Amérique de leurs pères et de leurs grands-pères. Exactement ce que propose le fameux slogan «MAGA»: Make America Great Again.
Une autre explication surgit, plus psychologique: «Pour les femmes qui aiment Trump, le désir d’autorité masculine, de pouvoir, de prestige, d’argent et de sexe est considéré comme fondamental – si ce n’est donné par Dieu et déterminé biologiquement, poursuit l’éditorialiste. Les hommes de l’Ancien Testament de la Bible sont des héros, intrépides et forts, qui prennent les choses en main. Leurs défauts, en particulier lorsqu’ils sont tentés par les femmes, font partie de leur masculinité. Ces défauts sont pardonnés.» On y est. Donald Trump est un guerrier dont les péchés sont oubliés. Il se bat pour sa famille, à savoir la société américaine.
«Gaga de MAGA»
Le 31 juillet 2024, Donald Trump était interrogé par trois journalistes afro-américaines lors de la conférence annuelle de la NABJ, l’association des professionnels noirs des médias. Surprise: leurs questions ne sont pas toutes accusatrices. L’une d’entre elles reconnaît que, dans son entourage, les femmes «gaga de MAGA» existent: «Certaines de mes meilleures amies soutiennent Trump. Ce sont des commandants de bord, des officiers, des propriétaires d’entreprise et des agents immobiliers qui ont réussi financièrement. Elles sont filles, sœurs, mères, grands-mères, célibataires, mariées, hétérosexuelles, lesbiennes et souvent religieuses. Elles me racontent leurs expériences passées avec des hommes durs ou violents, ou vivent aujourd’hui avec des hommes qui semblent rigides et autoritaires – et qui adhèrent à l’idéologie de la masculinité traditionnelle.»
La suite? «Elles m’ont dit spécifiquement qu’elles aimaient Trump parce qu’il soutient le mariage hétérosexuel, le capitalisme, le christianisme et Israël. Ils respectent et apprécient le fait que Trump ne soutienne pas les personnes transgenres, le socialisme, l’avortement, l’argent, les Palestiniens, l’OTAN ou l’argent pour l’Ukraine.» Ces femmes-là veulent être rassurées.
Or Kamala Harris, et l’idéologie wokiste dominante dans les universités ou au sein de la jeunesse féminine du Parti démocrate, les déstabilisent. Idem chez les femmes originaires de l’immigration: au sein de l’électorat latino, plus conservateur, les électrices pro-Trump sont en pointe.
Le souvenir de 2020
Donald Trump évite pour sa part d’aborder le sujet du féminisme en tant que tel. Il sait qu’en 2020, en pleine épidémie de Covid, l’électorat féminin s’est dérobé. Les mères de famille de la fameuse classe moyenne qu’il prétend défendre, celle des banlieues interminables des grandes villes américaines, lui ont préféré Biden.
Alors, il botte en touche et préfère cibler le mouvement #Metoo, qu’il accuse d’avoir déstabilisé et fragilisé l’Amérique: «C’est une période très effrayante pour les jeunes hommes en Amérique, où l’on peut être coupable de quelque chose dont on n’est peut-être pas coupable. […] Les femmes s’en sortent très bien.» Un écho à ces phrases qu’il aurait autrefois prononcées, rapportées par le journaliste Bob Woodward: «Vous devez nier, nier, nier et repousser ces femmes qui vous accusent. Si vous admettez quoi que ce soit et une quelconque culpabilité, alors vous êtes mort. […] Il faut être fort. Il faut être agressif. Vous devez vous défendre avec acharnement. Vous devez nier tout ce qui est dit à votre sujet. Ne jamais admettre.»
«Attrapez-les par la chatte»
Trump, expert en rapport hommes-femmes, lui qui se vantait, en marge de l’enregistrement d’une émission de télé-réalité en 2005, soit il y a vingt ans: «Je suis automatiquement attiré par les belles personnes – je commence à les embrasser. C’est comme un aimant. J’embrasse, c’est tout. Je n’attends même pas. Quand vous êtes une star, on vous laisse faire. Vous pouvez faire n’importe quoi. Attrapez-les par la chatte. Vous pouvez tout faire.»
Ses critères d’appréciation sont en tout cas publics. Il les a plusieurs fois réitérés devant un parterre d’électrices, toujours bien placées au premier rang lors de ses meetings, pour les caméras: «J’ai possédé le concours Miss Univers. J’ai possédé Miss USA. Je veux dire que je possède beaucoup de choses différentes. Je comprends la beauté féminine, croyez-moi.»