Un ordre mondial «multipolaire», tel est le souhait exprimé par Vladimir Poutine et chinois Xi Jinping lors d'un sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS). «Tous les participants s'engagent en faveur de la formation d'un ordre mondial multipolaire équitable», a insisté Vladimir Poutine lors de la séance plénière de cette alliance en plein essor regroupant dix Etats.
«Il est d'une importance vitale que l'OCS se place du bon côté de l'Histoire, du côté de l'équité et de la justice», a insisté son homologue chinois, appelant également à «résister aux ingérences extérieures», une référence claire aux Occidentaux.
Vladimir Poutine et Xi Jinping, qui affichent leur bonne entente et accélèrent leur rapprochement en particulier depuis l'invasion russe de l'Ukraine, dénoncent sans cesse «l'hégémonie» supposée des Etats-Unis dans les relations internationales.
Après l'adhésion l'an passé de l'Iran, sous sanctions occidentales, le Bélarus, également ostracisé par l'Occident pour son soutien à l'offensive russe en Ukraine, est devenu jeudi le 10e membre de l'OCS. Son président Alexandre Loukachenko a assuré que le groupe avait «le pouvoir de détruire les murs d'un monde unipolaire».
Concurrencer les organisations occidentales
L'OCS (Bélarus, Chine, Inde, Iran, Russie, Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Pakistan, Tadjikistan) fondée en 2001 mais qui a pris un nouvel élan ces dernières années sous l'impulsion de Pékin et Moscou, est pensée comme une plateforme de coopération concurrente des organisations occidentales, avec un accent sécuritaire et économique.
En marge du sommet, Vladimir Poutine a assuré en conférence de presse compter sur les talibans dans la lutte contre le terrorisme dans la région. «Les talibans sont certainement nos alliés dans la lutte contre le terrorisme car tout pouvoir en place est intéressé par la stabilité», a assuré Vladimir Poutine, en ligne avec l'approche conciliante de Moscou envers les talibans, à l'instar de la Chine et de plusieurs pays d'Asie centrale.
La guerre en Ukraine n'a pas été publiquement débattue au sommet de l'OCS. Mais la presse russe a interrogé Vladimir Poutine sur le sujet, et ce dernier a renouvelé ses attaques au vitriol contre les dirigeants ukrainiens.
Il a aussi assuré prendre «très» au sérieux les déclarations de Donald Trump, qui a affirmé à plusieurs reprises qu'en cas de réélection à la présidence des Etats-Unis, il arrêterait la guerre en Ukraine, sans étayer ses propos.
Un ballet diplomatique est en cours en Asie centrale
Vladimir Poutine a également réaffirmé son opposition à tout cessez-le-feu en Ukraine si Kiev ne consentait pas à des concessions «permanentes» pour la Russie. Une demande de facto de capitulation, Moscou réclamant cinq régions ukrainiennes et que Kiev renonce à son alliance avec l'Occident.
Bémol pour la Russie, le président turc Recep Tayyip Erdogan, a plaidé lors d'un entretien bilatéral avec Vladimir Poutine pour une «paix juste» en Ukraine et proposé sa médiation, refusée par le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, cité par les médias russes.
Ce sommet d'Astana à l'issue duquel 25 documents dans divers domaines ont été signés, s'inscrit dans un ballet diplomatique en cours en Asie centrale, dont les dirigeants rencontrent régulièrement Vladimir Poutine et Xi Jinping.
L'OCS, outre ses membres, compte quatorze «partenaires de dialogue», notamment la Turquie, membre de l'Otan, ou de nombreux pays arabes, comme l'Arabie saoudite ou le Qatar.
Mais si l'OCS revendique de regrouper 40% de la population et environ 30% du PIB mondiaux, le groupe reste hétérogène et de nombreuses dissensions existent entre ses membres, certains étant englués dans des rivalités territoriales.
La Russie et la Chine affichent leur union face à l'Occident, mais restent concurrents en Asie centrale, région riche en hydrocarbures et cruciale pour le transport de marchandises entre l'Europe et l'Asie. Moscou y dispose d'une influence historique du fait du passé soviétique, mais Pékin y a une présence croissante, tandis que les Occidentaux y ont aussi des intérêts non négligeables.
L'intérêt des grandes puissances pour cette région s'est intensifié depuis l'invasion russe de l'Ukraine, Moscou voulant maintenir son influence traditionnelle sur les pays centrasiatiques, désormais fermement ancrés à la Chine via des projets économiques d'envergure, les «Nouvelles routes de la soie», tout en étant ardemment courtisés par l'Occident.