Dans un solide abri enterré, les yeux fermés sous un bonnet, un soldat ukrainien dort habillé sur une couchette, épuisé après une nuit de veille, dans le nord-est de l'Ukraine. Dehors il fait -8 degrés. La neige crisse sous les pas dans les tranchées alentours, tenues par la 41e brigade mécanisée, à l'est de la ville de Koupiansk.
La ligne de front est toute proche. La région a été occupée par la Russie au début de l'invasion en février 2022, puis libérée en septembre de la même année après une attaque éclair des Ukrainiens.
«Nous n'avons pas le choix»
Mais depuis l'été dernier, les forces russes sont à nouveau à l'offensive en différents points du front, notamment dans la direction de Koupiansk, sans toutefois obtenir d'avancées majeures. «C'est dur, mais on tient le coup. Ils mènent constamment des attaques, avancent... Mais bon, nous tenons, nous n'avons pas le choix», explique Vadim, 31 ans, membre de la 41e brigade, dans l'abri où son camarade se repose sur une couchette.
Récemment, l'armée de Moscou a revendiqué la prise d'un petit hameau à 30 kilomètres au sud-est de Koupiansk. Face aux assauts russes répétés, les autorités ukrainiennes ont ordonné mi-janvier l'évacuation de 26 localités de la région, une décision qui concernait environ 3000 personnes.
Toujours en première ligne
«L'intensité des hostilités est maintenant assez élevée dans notre direction, et il y a plus de blessés que nous ne le souhaiterions», relate Oleksandr, un jeune soldat de 20 ans, qui tait lui aussi son nom pour des raisons de sécurité. Et l'épuisement guette aussi après quasiment deux années d'un conflit intense et sans pause.
«Depuis les premiers jours de l'invasion (russe), nous sommes presque toujours en première ligne (...) Les gars sont fatigués», assure Vadim. Selon lui, ils ont tenu la première année avec «l'adrénaline», «nous n'avions peur de rien».
«Mais maintenant, nous sommes tout simplement fatigués, parce que depuis deux ans, nous n'avons pas vu le bout du tunnel. Les gars sont très fatigués. Moralement, physiquement, ils n'en peuvent plus, poursuit-il. Nous voulons être remplacés, nous voulons nous reposer au moins un peu», plaide le trentenaire à la barbe fournie.
Probablement plus de 70'000 morts
Après avoir subi des pertes, dont l'ampleur est gardée secrète, mais qui sont évaluées par les Américains à quelque 70'000 morts et jusqu'à 120'000 blessés, l'armée de Kiev peine aujourd'hui à trouver des nouveaux volontaires pour le front, contrairement au début du conflit.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait affirmé en décembre que l'armée lui avait proposé de mobiliser jusqu'à 500'000 personnes supplémentaires.
Depuis, le débat sur la mobilisation fait rage en Ukraine, et début janvier, les députés ont repoussé l'examen d'un projet de loi sur ce sujet aussi délicat que crucial. Le système d'enrôlement actuel est jugé injuste, inefficace et souvent corrompu. Et des voix s'élèvent pour réclamer aussi une démobilisation de ceux qui sont au front depuis longtemps.
Les soldats espèrent des congés
«Bien sûr, nous voulons la démobilisation, parce que c'est difficile. Je n'ai pas vu ma famille depuis six mois», explique ainsi Vadim. Mais pour lui, «il ne s'agit pas de nous donner dix jours (de permission), ça ne servirait à rien: (...) quel genre de repos ce serait?, interroge-t-il. S'ils nous donnaient au moins six mois de congés, ce serait mieux», espère le soldat.
De son côté, le jeune Oleksandr constate qu'«aujourd'hui, en règle générale, ce sont les hommes âgés qui sont mobilisés». «Nous avons besoin d'une mobilisation et nous avons des ressources de mobilisation», insiste le soldat.
(AFP)