Le président américain Donald Trump prend les choses au sérieux. Lundi, il a annoncé vouloir expulser des «millions et des millions d'étrangers illégaux» des Etats-Unis. Quelques heures seulement après avoir prêté serment, les premiers migrants ont ressenti les effets de sa politique migratoire radicale: Trump a fait désactiver l'application frontalière CBP One.
Celle-ci permettait aux migrants d'entrer légalement sur le territoire américain et d'obtenir un rendez-vous pour un permis de séjour temporaire. En bref, sans application, pas d'accès aux Etats-Unis. Des photos de la frontière mexicaine montrent des images de désespoir. Le choc est profond, les larmes coulent.
L'armée américaine s'active également, car le président d'extrême droite a déclaré l'état d'urgence national à la frontière sud du pays. Des vidéos sur la plateforme X montrent des colonnes de camions transportant des dizaines de véhicules de protection des frontières en direction du Mexique. L'armée doit fournir du personnel pour la protection des frontières et aider à la poursuite de la construction du mur frontalier. Mais que prévoit exactement Trump? Et comment cela va-t-il se mettre en place?
Que prévoit-il exactement?
Selon une estimation du gouvernement américain, environ 11 millions d'immigrants se trouvaient en 2022 aux Etats-Unis de manière illégale ou avec un statut temporaire. Certains analystes estiment qu'ils seraient plutôt entre 13 et 14 millions aujourd'hui. Le grand objectif du président américain est de tous les expulser du territoire afin de les renvoyer dans leur pays d'origine. Avec la déclaration de l'état d'urgence national, il a déjà réussi la première grande étape de ce processus: il peut désormais prendre des décisions sans l'accord du Congrès.
Selon le «New York Times», le gouvernement Trump souhaiterait également mener des «raids migratoires» dans des villes comme Chicago, San Francisco, New York City ou Los Angeles afin de débusquer les immigrés illégaux. La première «Operation Safeguard» aurait dû commencer mardi et durer une semaine. Elle a toutefois été reportée à une date indéterminée.
Mais il ne s'arrête pas là. Au-delà de la frontière, le président fraîchement élu sévit également à l'intérieur du pays. Il veut en effet abolir le droit de naissance qui conférait jusqu'à présent automatiquement la nationalité américaine aux enfants d'immigrés. Il souhaite sans doute ainsi endiguer ce qu'il appelle le «tourisme de grossesse». Toutefois, il a déjà été décidé en 2020 que les femmes enceintes ne recevraient plus d'autorisation d'entrée sur le territoire si l'accouchement aux États-Unis était le but du voyage.
Peut-il aller au bout de sa démarche?
Pas tout à fait. Certes, l'état d'urgence national lui donne de grands pouvoirs, mais son pouvoir a – du moins en théorie – des limites. Le Congrès pourrait mettre fin à l'état d'urgence déclaré par une résolution commune des deux chambres. La Cour suprême, la plus haute instance judiciaire des Etats-Unis, pourrait également intervenir si elle jugeait ses mesures anticonstitutionnelles.
Et c'est là que le bât blesse: les deux chambres du Congrès, ainsi que la majorité de la Cour suprême, soutiennent Trump, ce qui signifie que les chances de bloquer ses projets sont faibles.
Comment un tel projet peut-il aboutir?
La mise en œuvre d'un tel projet sera tout sauf simple. Si l'on en croit les propos du président fraichement élu, des millions de personnes doivent être expulsées – mais celles-ci doivent d'abord être identifiées et arrêtées. Mais comment cela peut-il se concrétiser? Le président américain n'a pas encore présenté de stratégie claire. De plus, les pays d'origine des immigrés clandestins doivent coopérer avec les autorités américaines, mais beaucoup d'entre eux refusent de reprendre leurs ressortissants, y compris le Mexique, comme l'a précisé lundi la présidente Claudia Sheinbaum.
Certaines questions logistiques ne sont par ailleurs pas résolues: comment Trump veut-il transporter les personnes concernées, où doivent-elles être logées d'ici là, et qui va payer le tout? Les détracteurs de Trump affirment que ces expulsions massives perturberont l'économie américaine, sépareront des familles déjà bien intégrées et pourraient coûter des milliards de dollars aux contribuables.
Pourquoi ces thématiques nous semblent-elles familières?
L'expulsion de personnes qui séjournent en Suisse sans autorisation est également un sujet délicat. Selon la loi, les personnes sans droit de séjour doivent quitter la Suisse. Si elles ne le font pas volontairement, des mesures de contrainte telles que la détention en vue du refoulement peuvent être ordonnées.
Mais dans la pratique, cela n'est pas aussi simple: certains pays d'origine refusent de reprendre leurs citoyens. D'autres imposent des obstacles bureaucratiques extrêmement élevés. De ce fait, de nombreuses expulsions n'ont pas lieu comme prévu. Par exemple, l'Érythrée refuse depuis des années de reprendre ses citoyens déboutés en Suisse. Des solutions ont donc dû être recherchées avec des pays tiers.
En automne 2024, deux criminels afghans ont été expulsés pour la première fois depuis la prise de pouvoir des talibans. Cette décision a été bien accueillie par l'Union démocratique du centre (UDC), qui se plaint depuis longtemps de la politique migratoire «trop laxiste» de la Suisse. De leur côté, les organisations de réfugiés ont pointé du doigt la nature «inhumaines» de ces expulsions.