Les politiques sont fous de rage
Les énormes dépenses de la Confédération pour l'asile font les affaires de Securitas

Les dépenses de sécurité au sein des centres fédéraux pour requérants d'asile ont massivement augmenté. Une évolution dont l'entreprise Securitas tire grandement profit, ce qui agace au niveau politique. Blick vous explique les raisons de cette situation.
Publié: 05:56 heures
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Dernière mise à jour: 07:21 heures
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Assurer la sécurité dans et autour des centres d'asile, ça coute cher. (Image symbolique)
Photo: Pius Koller
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Sophie Reinhardt

La sécurité est un business lucratif. La famille Spreng en sait quelque chose, elle qui a fait sa fortune avec sa célèbre entreprise Securitas SA. Selon les estimations du magazine alémanique «Bilanz», la fortune de la famille oscille entre 300 et 350 millions de francs.

Un succès auquel contribue grandement les commandes de la Confédération. Si l'on en croit les données analysées par Blick: entre 2018 et 2023, Securitas a reçu divers mandats du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM), pour une valeur totale de 283 millions de francs. Aucune autre entreprise n'a perçu autant d'argent de la Confédération dans le domaine de l'asile.

Une explosion des dépenses

L'année 2023 se distingue tout particulièrement. En effet, près de 77 millions de francs issus de fonds publics ont été versés à Securitas durant cette période afin d'assurer la sécurité dans et autour des centres fédéraux pour requérants d'asile. Le volume de commandes a ainsi augmenté de 73% par rapport à 2022. «Cette hausse de plus de 70% est en effet gigantesque», déclare le conseiller national Pascal Schmid (UDC/TG).

Ce chiffre doit néanmoins être replacé dans un contexte de forte hausse des demandes d'asile liées à la guerre en Ukraine. En 2023, 30'000 demandes d'asile ont été déposées en Suisse, soit 5700 de plus que l'année précédente.

Pour l'élu conservateur, cela n'excuse rien: «Il est de toute façon préoccupant que près de 110 millions de francs aient dû être dépensés pour la sécurité dans ce domaine», déplore-t-il. Selon lui, on doit exiger des réfugiés et des personnes en quête de protection «qu'ils se comportent comme des invités dans le pays d'accueil qui leur accorde sa protection». Mais la réalité est différente, estime-t-il.

Les nouveaux foyers, facteurs de coûts

Sollicité par Blick, le SEM justifie cette augmentation en rappelant que plus de dix nouveaux centres d'hébergement temporaires pour demandeurs d'asile ont été ouverts en 2023. «Chacun de ces centres fédéraux pour requérants d'asile a besoin de personnel pour pouvoir garantir sa sécurité», explique Samuel Wyss, porte-parole du SEM. Le volume des commandes a donc augmenté en conséquence.

Outre Securitas, d'autres entreprises de sécurité ont touché de l'argent public en 2023, à l'instar du groupe Protectas, qui a reçu pour 37 millions de francs de commandes. Les chiffres pour l'année 2024 ne sont pas encore connus. Ils devraient être publiés l'automne prochain.

Les entreprises de sécurité privées se chargent notamment de contrôler des entrées dans les foyers et d'effectuer des rondes à l'intérieur des centres. Elles peuvent en outre être amenées à faire des patrouilles à l'extérieur des établissements, pour autant que les communes ou la police en fassent la demande.

Rapport accamblant d'Amnesty en 2021

La Confédération constitue probablement l'un des clients les plus importants de Securitas. Interrogée, l'entreprise se contente d'expliquer que les mandats du SEM représentent «un volume notable». «Ce qui me dérange, c'est qu'une entreprise privée obtienne un mandat aussi coûteux alors que l'on sait qu'elle manque parfois du doigté nécessaire», déclare à Blick le conseiller national Beat Flach (Verts'libéraux/AG).

En 2021, Amnesty International avait accusé le personnel de sécurité des centres fédéraux de graves abus envers les requérants d'asile. Des demandeurs d'asile avaient expliqué que des soins médicaux leur avaient été refusés. D'autres avaient raconté à l'organisation internationale avoir été enfermés dans des conteneurs métalliques en guise de punition 

Un rapport de la Confédération, commandé par la suite, avait finalement conclu à une absence de violations systématiques des droits humains de la part des agents de sécurité privés, bien que des cas isolés et contraires au droit aient été constatés. Dans son rapport, l'ancien juge fédéral Niklaus Oberholzerne n'avait toutefois pas mentionné nommément les entreprises de sécurité privées concernées.

Les coûts pourraient baisser cette année

Le conseiller national des Vert-e-s Balthasar Glättli, ex-président du parti, ne voit pas non plus d'un très bon œil l'augmentation des dépenses pour la sécurité des centres fédéraux. Pour lui, cette hausse est grandement imputable à la droite qui n'a cessé de mettre l'accent sur la criminalité étrangère. «Il serait sans doute plus précieux d'investir davantage dans l'encadrement psychologique et médical plutôt que dans du personnel de sécurité qui n'est souvent même pas bien formé», estime l'élu zurichois.

«Faux», répond Securitas. L'entreprise rappelle que ses collaborateurs doivent suivre un cursus très strict comprenant non seulement une formation globale aux questions de sécurité, mais aussi des formations plus spécifiques prescrites par le SEM, par exemple en communication transculturelle.

Les coûts de la sécurité dans les centres d'asile pourraient toutefois baisser cette année. En effet, le ministre de la Justice Beat Jans a annoncé fin 2024 la fermeture de neuf centres d'asile fédéraux temporaires en Suisse. Une mesure qui devrait permettre d'économiser environ 40 millions de francs par an.

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