Après la rencontre à New York avec Lavrov
«Ignazio Cassis n'aurait pas dû sourire sur la photo»

Après l'image de la poignée de main capturée entre Ignazio Cassis et Sergueï Lavrov mercredi à New York, les critiques fusent. Certains estiment qu'offrir une telle vitrine à la Russie est inacceptable, d'autres que c'est inévitable lors de rencontres internationales.
Publié: 22.09.2022 à 20:19 heures
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Dernière mise à jour: 23.09.2022 à 12:09 heures
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Cette photo où l'on voit le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, serrer la main de son homologue helvétique, a suscité des critiques en Suisse et sur les réseaux sociaux.
Photo: MFA Russia/Twitter
Blick (avec ATS)

Ignazio Cassis s'est-il fait avoir par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, en posant tout sourire sur une photo avec lui? Le président de la Confédération a-t-il offert une vitrine malvenue à la Russie en marge de l'assemblée générale de l'ONU à New York ou n'avait-il de toute manière aucune chance d'éviter ce type de photo?

Plusieurs diplomates nuancent la situation: d'un côté, les poignées de main font partie des rencontres dans le cadre de l'ONU. Mais Ignazio Cassis aurait dû savoir qu'il ne devait pas sourire, mais plutôt prendre un air sérieux. «C'est tout simplement le rôle d'un président de la Confédération», affirme un ancien diplomate suisse de haut rang.

«L'image est malheureuse»

«On ne peut pas empêcher les images de circuler après de telles rencontres», explique un proche de l'ambassade suisse. Il faut donc toujours penser à la présence des caméras. Ce n'est pas une nouveauté: le pouvoir des images est énorme. L'ex-ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey l'avait par exemple appris à ses dépens lors de sa visite en Iran en 2008. Elle avait alors été critiquée pour y avoir porté un foulard.

Les Russes sont aussi connus pour savoir orchestrer ce type de mise en scène, rapporte un expert. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) n'apparaît donc pas sous son meilleur jour en la matière. «L'entourage d'Ignazio Cassis aurait dû tout entreprendre lors de la planification de la rencontre pour éviter qu'une telle photo soit capturée», continue ce diplomate. Impossible toutefois de savoir réellement s'il est possible d'éviter complètement une prise d'image. Ce qui est certain, c'est que «la photo est malheureuse. Mais ce n'est pas la fin du monde non plus.»

Le point de vue russe marque les esprits

Un autre ancien diplomate part en revanche du principe que les collaborateurs du président de la Confédération auraient dû être informés de l'utilisation du cliché: «Cela est normalement prévu à l'avance dans le protocole.»

Souvent, les deux parties publient des photos différentes, poursuit l'ancien diplomate. Celles qui donnent une bonne image de leurs propres politiciens sont bien sûr privilégiées. L'image publiée par le DFAE - où l'on voit un Ignazio Cassis sérieux attablé face à Sergueï Lavrov - renvoie un tout autre effet. Mais c'est malheureusement l'image de la poignée de main qui marque les esprits.

Thierry Burkart défend son conseiller fédéral

Au Palais fédéral, les avis semblent tranchés: «Je salue le fait que la Suisse cherche à dialoguer avec toutes les parties en guerre, déclare le chef du groupe du Centre, Philipp Matthias Bregy. Mais il est pour moi incompréhensible que l'on se laisse abuser par la machine de propagande russe. Cela montre une fois de plus qu'il manque un certain savoir-faire au sein du Département des affaires étrangères.» Le président des Vert'libéraux, Jürg Grossen, évoque quant à lui un «faux pas».

A Berne, l'affaire fait porter le regard plus loin. On s'inquiète surtout de savoir si l'équipe du Département des affaires étrangères est armée pour les deux années à venir, alors que notre pays sera sous les feux de l'actualité mondiale en tant que membre du Conseil de sécurité de l'ONU.

Même le président du PLR, Thierry Burkart, n'est pas satisfait de la prestation d'Ignazio Cassis, son collègue de parti. Mais il défend toutefois le conseiller fédéral. «Si nous voulons offrir nos bons offices, il faut bien parler au ministre des Affaires étrangères Lavrov. Une poignée de main suit cette logique, déclare-t-il. Une telle photo est malheureuse, mais on ne peut parfois pas l'éviter.»

La Russie exige de la Suisse qu'elle «revienne à la neutralité»

Lors de la rencontre à New York, Sergueï Lavrov a demandé à la Suisse de revenir à sa «politique de neutralité», selon le Ministère russe des affaires étrangères sur Twitter. Cette neutralité a permis à la Suisse d'être reconnue sur la scène internationale au cours des années précédentes, pouvait-on lire sur le canal officiel, tôt jeudi matin. Ignazio Cassis a déclaré après la rencontre qu'il a demandé à Sergueï Lavrov de renoncer aux «soi-disant» référendums dans les territoires occupés de l'Ukraine. Et il a exprimé sa profonde inquiétude face à la menace du recours aux armes nucléaires.

Pour Fabio Molina: «Il est juste et important que la Suisse continue de dialoguer avec la Russie», souligne à Blick le conseiller national zurichois.

Pascal Couchepin à la rescousse

Ignazio Cassis a également reçu le soutien de l'ancien conseiller fédéral et collègue de parti Pascal Couchepin. La critique est «ridicule», a déclaré le Valaisan à la SRF. Une telle photo fait tout simplement partie de la vie, on ne peut pas l'éviter.

Et le fait qu'Ignazio Cassis sourie à cette occasion est normal, avance-t-il encore. Ce qui est bien plus important, c'est que le président de la Confédération ait parlé clairement lors de la rencontre et critiqué les référendums fictifs dans les territoires ukrainiens occupés.

Le Ministère russe des affaires étrangères a également publié sur Twitter des photos de Sergueï Lavrov serrant la main du président de l'Assemblée générale de l'ONU Csaba Körösi, du ministre vénézuélien des Affaires étrangères Carlos Trotosa, du président d'Afrique centrale Faustin-Archange Touadera, du ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Shukri, du ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, ainsi que du président du CICR Peter Maurer.

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