«Alternative à l'infanticide»
La «boîte à bébé» d'un groupe anti-avortement suscite la polémique en Croatie

L'ouverture de la première 'boîte à bébé' en Croatie par un groupe catholique suscite la controverse. Cette initiative, présentée comme une alternative à l'infanticide, est critiquée par les défenseurs des droits des femmes.
Publié: 25.03.2025 à 09:38 heures
L'ouverture de la première boîte à bébé en Croatie par un groupe catholique suscite la controverse.
Photo: KEYSTONE
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AFP Agence France-Presse

L'ouverture de la première «boîte à bébé» de Croatie par un groupe proche de l'église catholique a rouvert un débat dans ce pays très croyant, où les défenseurs des droits des Femmes y voient un cheval de Troie anti-avortement.

Cette «boîte à bébé», où les femmes ne souhaitant pas garder leur enfant peuvent déposer le nouveau-né, a été ouverte en février par l'association «Bethléem Zagreb», dans un quartier calme de la capitale. Nichée dans le mur d'un couvent, elle comporte un espace chauffé muni d'un petit lit.

Si quelqu'un en ouvre cette «fenêtre de la vie», comme l'appelle le groupe religieux, des détecteurs de mouvement déclenchent une alarme sur le téléphone de la responsable du groupe, Alberta Vrdoljak, et des religieuses. Si un bébé y a été déposé, elles s'en occuperont et informeront la police et les services médicaux, explique-t-elle.

Une caméra de sécurité a aussi été installée, mais son angle garantit l'anonymat de toute personne qui viendrait déposer un nourrisson, assurent les religieuses. «Le but, c'est de sauver des vies et d'éviter des infanticides», explique Alberta Vrdoljak. L'association a eu l'idée de cette installation il y a déjà longtemps, assure-t-elle, mais le déclic est venu d'un fait divers l'an dernier, lorsque deux adolescents ont sauvé un nouveau-né abandonné dans une poubelle d'un parc près de Zagreb.

«La société a besoin de ce genre d'initiatives, qui offrent une solution dans ces situations - qui sont rares, mais qui existent», affirme Zvonimir Kvesic, lui aussi membre de l'association Bethléem Zagreb. Opposées à cette installation, plusieurs ONG et groupes féministes mettent en garde contre une initiative «illégale, dangereuse, et allant contre l'intérêt supérieur de l'enfant».

La clause de conscience des médecins

Réunies au sein du réseau des femmes croates, plusieurs organisations demandent le retrait de cette boite, arguant qu'elle pousse les femmes à mener à terme des grossesses même non désirées. Depuis plusieurs années, le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies met en garde contre ces «boîtes à bébés», et demande aux pays de cesser de les utiliser.

Au moins 10 pays européens, selon l'association Bethléem, en ont pourtant: l'Autriche, la Belgique, la République tchèque, l'Allemagne, la Hongrie, l'Italie, la Lituanie, la Pologne, la Slovaquie et la Suisse. Pour les associations de défense des droits des Femmes, cette initiative est un cheval de Troie des groupes anti-avortement - très puissants en Croatie où 80% de la population se déclare catholique. Ces dernières années, des groupes conservateurs y ont organisé des prières de rues et des manifestations contre le droit à l'avortement, encadré par une loi de 1978, adoptée lorsque la Croatie était une république yougoslave.

Un droit pourtant de plus en plus remis en question - de nombreux médecins refusant de pratiquer des avortements en invoquant leur clause de conscience. Cette initiative «peut sembler être une bonne idée, mais en fin de compte, c'est encore une façon de culpabiliser les femmes», explique à l'AFP Mia Knezevic, notaire à Zagreb. Pas du tout, répond Alberta Vrdoljak qui décrit la boite comme «une alternative à l'infanticide, pas une interdiction de l'avortement».

Leur initiative pose pourtant des questions légales: abandonner un enfant est un crime en Croatie. «Sauver des vies est évidemment noble», explique Helenca Pirnat Dragicevic, nommée Défenseure des Enfants en 2017, «mais tout le monde doit avoir à l'esprit les questions éthiques et légales que posent ces initiatives», en particulier le droit de l'enfant à connaître son identité et la nécessité de s'attaquer aux causes profondes de l'abandon d'enfants.

Contrairement à certains autres pays européens, la naissance anonyme, comme l'accouchement sous X en France, n'est pas possible en Croatie. Le ministère de la Santé a fondé l'année dernière un groupe de travail sur cette question, et le mois dernier, un autre groupe soutenu par l'Église, baptisé «Au nom de la famille», a lancé un appel à l'adoption d'une loi permettant d'accoucher sous X. Quant à l'avenir de la boîte à bébé, il est dans les mains du ministère de la politique sociale, qui a lancé une inspection.

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