«Etes-vous enceinte?» «Non, et je ne suis même pas mariée!», rétorque une habitante de Yunnan, une province du sud-ouest de la Chine. «Quand est-ce que vous avez eu vos règles pour la dernière fois?», insiste la voix au bout du fil. Outrée par cet appel d'un centre communautaire, la jeune femme a choisi de partager son expérince sur Xiaohongshu, l’Instagram chinois, rapporte «Le Figaro» le 15 janvier. «C’est quoi ça?! Vous avez reçu des appels pareils vous?», s'indigne-t-elle.
Et justement, le cas de cette jeune Chinoise ne semble pas être isolé. Après plus de six décennies de croissance, l'Empire du milieu est confronté depuis trois ans à un déclin démographique aigu. Alors pour y faire face, les femmes en âge de procréer sont fortement mises sous pression par les autorités locales. Des internautes affirment qu'elles sont contactées toutes les deux semaines par l'administration afin de suivre leur cycle menstruel et les presser d'enfanter.
«C'est ma vie privée»
Même modus operandi pour Madame Mao, une enseignante chinoise de 30 ans. Dans les colonnes du «Monde», elle explique avoir été contactée à plusieurs reprises par des fonctionnaires lui demandant la dernière fois qu'elle avait eu ses règles. «Ils se prennent pour la police menstruelle? C’est complètement déplacé, c’est ma vie privée», s'indigne-t-elle.
Pour la trentenaire, il serait plus judicieux «de réduire le coût induit par le fait d'élever un enfant» plutôt que de procéder à un démarchage téléphonique agressif. En effet, de nombreux experts relient cette baisse de la natalité à la flambée du coût de la vie et au nombre croissant de femmes qui entrent sur le marché du travail ou poursuivent des études supérieures.
La Chine a mis fin en 2016 à sa politique de l'enfant unique imposée depuis le début des années 1980 et autorisé en 2021 les couples à avoir trois enfants. Les fonctionnaires qui autrefois forçaient les Chinoises à avorter tardivement ou à se faire stériliser, sont les mêmes qui, aujourd'hui, les appellent pour les convaincre de procréer.
Jusque dans les maisons
Une fonctionnaire raconte en ligne qu'elle passe ses journées à appeler des femmes pour savoir si elles sont enceintes ou si elles prennent de l'acide folique pour favoriser la fécondité. Les autorités cibleraient en priorité les jeunes mariées ainsi que les mères d'un premier enfant, rapporte «Le Figaro». Mais pas uniquement: «Ce qui va trop loin, c’est qu’on appelle même des divorcées ou des femmes ayant dépassé la ménopause», confie la démarcheuse.
Et l'Etat ne se limiterait pas à des appels, mais enverrait également ses escouades faire du porte-à-porte. «Je venais d’accoucher de mon premier enfant quand le comité de quartier a frappé à ma porte pour me demander quand j’allais en avoir un deuxième! J’étais épuisée. Ils m’ont demandé mes papiers et ceux de mes proches, quel était l’état de nos relations. Je l’ai vécu comme une violation de ma vie privée», confie une jeune mère au journal français.
Si cette technique laisse un goût amer à nombre de Chinoises, d'autres, en revanche, semble apprécier. «Après l’accouchement, ils m’ont rendu visite et ont suivi la vaccination. Ils étaient gentils, je ne me sentais pas du tout harcelée», explique une jeune mère de 29 ans.
Des répercussions importantes
Depuis 2023, la population chinoise baisse chaque année de deux millions de personnes. Une étude des Nations unies, réalisée en 2024, estime qu'à l'horizon 2100 sa population pourrait être réduite de moitié, soit environ 700 millions de personnes de moins. Un déclin qui ne sera pas sans conséquence pour la société chinoise.
Face à cette crise, le gouvernement a promis, en octobre dernier, de soutenir davantage les familles, notamment dans le financement des logements et des études des enfants. Pékin a même déclaré vouloir «encourager une atmosphère sociale propice à donner la vie», rapporte «Le Monde». Une ambition qui tranche avec la tradition d’un Etat souvent focalisé sur les infrastructures, au détriment des enjeux sociaux. D'ici à ce que les promesses deviennent réalité, de nombreuses jeunes femmes chinoises devront continuer à composer avec des incursions dans leur vie intime.