Mao Zedong, le fondateur de la République populaire de Chine, qualifiait déjà cet outil d'«arme magique». Aujourd'hui, le président Xi Jinping le place de nouveau au centre de sa stratégie. Cet outil, c'est le Département du travail du Front uni. Un nom peu évocateur. L'objectif principal de cette unité est d'étendre l'influence du Parti communiste chinois au-delà des frontières.
Ce département spécial suscite autant de préoccupations en Occident que l'arsenal militaire de Pékin, rapporte la BBC, jeudi 19 décembre. Si son existence est loin d’être secrète – un site internet rend compte de ses activités –, l’ampleur et la portée de son travail soulèvent de nombreuses questions.
Ce département est régulièrement associé à des affaires d'espionnage et accusé de servir les ingérences étrangères de la Chine. Des accusations que Pékin rejette catégoriquement, les qualifiant de «ridicules». Dernière cible présumée de ces opérations: le prince Andrew.
«Au-delà de l'espionnage»
Le Front uni a été relégué au second plan en 1949, après l'accession au pouvoir du parti communiste. Mais sous l'impulsion de Ji Xinping, le département a connu un nouvel essor ces dernières années. «Le travail du Front uni peut inclure l’espionnage, mais il va au-delà», explique à la BBC Audrye Wong, professeure adjointe de sciences politiques à l’Université de Californie du Sud.
Aujourd'hui, l'unité chercherait non seulement à obtenir des informations confidentielles auprès des gouvernements étrangers, mais aussi à influencer le débat public, allant de sujets sensibles comme Taiwan à la répression des minorités ethniques comme les Tibétains. Elle ciblerait les médias étrangers afin d'avoir une emprise sur les récits rapportés. Les critiques du gouvernement chinois ainsi que les personnalités chinoises influentes à l'étranger sont également dans le collimateur du Front uni.
Le prince Andrew ciblé
Le 13 décembre, le «Telegraph» révélait qu’un proche du prince Andrew avait été interdit de séjour au Royaume-Uni, soupçonné d’espionnage au profit du Parti communiste chinois. Condamné en 2023, l’homme avait fait appel, mais la décision a été confirmée.
Un rapport officiel affirmait qu’il représentait une menace pour la «sécurité nationale» en raison de ses liens avec le Département du travail du Front uni. Le confident du fils d’Elisabeth II, de son côté, réfute catégoriquement les accusations, affirmant n’avoir commis aucun acte illégal et qualifiant les soupçons d’espionnage de «totalement infondés».
Des cas récurrents
Les cas comme celui du Prince Andrew ne sont pas isolés. En 2022, les services de renseignement britanniques ont accusé une avocate sino-britannique d'avoir cherché à entretenir des relations avec des personnalités influentes du pays pour le compte du Front uni.
En 2023, un citoyen américain qui tenait un restaurant chinois a été inculpé pour avoir fourni des informations sur des dissidents chinois locaux à l'unité. Plus récemment, une ancienne assistante du bureau du gouverneur de New York a également été mise en cause. Elle aurait exploité sa position pour servir les intérêts de Pékin, obtenant en échange des avantages tels que des voyages. Les médias chinois rapportent qu’en 2017, elle aurait rencontré un haut responsable du Front uni, se qualifiant alors d’«ambassadrice de l’amitié sino-américaine».
Pour les pays occidentaux, le défi est de taille: maintenir des relations économiques avec la deuxième puissance mondiale tout en protégeant leur sécurité nationale. Une tâche qui s’apparente à un véritable numéro d’équilibriste.