Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne... et maintenant le Danemark et la Pologne: au fil des jours, la liste des pays membres de l'OTAN autorisant l'Ukraine à frapper le territoire russe avec des armes occidentales s'allonge à vue d'oeil. Un appel que le chef de l'OTAN, Jens Stoltenberg, avait lancé aux pays qui fournissent des armes à l'Ukraine, les invitant à lever toute forme de restriction en la matière. Quelle pourraient être les conséquences de ce positionnement sur la suite de la guerre? Marcel Berni, expert militaire à l'EPF, fait le point.
Quels sont les avantages de l'utilisation d'armes occidentales sur le territoire russe?
«La Russie avait jusqu'à présent l'avantage de pouvoir tirer depuis son propre territoire sur les régions autour de Kharkiv, explique Marcel Berni. L'Ukraine ne pouvait se défendre qu'avec de vielles armes ou de vieux systèmes ayant une portée limitée.» Dans la région de Kharkiv, les Russes ont donc conquis plusieurs villages ces dernières semaines et ont rapidement gagné du terrain.
Mais tout ça pourrait bien changer. Selon l'expert militaire, les endroits situés à la frontière de Kharkiv, d'où partent des attaques et où la Russie rassemble des troupes et des armes en vue d'une intervention, peuvent être mieux attaqués avec l'approvisionnement tant espéré en armes occidentales. Avec ces dernières, les contre-attaques devraient être plus intenses et plus précises, suppose le stratège militaire.
Quelles armes l'Ukraine pourrait-elle utiliser?
Une grande partie de l'arsenal ukrainien provient désormais de l'Occident, dont les missiles américains à courte portée ATACMS, l'obusier blindé allemand 2000 ou le char britannique Challenger II. Mais jusqu'à maintenant, l'utilisation est soumise à des restrictions: «Actuellement, seules les cibles situées dans le périmètre du front nord récemment ouvert près de Kharkiv peuvent être attaquées», explique Marcel Berni.
Les Etats-Unis, de leur côté, continuent d'interdire l'utilisation de missiles à longue portée sur le sol russe. Berlin et Washington autorisent seulement de tirer dans une zone proche de la région de Kharkiv, dans un rayon de 40 kilomètres, selon le journal «Bild». Quelles armes seront utilisées dans ce cadre? «Probablement des systèmes occidentaux d'artillerie et de défense aérienne, ainsi que de missiles de croisière» précise Marcel Berni.
Quelles seraient les cibles prioritaires en Russie?
«Ce sont surtout des cibles militaires au nord et à l'est de Kharkiv qui devraient être visées», répond Marcel Berni. Mais l'Ukraine pourrait aussi étendre ses attaques à des cibles militaires et civiles dans la zone frontalière russe. Des cibles telles que des dépôts de pétrole, des aéroports, des infrastructures énergétiques ou des nœuds ferroviaires importants.
S'agit-il d'un tournant dans la guerre?
Pour Marcel Berni, les frappes ukrainiennes en territoire russe n'engageront pas la guerre dans un tournant majeur. La situation sur le front ne risque donc pas de changer significativement, notamment avec les restrictions des États-Unis et de l'Allemagne.
L'expert prévient toutefois: «La Russie devrait vite s'adapter et décentraliser sa logistique.» Il mise par ailleurs sur une guerre d'usure: «Mais l'Ukraine a la possibilité, au moins dans le nord-est, de se défendre plus efficacement et de stabiliser le front nord, actuellement exposé.» Et de conclure: «L'Ukraine est sur la défensive. Et elle le restera.»