L'état d'alerte a été renforcé en Europe de l'Est après que des opérations hybrides massives ont été enregistrées en Moldavie. Le Kremlin serait à l'origine de ces attaques. L'objectif? Déstabiliser le pays et l'empêcher de se rapprocher de l'Occident. Ces attaques sont-elles les prémices d'une nouvelle invasion russe? Blick fait le point avec des experts.
Sur Vladimir Poutine
Que craignent les pays de l'Est?
Alexandru Musteata, directeur du service de renseignement et de sécurité en Moldavie, a fait état d'opérations hybrides d'une «ampleur sans précédent». Le directeur parle de la diffusion d'un sentiment anti-UE sur les réseaux sociaux par des députés pro-Kremlin au Parlement. Mais il met également en garde contre le fait que la Russie prévoit de provoquer des protestations et des conflits interethniques. Poutine serait également envieux d'attiser des crises économiques et sociales. L'expert n'exclut pas la piste du crime organisé pour arriver à ces fins.
Ulrich Schmid, spécialiste de la Russie à l'Université de Saint-Gall, analyse: «Il parle ici de l'oligarque Ilan Schor, dont le parti prorusse a été interdit l'année dernière par la Cour constitutionnelle moldave car il était anticonstitutionnel.» Cet oligarque avait été condamné en 2017 à sept ans et demi de prison en Moldavie pour une fraude de plusieurs milliards dans le système bancaire.
Quels sont les autres types d'attaques?
Les attaques hybrides ne datent pas d'hier en Moldavie: attaques en ligne, piratage de serveurs gouvernementaux et de systèmes électoraux, publication de documents gouvernementaux, recrutement d'espions, transport en bus de faux électeurs prorusses de Transnistrie vers le territoire moldave, corruption de fonctionnaires gouvernementaux pour des objectifs prorusses... La liste est longue.
Ralph D. Thiele est le président de la société politico-militaire allemande et président d'EuroDefense Allemagne. Pour Blick, il détaille les potentielles conséquences de ces attaques hybrides sur un pays: «Il s'agit d'abord d'ébranler le gouvernement, l'administration et la société. Ensuite, le pays tombe comme un fruit mûr entre les mains de l'opposant. Les forces armées finissent alors par s'exécuter, sans grande résistance.»
Pourquoi ces attaques surviennent-elles maintenant?
La présidente moldave Maia Sandu a annoncé un référendum sur l'adhésion de la Moldavie à l'UE pour l'automne 2024. Des élections présidentielles sont également prévues à l'automne. Pour Ulrich Schmid, la Russie s'oppose à son élection: «Moscou travaille pour que le référendum sur l'adhésion à l'UE échoue et que Maia Sandu ne soit pas réélue.»
Mais l'augmentation massive des attaques devrait également toucher l'Occident. «Nous devrions également considérer ces événements comme l'annonce d'attaques hybrides dans les pays baltes, au Kosovo et dans d'autres pays. Nous pouvons déjà constater les premières manifestations, même en Allemagne», alerte Ralph D. Thiele.
Quelle est l'influence de Moscou sur la Moldavie?
L'année dernière, un document secret dévoilé au grand jour révélait que le président russe Vladimir Poutine souhaitait rendre le petit pays moldave dépendant de Moscou au plus tard en 2030. La République sécessionniste de Transnistrie, qui fait partie de la Moldavie, est déjà entièrement sous l'influence du Kremlin.
Les tensions en Transnistrie et dans la Gagaouzie, une région autonome du sud de la Moldavie, tombent à pic pour la Russie: «Moscou ne veut pas que la Moldavie devienne membre de l'UE tant qu'elle ne contrôlera pas son territoire», estime Ulrich Schmid.
Vladimir Poutine prévoit-il une invasion?
La Moldavie dispose d'une petite armée avec seulement 5000 soldats actifs. Le pays n'est protégé par aucune alliance militaire. Néanmoins, «une invasion est plutôt improbable», avance Ralph D. Thiele «car les troupes russes se retrouvent dans une situation tactique difficile, qui mobilise inutilement des forces armées». D'un autre côté, la Russie pourrait aussi vouloir prouver qu'elle est capable d'agir.
La Moldavie ne provoque-t-elle pas inutilement le Kremlin en adhérant à l'UE?
Non, selon Ulrich Schmid. Comme le pays faisait partie de la Roumanie dans l'entre-deux-guerres et avant son rattachement à l'Union soviétique, la langue d'État est officiellement le roumain depuis l'année dernière. Tout citoyen moldave obtient aujourd'hui sans problème un passeport roumain – et donc européen. «L'intégration de la Moldavie à l'Ouest est différente de celle de l'Ukraine: l'Ukraine ne veut pas seulement devenir membre de l'UE, mais aussi de l'OTAN. Ce n'est pas le cas de la Moldavie, qui est neutre», rappelle encore l'expert.
Fin 2023, l'UE a décidé d'entamer des négociations d'adhésion avec la Moldavie. Il s'agit en premier lieu de stabiliser ce pays pauvre et de le lier à l'Occident. Pour rappel, le revenu mensuel par habitant n'est que de 200 francs dans le pays.