Chaque fois que je regarde les stories Instagram que mon collègue Antoine poste depuis sa salle de sport, je ressens un mélange douteux d’admiration, d’intense culpabilité et d’agacement. Qui a la discipline nécessaire et la nuit suffisamment apaisée pour aller pousser de la fonte à 7h30 du matin avant d’aller travailler? Certainement pas moi. Disons que je suis pour le sport le matin, mais me motiver avant 8h30 est largement au-dessus de mes forces.
De même, les gens qui vont à la piscine entre midi et deux sont pour moi un mystère aussi insondable que l’existence du riz Casimir. C’est la chose la moins pratique du monde, on passe autant de temps dans l’eau qu’en claquettes à essayer de sécher ses cheveux pour avoir une apparence acceptable en retournant au bureau. Et la pause déjeuner est ruinée.
Mais indépendamment de mes convictions personnelles, y a-t-il un moment de la journée qui est meilleur qu’un autre pour s’adonner à son activité sportive préférée?
Pour en avoir le cœur net, je suis allée poser la question au Dr. Mathieu Saubade, médecin du sport et de l’exercice au CHUV et à Unisanté, à Lausanne. Le spécialiste insiste d’abord sur un point: «Le bon moment, c’est d’abord le moment où c’est possible pour soi. L’important reste de faire du sport, quel que soit l’horaire.» Autrement dit, si cela ne vous embête pas plus que cela d’arriver les cheveux mouillés et la trace des lunettes enfoncée dans les pommettes à votre réunion de 14 heures, il n’existe aucun argument rationnel contre la séance de piscine de la mi-journée.
Respecter son rythme biologique
Si l’horaire choisi ne fait donc «pas de grosse différence», assure Mathieu Saubade, il existe tout de même quelques conseils à suivre. «La pratique du sport doit être en accord avec son rythme professionnel et biologique. Par exemple, il ne faut pas perdre du temps de sommeil en se levant plus tôt ou en pratiquant tard le soir.»
Des horaires tardifs sont susceptibles de «dérégler l’horloge biologique en augmentant l’excitation», et donc d’empêcher de dormir. Un autre élément à prendre en compte est celui de la digestion. «Mieux vaut attendre entre une et deux heures après un repas pour faire du sport», recommande le médecin.
En parlant de manger, une étude a montré que la pratique du sport le matin à jeun pouvait être «plus efficace pour brûler les graisses et perdre du poids», pointe le spécialiste. «C’est encore plus efficace sur les femmes.» À l’inverse, l’exercice en fin de journée aurait un effet bénéfique sur la fatigue et l’humeur. «Les hommes comme les femmes qui faisaient du sport le soir disaient se sentir mieux par rapport à ceux qui en faisaient le matin.» Mais Mathieu Saubade tient à nuancer ces résultats, qui viennent d’études menées sur des petits groupes de personnes faisant beaucoup de sport. «Cela n’a pas été beaucoup reproduit, nous n’avons donc que peu de données scientifiques pour étayer ces recommandations.»
Tout est une question de charge mentale
Pour le médecin, les effets métaboliques ne sont donc pas ce qui compte dans le choix d’un horaire pour sa pratique sportive. «Il faut regarder ce qui coûte le moins de charge mentale, sachant que lorsqu’on veut se mettre au sport, il faut penser sur le long terme. Qu’est-ce qui est le plus facile à mettre en place toute l’année?», résume Mathieu Saubade. Les plus flexibles pourront même tester ce qui leur convient le mieux, le matin ou le soir, avant de trancher. «Car l’idéal pour son rythme biologique, rappelle le spécialiste, c’est de garder si possible toujours le même moment de la journée pour sa pratique.»
Mais là encore, pas de panique si finalement la séance de musculation se décale du matin au soir. Ce n’est certes pas optimal, mais l’effet bénéfique d’une activité physique restera toujours largement supérieur au potentiel désagrément. Antoine peut donc continuer de me narguer depuis une salle de sport à 7h30 du matin, et moi déculpabiliser de ne saisir mes haltères qu’une heure (ou deux, ou trois) plus tard.