Je ne suis pas une trouillarde. La preuve: j’ai avalé des sauterelles séchées, caressé un boa, gravi un 4000 mètres… Le fitness, par contre, ça me tétanise. L’idée de malmener une machine mal réglée devant une brochette d’athlètes aux bras fuselés me donne envie de m’enrouler dans mon tapis de yoga pour m’y cacher. Fan de course à pied et de randonnée, je peux facilement éviter ce type d’angoisse durant la belle saison. Mais quand l’hiver approche à pas feutrés, la même petite voix culpabilisante s’élève dans ma tête: «Tu serais plus en sécurité sur un tapis de course, quand il fait sombre dehors…»
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Ma sœur, friande de fitness, pourrait me tenir les mêmes propos. Voilà des mois qu’elle essaie de me convaincre qu’il ne faut aucun diplôme particulier pour allumer le rameur, que personne ne me regarde et que les poids ne mordent pas. Comme je suis l’aînée, je ne me sens pas particulièrement obligée de l’écouter. Mais je sais qu’elle a raison… Il m’est d'ailleurs arrivé de m’abonner à une salle, dans une tentative de me forcer. Verdict: j’y suis allée zéro fois.
«Il s’agit d’une forme légère d’anxiété de performance, associée aux situations lors desquelles on se sent jugé, analyse la psychologue FSP Rachel Banderet. Le même phénomène accompagne par exemple les périodes d’examens ou les situations d’évaluation et implique souvent un décalage entre la difficulté perçue de la tâche et les habiletés qu’on se connaît. Ainsi, le stress n’est plus un moteur de productivité, mais nous fige, nous pousse à procrastiner ou à éviter ce premier pas.»
Je confirme: l’idée d’entrer dans une salle suffit à me stresser. La faute aux influenceurs sportifs qui exhibent leurs abdos sur mon feed Instagram? «Dans le monde du fitness, tel qu’il est notamment dépeint sur les réseaux sociaux, le regard des autres prend une importance majeure, poursuit notre experte. Cela peut représenter une difficulté supplémentaire lorsqu’on manque d’estime de soi dans ce domaine. La société voue effectivement un culte à la performance et le sport n’échappe pas à ce schéma.»
Étape 1: Se mettre en action
En commençant à écrire cet article, je savais bien que je finirais par devoir monter sur un vélo elliptique... Et j'ai quand même décidé de relever le défi. Pour Rachel Banderet, avant même de pousser la porte du fitness, le plus important est de questionner nos croyances: «Souvent, on anticipe tous les scénarios catastrophiques possibles: on n’aura pas la tenue qu’il faut, on n’arrivera pas à allumer la machine, tout le monde va juger notre forme physique… Si on parvient à en prendre conscience, il est utile de les écrire, afin de retrouver une juste distance par rapport à ces croyances infondées.» Ma plus grande peur: entendre l'une ou l'un des athlètes présents marmonner que «celle-ci, elle a vraiment des bras de Betty Spaghetty» (enfants des 90's, vous savez de quoi je parle).
Avant de se lancer, la psychologue conseille d’appeler le fitness en amont, de programmer une visite ou de demander une séance d’essai: «Le fait de décortiquer les actions permet de briser la glace et d’évincer le réflexe d’évitement.» Ensuite, Lou Lefebvre, coach sportive et créatrice de la plateforme de cours All Champs, recommande de simplement sauter le pas: «On dit que l’école reflète la société, mais je pense que c’est un peu pareil pour les clubs de sport, constate-t-elle. Démarrer un cours de fitness ou s’inscrire dans un nouveau club est forcément un peu intimidant, à l'instar d'une soirée dans laquelle on ne connait personne. Mais une fois qu’on a passé le baptême du feu et pris nos marques, on se rend compte que ce n’est pas si terrible: il suffit de briser la glace!»
Pour la psychologue FSP Rachel Banderet, l'angoisse liée à l'évaluation ou au regard d'autrui peut être liée à une forme légère anxiété de performance. Il faut toutefois veiller à ce que celle-ci ne prenne pas trop de place dans le quotidien: «Si le blocage est tel qu’on développe des symptômes d’angoisse, ou que l’anxiété touche différentes sphères de la vie, il est important d’entreprendre une thérapie et de demander l’aide de professionnels pour faire des liens, comprendre nos peurs et mettre en place différents outils», conseille la spécialiste. Dans ce cas de figure, n'hésitez pas à faire appel à un thérapeute, à en discuter avec votre entourage ou à contacter la Main tendue, si la situation devient trop difficile.
Pour la psychologue FSP Rachel Banderet, l'angoisse liée à l'évaluation ou au regard d'autrui peut être liée à une forme légère anxiété de performance. Il faut toutefois veiller à ce que celle-ci ne prenne pas trop de place dans le quotidien: «Si le blocage est tel qu’on développe des symptômes d’angoisse, ou que l’anxiété touche différentes sphères de la vie, il est important d’entreprendre une thérapie et de demander l’aide de professionnels pour faire des liens, comprendre nos peurs et mettre en place différents outils», conseille la spécialiste. Dans ce cas de figure, n'hésitez pas à faire appel à un thérapeute, à en discuter avec votre entourage ou à contacter la Main tendue, si la situation devient trop difficile.
Étape 2: Choisir son «partner in crime»
Si l’idée de se lancer seul paraît trop inconfortable, Lou Lefebvre conseille de choisir une personne bienveillante qui acceptera de nous suivre dans ce défi: «Le mieux est de demander à être conseillé ou accompagné, surtout quand on n’est vraiment pas à l’aise. Il est toujours plus facile d’y aller avec quelqu’un, de participer au même cours ou de découvrir le même fitness qu’un proche.»
Ma sœur s’est donc fait un plaisir de m’inviter - à sept heures tapantes - dans son fitness habituel. «Je choisis toujours cet horaire, car je me sens plus à l’aise quand il n’y a pas trop de monde», a-t-elle précisé. Je vous promets que les trois autres téméraires déjà présents m’ont quand même remarquée… Trop occupée à faire semblant d’être une habituée des lieux, j’ai fait tomber un poids dont l’écho a manqué de les assourdir.
Étape 3: Se mettre dans sa bulle
«Une fois qu’on s’est mis en action, c’est le moment d’appliquer à la pratique sportive les outils empruntés à la méditation ou à la pleine conscience et se concentrer sur ce qu’on ressent dans notre corps, encourage Rachel Banderet. Le but est de se distancer de nos pensées bloquantes, car on a les capacités d’y arriver!»
Lou Lefebvre recommande également de se recentrer sur soi, une fois la machine allumée, pour chasser le syndrome de l’imposteur: «Je pense que tout le monde ressent parfois ce sentiment, surtout quand on n’a pas fait de sport depuis longtemps ou qu’on débarque dans un contexte nouveau. Dans ces moments-là, on est plus attentif au regard des autres. Pour parer à cela, je conseille de se mettre dans une bulle, avec une playlist motivante dans les oreilles. On a tendance à craindre le regard des autres, mais en observant les personnes que je croise dans la salle, je constate vraiment que chacun est dans son monde et que personne ne regarde les autres!»
J’ai vraiment essayé d’appliquer ces conseils, croyez-moi! Si on omet ma gourde affublée d'oreilles de chats (lorgnée avec consternation par l'un des sportifs), je crois que j'ai fini par me fondre dans le décor de la salle. Même si j'ai surtout orbité autour du tapis de course, ma zone de confort, j'ai fait la connaissance de trois autres machines; celles dotées d'un gros bouton «on/off». Plus simple.
Étape 4: Se libérer du regard d'autrui
En quittant le fitness, il me restait un dernier mystère à élucider. Mais pourquoi craint-on tellement le regard extérieur? J’ai posé la question à Victoria Sardain, coach de vie et entraîneuse chez Beat Fitness, à Lausanne: «Quand on a peur que les autres aient une opinion particulière de nous, c’est souvent parce que, d’une certaine manière, on a cette image de nous-même! Si on n'était pas convaincu d'avoir l’air d’un débutant, on n’imaginerait jamais qu’autrui ait cette impression.» La coach y voit ainsi une occasion de questionner nos croyances, de chercher leur origine et de les modifier: «Nous n’avons aucun contrôle sur les pensées des autres, mais il nous est possible d’adapter les nôtres pour réduire cette peur», conclut-elle. À méditer depuis le tapis de course… que je préférerai sans doute toujours au rameur.