Le 24 décembre, les photos de famille déferleront sur Instagram comme une coulée de neige fraîche sur un flanc de montagne. Elles recouvriront les réseaux sociaux de leurs couleurs écarlates, ensevelissant tout autre contenu sur leur passage. Et sous cette avalanche de sourires, de sapins et de bonnets rouges, les personnes esseulées auront l’impression de suffoquer.
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Si c’est votre cas, sachez que la sensation glaçante d’être seul au monde vient largement d’un imaginaire commun gavé de marshmallows: «La représentation symbolique des fêtes de Noël qu’on voit à la télévision ou dans les publicités implique toujours de joyeuses réunions familiales, de l’amour, des grands repas, constate Adèle Zufferey, psychologue spécialiste en psychothérapie FSP. On se rend compte que ce n’est pas toujours aussi positif en réalité, mais toutes ces images répétées décuplent le sentiment de solitude, lorsqu’on n’expérimente pas ce qui est montré dans les films de Noël.»
Paul Jenny, psychologue et psychothérapeute FSP, rappelle en outre que Noël constitue une forme de rituel social très valorisé en Occident, essentiellement centré sur le schéma familial traditionnel et un certain modèle hétéronormatif: «Dans ce sens, il y a une pression très importante à l’endroit de «passer du temps avec sa famille», mais ce n’est pas le souhait de tout le monde et les moyens pour se regrouper peuvent manquer. De nombreuses personnes ne vivent pas en famille, peuvent être en conflit ou en froid avec leurs proches ou résider dans différents pays ou régions.»
Pour toutes les personnes qui ne vivent pas le Noël de leurs rêves, qui souffrent du manque d’un être cher ou qui rêvent de se téléporter dans un autre continent, voici 4 pistes pour vous sentir un peu mieux.
Prendre un pas de recul
Notons tout d’abord qu’un Noël solitaire n’implique pas forcément une souffrance! Il est tout à fait possible de profiter d’une soirée tranquille et silencieuse, sans se poser la moindre question: «Si on est seul, mais qu’on n’en souffre pas, il n’y a aucun problème, rappelle Adèle Zufferey. Cette injonction à passer les Fêtes entouré de monde peut nous faire oublier le fait qu’on peut se sentir parfaitement heureux avec soi-même et que cela ne signifie pas qu’on est seul au monde!»
Or, si la solitude nous pèse, on peut effectivement ressentir l’impression d’être l’unique personne à passer la journée seule: «Cela remet en question notre impression de mériter l’amour d’autrui», ajoute la psychologue. Afin d’éviter ce type de spirale émotionnelle, nos spécialistes conseillent de se détacher au maximum des pressions liées aux Fêtes:
«Je dirais que prendre de la distance par rapport au perfectionnisme et l’injonction à être joyeux peut aider, propose Paul Jenny. Parfois, le fait d’afficher clairement qu’on est seul pour Noël et d’assumer cela, peut permettre de garder son estime de soi. Cela peut même amener des dynamiques inclusives ou favoriser un regroupement. Et pourquoi ne pas considérer cette fête comme un jour lambda!» Car qu’on ait mangé de la bûche ou non, le soleil se lèvera, le 26 décembre.
Élargir votre horizon
Si vous souhaitez réduire votre sentiment de solitude, Adèle Zufferey recommande de questionner son origine: «Est-ce une dispute récente avec la famille? Des proches qui se sont éloignés? À partir de là, on peut élargir la perspective en contactant des connaissances qui pourraient passer les Fêtes avec nous et devenir notre famille choisie.»
Ainsi que le rappelle notre intervenante, le seul moyen de contrer la solitude est d’être en lien avec les autres et s’entourer de personnes bienveillantes. Or, cela n’est pas toujours évident, sachant que certains individus ont une vision très solitaire d’eux-mêmes, ne se sentent pas compris ou n’ont pas réussi à créer des liens positifs avec les autres: «Cela peut mener à une forme de retrait social qui, de nouveau, peut être parfaitement bien vécu», souligne-t-elle.
De nombreuses organisations, dont Neighborhub (FR), Banc Public (FR), le Caré (GE) ou encore Pro Senectute organisent effectivement des repas solidaires pour les personnes isolées.
Vous réapproprier Noël
En lisant ces lignes, vous êtes seul à la maison? Pour nos experts, il s’agit d’une opportunité de n’écouter que vos propres envies. «On n’a pas besoin de faire des choses extraordinaires, juste parce que c’est Noël et que les personnages de films vivent des soirées grandiloquentes, indique Adèle Zufferey. Regarder un film à la télé, aller aux bains thermaux, préparer un plat que vous n’avez pas mangé depuis longtemps… Il convient juste d’identifier la stratégie qui vous ferait le plus de bien!»
Car peu importe ce que fabriquent les protagonistes des films Netflix avec leurs chocolats chauds et leurs manèges en forme de sapin, rien ne nous oblige à les imiter! «C’est pareil pour Nouvel-An, d’ailleurs, poursuit la psychologue. L'injonction sociale est de sortir jusqu’à l’aube, de boire beaucoup d’alcool et d’être très joyeux… mais si on a envie de rester en pyjama et d’aller se coucher à 22h, c’est bien aussi! On a le droit de faire ce qu’on veut, peu importe ce dont nous abreuvent les films et les publicités!»
Offrir votre temps
Si aucune de ces idées ne vous réchauffe le cœur, Paul Jenny suggère de «valoriser autre chose, en partageant un repas avec d’autres personnes qui pourraient aussi être esseulées ou en se rendant utile pour les individus démunis ou en détresse.»
Pour cela, n’hésitez pas à proposer votre aide à la soupe populaire de votre ville (comme la fondation Mère Sofia à Lausanne), auprès de Nez Rouge ou encore Caritas. «Le fait de pouvoir être en lien avec d’autres, au travers du bénévolat par exemple, peut nous faire revenir à une connexion humaine très primaire, un partage simple et un sentiment d’utilité. On reprend ainsi le contrôle, sans subir cette soirée qu’on redoutait tant.»
Comment aider vos proches seuls à Noël?
Même si vous passez le réveillon en groupe, il se peut que vous connaissiez d’autres personnes plus esseulées durant les Fêtes, en raison d’une rupture, d’un déménagement ou d’une dispute familiale: «N’hésitez pas à lui envoyer un message le jour même, conseille Adèle Zufferey. Même si elle risque de refuser, vous pouvez quand même l’inviter à passer Noël avec vous: la simple proposition peut l’aider à se sentir soutenue et moins seule. Vous pouvez aussi lui proposer une activité après les repas familiaux, afin qu’elle puisse se réjouir de quelque chose en fin de journée!»
Paul Jenny constate toutefois que ce type de proposition peut être délicat, le but n’étant pas de suggérer qu’on plaint la personne concernée: «Favoriser un regroupement alternatif entre amis ou voisins, ou inviter plusieurs personnes seules sont des gestes qui peuvent être appréciés, conclut-il. On peut se permettre de poser la question directement, en demandant simplement «Que fais-tu pour les fêtes?», sans oublier de partager notre plaisir de l’inviter à notre réveillon.» Que vous soyez seul ou non, triste ou joyeux, on pense à vous.