Lorsqu’elles ont commencé à sortir ensemble il y a quelques années, le quotidien d’Emma* et Marie* n’était alors qu’étreintes passionnées, messages coquins à longueur de journée et exploration joyeuse du corps de l’autre. Mais avec le temps, l’intérêt d’Emma pour le sexe a progressivement diminué, allant même jusqu’à complètement disparaitre par périodes.
Alors même qu’elle n’a aucun doute sur l’amour qu’elle porte à sa chérie, Emma ne comprend pas pourquoi elle n’a (presque) plus envie d’elle. De son côté, Marie a l’impression de peu à peu perdre la connexion intime qui la liait si fortement à sa partenaire mais n’ose pas lui poser la question qui fâche: «est-ce que je t’excite moins qu’avant?»
Presque inévitable dans les longues relations, l’asymétrie du désir sexuel peut ne durer qu’un temps ou au contraire s’installer dans la durée. De plus, de nombreux facteurs peuvent influencer la libido (dynamique interpersonnelle, santé physique et mentale, messages sociaux autour de la sexualité,..) Alors, faut-il se résigner ou existe-t-il au contraire des pistes à explorer afin de retrouver l’envie de faire l’amour avec celle ou celui qu’on aime ?
L’intimité, pas seulement une affaire de chambre à coucher
En avril 2023, le chanteur britannique Robbie Williams et son épouse depuis 13 ans, Ayda Field, ont fait la une de la presse people en révélant qu’ils n’avaient presque plus de relations sexuelles. L’interprète de «Feel» avait alors expliqué que son absence de libido résultait de l’arrêt d’un traitement à base d’injections de testostérone, lesquelles avaient aggravé sa dépression. Une situation que semble relativiser sa femme Ayda Field: «Je pense que les gens confondent le sexe avec l’intimité. Nous sommes toujours en train de nous câliner et de nous embrasser, de nous tenir la main et de nous toucher quand nous regardons la télévision sur le canapé».
Interrogée par le New York Times, la psychiatre et sexologue Elisabeth Gordon insiste sur l’importance d’élargir ses «scripts sexuels», ces idées préconçues que nous avons toutes et tous au sujet de ce à quoi «devrait» ressembler le sexe: «Ce qui compte, c’est que vous réserviez du temps pour l’intimité, peu importe ce que cela signifie pour vous», indique la spécialiste qui cite l’exemple d’un couple étant parvenu à un compromis consistant pour un partenaire à enlacer l’autre pendant que celui-ci se masturbait.
Désir spontané versus désir réactif
Et si on vous disait qu’il n’existe pas un, mais plusieurs types de désirs? Dans son livre «Come as you are, the surprising new science that will transform your sex life» (Éd. Simon & Schuster), Emily Nagoski explique que nous sommes nombreux, influencés par le cinéma, les séries ou même la publicité, à imaginer que l’excitation est censée apparaitre de manière spontanée. Et pourtant, pour nombre d’entre nous, l’appétit sexuel n’est pas instantané mais met au contraire plus de temps pour se développer en réaction à une stimulation de l’un ou plusieurs des cinq sens. C’est ce que l’on appelle le désir réactif.
Or, toujours selon Emily Nagoski, la méconnaissance de cette réalité plonge de nombreuses personnes dans un profond désarroi en les faisant se demander si quelque chose cloche chez elles: «Le désir réactif est à la fois normal et parfaitement sain!», martèle celle qui se présente volontiers comme une sex educator.
Les solutions pour rééquilibrer l'intimité
Pour mettre en pratique la notion de désir réactif sans pour autant ressentir de pression, le bestseller «Desire: an inclusive guide to navigating libido differences in relationships», entièrement consacré aux décalages de libido au sein du couple et écrit par les psychothérapeutes Lauren Fogel Mersy et Jennifer Vencill, suggère aux partenaires souhaitant retrouver l’envie de faire l’amour l’un avec l’autre de recourir au «modèle de la volonté» (de l’anglais Prototype Willingness Model, un modèle de prise de décision issu des recherches en sciences cognitives).
Expliqué simplement, la méthode consiste à se poser la question: «Sur une échelle de 0 à 10, où se situe mon envie de voir si mon désir peut se manifester?» Si c’est 0, on s’arrête immédiatement, car en matière de sexe, on ne le rappellera jamais assez, le consentement est crucial. Si en revanche, vous êtes à 5, vous pouvez vous demander si là, maintenant, vous avez envie d’enlacer votre partenaire, de vous mettre au lit avec lui/elle et à partir de là, voir si un désir d’approfondir le contact physique se manifester en vous. Une méthode plébiscitée par de nombreux spécialistes qui a l’avantage d’alléger la pression ressentie par le partenaire moins désirant mais également de renforcer l’écoute et la complicité au sein du couple.
Pas de « trop » ni de « trop peu »
Enfin, si comme on l’a vu, l’asymétrie de libido au sein du couple est extrêmement courante et ne fait pas de vous quelqu’un d’anormal, Emily Nagoski précise que si deux partenaires expérimentent des différences d’intensité ou de fréquence de leur désir sexuel, il n’existe pas de «trop» ou de «trop peu» en la matière, chaque individu étant unique. Alors, on respire un grand coup, on communique avec sa moitié et en cas de difficultés importantes, on n’hésite pas à pousser, à deux, la porte d’un thérapeute de couple ou d’un sexologue.
*prénoms d’emprunt