Drôle d’expérience, ce lundi matin dans ma salle de bains. Sur ma balance, +2 kilos par rapport à la semaine passée. Stable depuis des semaines, ma courbe pondérale a pris un sacré pic (à brochette). Je ne vois vraiment pas pourquoi. Ah si, j’ai passé la semaine à Paléo, cinq jours de festival riches en verres éclusés, en plats dévorés et autres à-côtés. Ma sélection de cinq plats les plus caloriques possibles n’y est vraisemblablement pas étrangère.
Face à cette flagrante anomalie de la machine, j’ai immédiatement fait ce qui était le plus rationnel: changer ses piles. Puis changer la balance. Rien à faire, c’était bien +2 kilos. For real? Ne riez pas, vous êtes nombreux à avoir fait la même expérience que moi, que ce soit après un festival, une semaine de vacances, voire une simple escapade gourmande le temps d’un week-end. Quelques jours d’indulgence bien mérités et paf, un, deux, trois kilos en plus au retour, à se demander si l’on n’aurait pas violé le premier principe de la thermodynamique.
Les vacances, c’est du lourd
Ce phénomène existe-t-il vraiment, ou n’est-ce qu’une impression née d’une sensation de trop-plein gastrique, arrosée de culpabilité? En fait, la littérature scientifique à ce sujet est comme les assiettes de chez Tibits: pas très copieuse. «Les études disponibles portent pour la plupart sur les fêtes de fin d’année aux Etats-Unis, de Thanksgiving en novembre, jusqu’à début janvier, souvent sur de petits échantillons de participants», confirme Tinh-Hai Collet, médecin adjoint agrégé de l'Unité de nutrition des Hôpitaux universitaires de Genève.
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Exemple, une étude parue en 2000 dans le «New England Journal of Medicine», souvent citée dans les recherches, conclut que les adultes américains prennent 0,37 kg en moyenne entre novembre et janvier. Dans la même revue en 2016, des travaux portant cette fois sur toute l’année, et dans trois pays (Etats-Unis, Japon et Allemagne) ont affirmé que l’on se remplume bien pendant les fêtes de fin d’année, mais aussi après chaque période de vacances, et ce dans ces trois pays ayant pourtant des congés et des cultures différents. «D’autres études l’ont aussi observé à l’échelle de la semaine, avec une prise de poids de même ordre de grandeur le week-end, qui est perdue la semaine suivante», ajoute Tinh-Hai Collet.
A court terme, peu de risque
Nous ne rêvons pas, le phénomène existe. Des chercheurs australiens ont suralimenté un petit groupe d’hommes jeunes et en bonne santé. Le protocole, plus agréable qu’un lavement ou une gastroscopie, consistait à manger chaque jour, en plus de leurs besoins énergétiques, un excédent alimentaire de 1200 calories provenant de snacks riches (chips, chocolats, shakes servant de substituts de repas…). Les chercheurs examinaient ensuite ce qui se passait sur la balance après 5 jours, puis 28 jours de débauche.
Leur étude, parue en 2019 dans «Endocrinology and Metabolism», affirme que cinq jours d’excès n’ont que peu d’effet sur la prise de poids et la masse grasse (+0,7 kg en moyenne). Par contre, après 28 jours de ripaille, les participants avaient pris 1,6 kilo en moyenne, dont 1,4 de graisse, d’après des mesures effectuées dans un scanner. Pas très étonnant en soi, mais ces travaux suggèrent néanmoins que l’organisme ne réagit pas au quart de tour aux changements d’habitudes alimentaires, mais «résiste» durant quelques semaines, en tout cas plus longtemps que la plupart des vacances.
«Les variations rapides de poids sont généralement dues à de la simple rétention d’eau», avance Tinh-Hai Collet. Or, pendant les vacances, plusieurs facteurs contribuent à une telle accumulation d’eau: l’alcool, les aliments riches en glucides, en sel…
Évitez les extrêmes
On ne rentre donc pas d’une semaine ou deux de vacances avec un surplus de graisse: c’est surtout de l’eau. La bonne nouvelle, c’est qu’en reprenant nos habitudes, le poids retrouve habituellement sa valeur initiale à court terme. Du moins chez les personnes en poids normal. Chez celles en surpoids ou en obésité, «on observe des prises de poids plus importantes pendant les vacances, et les kilos se perdent plus difficilement. Mieux vaut ne pas aller dans les extrêmes alimentaires», prévient le médecin. Tout doux sur les orgies donc. Et méfiance envers la démesure opposée: «Adopter un comportement alimentaire trop restrictif durant les vacances peut s’avérer contre-productif.»
Comme pour confirmer les propos tenus par le médecin, ma balance était déjà descendue de 0,4 kg après seulement 24 heures. Inutile de vous inquiéter, vous pouvez retourner prendre l’apéro. «Les vacances doivent rester un moment de plaisir et de détente», rassure Tinh-Hai Collet. Oui docteur!