Damien Delacoste est passionné par son métier de cuisinier. Il suffit d’échanger pendant quelques minutes avec lui pour s’en rendre compte. Et notre entretien durera bien plus qu’une poignée de minutes.
Nous nous retrouvons à l’aéroport de Zurich, devant la porte d’embarquement. Direction Bruxelles, où le sous-chef du restaurant Le Maguet aux Evouettes (VS) se confrontera à neuf jeunes cuisiniers suisses et belges afin de tenter de décrocher une place pour la finale internationale du concours culinaire San Pellegrino Young Chef. Grâce à une rocade, nous parvenons à nous asseoir côte à côte dans l’avion. «Ça ne me dérange pas, je le vois déjà assez», lance malicieusement Benjamin Le Maguet, son chef et mentor, qui l’accompagne pour la compétition.
Notre entretien durera presque deux heures, de l’attente sur le tarmac à Zurich jusqu’à l’atterrissage à Bruxelles. Les paroles de Damien Delacoste ne tarissent pas. Son enthousiasme pour le métier est contagieux.
Réminiscence gustative
Sa passion commence tôt: il est de ceux qui rêvent déjà de leur métier à l'enfance. Ses parents lui donnent le goût du voyage et de la bonne chère. Mais une figure en particulier l’a inspiré: son grand-père. Il en parle avec émotion: «Ma carrière, je la lui dois. Il m’a appris les bonnes valeurs: le respect et l’humilité.»
C’est avec lui qu’il découvre son amour pour la nature. Les dimanches, le petit Damien et son grand-père partent se balader en forêt, avant de rentrer pour déguster une tarte pommes-coings maison. Ces souvenirs, il les chérit: son grand-père décède brutalement lorsqu’il a 8 ans. Sa création pour la compétition est d’ailleurs un hommage à cet homme qui l’a profondément marqué: une expérience gustative inspirée d’une sortie lors de laquelle ils ont croisé le chemin d’un chevreuil. «Avec mon plat, je veux emmener le jury dans ce souvenir, un de mes plus beaux, mais aussi un de mes plus douloureux», explique le cuisinier.
Soutien inébranlable
De l’inspiration, Damien Delacoste en trouve aussi dans les carrières des chefs célèbres de ce monde (des «cadors», comme il les appelle), dont il lit avec admiration les biographies. Suivant leurs pas, il se lance dans un apprentissage de cuisinier après l’école obligatoire. Sans aucune hésitation, bien que ses parents le voient bien faire des études. A la fin de son CFC, il intègre des grandes maisons – Taillevent à Paris, le Royal-Savoy à Lausanne et l’Ermitage à Clarens (VD) pour ne citer que ceux-là. Parfois pour quelques semaines, parfois pour plusieurs mois. Il a soif d’apprendre les techniques des chefs qu’il rencontre.
Pour se faire une place dans cet univers exigeant, des sacrifices sont nécessaires. Il en parle peu. Sa passion semble pouvoir tout surpasser. «Le pire pour moi serait d’arriver à ma retraite et me dire 'mais qu’est-ce que c’était long'», souffle-t-il en rigolant. Ce qui l’aide à surmonter les épreuves, c’est avant tout le soutien inébranlable de sa famille. Notamment de sa compagne, avec laquelle il a un enfant de 10 mois: «C’est pour eux que je vais tout donner lors de cette compétition. Je ne pars pas loin de mon fils pour ne pas m’investir à fond.»
La semaine avant la compétition, ses proches lui ont envoyé de vieilles photos pour l’encourager. Il me les montre fièrement sur son smartphone, avant de passer à des photos de son fils. Entre famille et métier-passion, il a trouvé son équilibre: «Je vais tout faire pour que ce rêve continue.»
Une deuxième famille
Du soutien, il en reçoit aussi beaucoup de la part de ses nouveaux patrons au restaurant Le Maguet: «C’est comme si j’avais intégré une nouvelle famille. Ils sont formidables. Les Maguet ont même décidé de fermer le restaurant pendant une journée pour que je puisse participer à la compétition.» C’est presque par hasard qu’il intègre l’établissement: «Je cherchais un restaurant pour mon mariage, et quand le chef est passé, je lui ai demandé s’il avait une place de libre.»
«C’est comme ça que ça s’est passé», confirme Benjamin Le Maguet, assit deux rangées derrière nous. Il suit notre conversation. «Mais il n’a toujours pas fait son mariage dans mon restaurant», précise-t-il en rigolant. L’ambiance familiale et l’approche ultra-locale du restaurant Le Maguet correspond bien à Damien Delacoste.
Dès son engagement, il est question de faire des compétitions de cuisine – «dans un ou deux ans», pense alors le sous-chef. Mais Benjamin Le Maguet a une toute autre idée: il lui propose de participer à la compétition San Pellegrino Young Chef… avant même que le trentenaire ne commence à travailler dans ses cuisines. Après plus de deux mois de préparation intensive, d’essais et de minutages, tout va se jouer lundi. Une préparation technique, mais pas que: «Comme Benjamin a été nageur d’élite, on a beaucoup travaillé sur le mental aussi.»
Et heureusement, puisque les bagages du participant et de son mentor – contenant tous les ingrédients et la vaisselle pour le concours – n’ont pas atterri à Bruxelles avec nous. Mais tout finit bien: ils ont pu récupérer leurs valises dimanche soir, à quelques heures du début de la compétition.