N'ayons pas peur de le dire: Maccarò, c'est un restaurant un peu WTF. Mais en bien, hein! Qui s'attendrait en effet à trouver ce joli petit restaurant italien, élégamment décoré, à quelques mètres de types venus taper la balle sur les courts de tennis? Pas grand monde. Et qui s'attendrait à tomber alors sur l'une des meilleures pizzas d'Europe, dans ce paisible coin de Marin-Epagnier (NE)? Absolument personne.
Une autre part de pizza?
Pourtant, c'est bien le cas. Maccarò vient d'apparaître dans un classement de 50 Top Pizza. Ce guide gastronomique international basé en Italie établit chaque année de grands palmarès des pizzerias du monde entier. Créé en 2017 par trois journalistes italiens, basé sur une méthodologie relativement rigoureuse, on le surnomme parfois le Guide Michelin des pizzérias: des inspecteurs anonymes visitent et notent les établissements, de la qualité de leur service à celle des pizzas qu'on y mange.
Pour tout pizzaïolo, apparaître dans ce classement 50 Top Pizza, c'est la consécration, une reconnaissance ultime de son savoir-faire. Bien peu d'établissements peuvent s'en vanter. Alors lorsque Maccarò a été distingué parmi les 50 lauréats du classement «Excellent Pizzerias: Europe», forcément, la surprise a été de taille. Cela ne signifie ni plus ni moins que le restaurant figure de la 51e à la 100e place des meilleures pizzerias d'Europe (les 50 premières font l'objet d'un palmarès distinct, et les 50 suivantes dont il est ici question ne sont pas hiérarchiquement classées).
Au début, les clients jetaient les croûtes
«Jamais je n'aurais pu imaginer apparaître dans ce classement, s'esclaffe le directeur Antonio Torelli. Non pas que je pensais que nos pizzas n'étaient pas suffisamment bonnes, mais plutôt pour des questions de visibilité! Voir Marin-Epagnier citée au milieu de villes telles que Paris, Londres et Amsterdam, ça fait bizarre! Je n'ose pas imaginer la tête de leurs inspecteurs lorsqu'ils sont arrivés ici», poursuit-il.
Le restaurant est pourtant parti de loin. À ses débuts, il y a trois ans, les habitués du coin ne comprenaient pas pourquoi les croûtes (appelées corniccione dans le jargon) de ses pizzas étaient si replètes. «Certains clients disaient que puisque les croûtes faisaient la moitié de la pizza, ils ne voulaient payer que la moitié du prix! Il a fallu éduquer la clientèle à la culture des pizzas napolitaines», se souvient le directeur.
Pour lui, la distinction tient avant tout de son pizzaïolo et chef du restaurant, Guido Palladino. «On est allés le recruter dans la région de Naples, où le métier est pris très au sérieux, avec de véritables formations professionnelles. C'est un métier qui demande d'importantes compétences culinaires, mais aussi en chimie, pour comprendre comment optimiser les processus de fermentation aux conditions locales», analyse Antonio Torelli.
Un geek de la pizza
Âgé de 30 ans, Guido Palladino exerce le métier de pizzaïolo qu'il a appris à l'Accademia Nazionale Pizza DOC à Naples, il y a douze ans. Avant de discuter matériel et méthodes, il prévient que cette distinction est selon lui le fruit d'un travail collectif. «Je fais toujours mes pizzas de la même façon. Si les inspecteurs du guide nous ont reconnus, c'est aussi parce qu'ils ont apprécié le restaurant, son ambiance, son service.»
Soit. Mais qu'ont-elles de magique, ses créations? Ce geek de la pizza n'utilise pas une farine, mais un mix de plusieurs, dotées de «forces» différentes (un indice reflétant leur teneur en gluten, et donc leur élasticité). «C'est ce qui permet d'atteindre des caractéristiques précises: une pâte croustillante autour, mais qui reste moelleuse, légère et bien aérée à l'intérieur», raconte Guido Palladino.
Autre secret de fabrication: le temps. Ici, c'est pas moins de 48 à 72 heures de levée, condition sine qua non, avec une hydratation poussée, pour une pâte légère et parfaitement digeste. Quant aux garnitures, elles sont choisies dans le respect du terroir napolitain: sauce aux tomates San Marzano DOP, cultivées en Campanie, mozzarella di bufala de la même région, parmi d'autres réjouissances.
Une pizza franchement irréprochable
Vérification faite, la margherita di bufala (22 francs) préparée sous mes yeux est d'une exceptionnelle légèreté. L'extérieur, brillant, est délicatement tacheté comme un léopard. Il offre une attaque propre et croustillante, renforcé par une légère couche de semoule de blé fine. L'intérieur est si richement alvéolé qu'on voit pratiquement d'un bout à l'autre de la corniccione lorsqu'on coupe une part. La mozzarella di bufala est ajoutée après cuisson, pour en préserver l'aspect crémeux et visuel qui tranche bien avec le rouge écarlate des tomates, à la puissante saveur. Une pizza franchement irréprochable comme on en mange rarement.
Mais ce qui a sans doute également séduit les inspecteurs de 50 Top Pizza, ce sont les autres recettes du chef, autrement plus créatives. Une Tonno 2.0 est frite puis passée au four avant d'être surmontée d'un tataki de thon, d'une crème de parmesan et de petits pickles d'oignon. La corniccionne bien dodue, garnie de sésame, laisse du gras sur les doigts qu'on se presse de lécher. Une autre se paie le luxe d'une pâte noire, à l'encre de seiche. Et bientôt, Guido va proposer des makis en trompe-l'œil qui seront de petites pizzas à déguster avec des baguettes.
Le reste de la carte du restaurant, des primi piatti aux desserts, a l'air tout aussi délicieux. Un restaurant décidément complètement WTF!
Maccarò
Route des Marais 10, Marin