La terrible stratégie est rodée. Elle a permis à Donald Trump, 78 ans, de revenir au sommet de l’Etat, alors que beaucoup jugeaient cela impossible. Cette stratégie est celle que le 47e Président des États-Unis a déroulé dans son long discours d’investiture, écrit et lu comme un plan d’attaque pour éliminer les ennemis de l’Amérique: dénoncer un complot contre les Etats-Unis, présenter (faussement) son pays comme s’il était en ruines et à l’agonie après quatre ans de présidence Biden, convaincre les Américains que son retour à la Maison-Blanche est leur dernière chance de retrouver la prospérité, la liberté et la grandeur.
Cette manière presque belliqueuse de s’exprimer, sous cette même rotonde du Capitole que ses partisans furieux et violents ont pris d’assaut le 6 janvier 2021, est, qu’on le veuille ou non, la caractéristique d’un dirigeant autoritaire, qui ne supporte ni la contradiction, ni la défiance. Bien sûr, Donald Trump avait précédemment juré de respecter et de protéger la Constitution des Etats-Unis.
Il a aussi, à plusieurs reprises, promis de défendre l’Amérique des libertés, incarnée selon lui par l’esprit des pionniers. Mais relisez bien son discours: le carburant principal de ce dirigeant obsédé par le pétrole et l’énergie demeure la peur. Trump a campé, le jour de son investiture et devant ses prédécesseurs, une Amérique en danger de mort. Rien de plus naturel, dès lors, que de déclarer l’état d’urgence contre les migrants, et de s’en prendre à tous ceux qui ne partagent pas ses vues.
Il faut avoir en tête cette mécanique. Car nous sommes tous, Européens, Chinois, Indiens, Mexicains, Panaméens, des présumés ennemis de cette Amérique-là. Cela n’empêchera pas Trump de conclure des accords commerciaux, voire de traiter certains dirigeants en amis. Comme il l’a toujours fait dans sa carrière de magnat de l’immobilier, Donald J Trump a volontairement peint un tableau noir, sombre et funeste du pays dont il reprend les rênes. Conséquence: le voici, avec l’aide de Dieu, comme seul sauveur possible de ses concitoyens Américains auxquels il promet tout, de la prospérité sans limite à la conquête de la planète Mars.
Alliés oui, mais inféodés
La Suisse a, dans le passé, expérimenté des administrations américaines qui défendaient férocement leurs intérêts. Ce fut le cas sous la présidence de Barack Obama avec le secret bancaire, finalement abandonné. Le scénario, cette fois, est XXL. La conséquence logique du discours de Donald Trump, prêt à reprendre le contrôle du canal de Panama, est que seuls les alliés inféodés auront grâce à ses yeux.
Les autres, tous les autres, seront présumés dangereux. Cela n’exclut ni de négocier, ni de fourbir, de ce côté-ci de l’Atlantique, les armes pour mettre en œuvre des réponses appropriées et efficaces. Trump vient de dire en direct aux Américains et au monde qu’ils n'auront pas intérêt de se mettre en travers de sa route. Soit.
La définition même de la démocratie, de l’indépendance et de la souveraineté implique toutefois que nous, Européens, soyons aussi capables de circuler, d’exister, de prospérer et de défendre nos valeurs de façon autonome dans ce nouveau dans ce monde «à la Trump», dont l’avenir dira vite s’il obtient, ou non, des résultats.