Une experte des émotions nous dit pourquoi
Oui, c'est normal (et même sain!) de crier, sauter ou pleurer en regardant l'Euro

À quelques heures du match Suisse-Angleterre, une spécialiste des émotions nous explique pourquoi les grands événements sportifs tels que l'Euro peuvent provoquer des émotions aussi intenses parmi les fans.
Publié: 05.07.2024 à 16:52 heures
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Dernière mise à jour: 05.07.2024 à 16:54 heures
«Les émotions qu’on peut observer dans des contextes tels que l’Euro sont impressionnants, car les fans vivent chaque victoire ou défaite comme si c’était la leur, note la Dre. Catalina Woldarsky, psychologue et spécialiste en psychothérapie FSP.
Photo: Keystone
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

Il suffit d'un écran, d'un score et d'un ballon pour déchaîner les passions. À la maison, des mains moites se cramponnent aux accoudoirs du canapé jusqu'à froisser le tissu, tandis que la voix du commentateur tonitrue. Dans les fan zones, les hurlements déferlent sur les centres-villes comme une vague d'intensité, d'espoir et de colère: au moindre but, ce sont les larmes. À la moindre faute, ce sont les mâchoires qui se serrent et les jurons qui fusent. 

Si vous aimez le foot, en cette période d'Euro 2024, vous connaissez très bien ces émotions. Et alors que la Suisse s'apprête à affronter l'Angleterre ce samedi 6 juillet, dans un quart de finale très attendu, les cœurs des fans de la Nati s'emballent déjà. 

Une étude canadienne publiée en 2017 souligne d'ailleurs que les amateurs de hockey peuvent voir leur fréquence cardiaque doubler lorsqu'ils regardent un match. En 2022, une autre recherche déplorait que le nombre de patients hospitalisés pour des problèmes cardiovasculaires augmentait de 15% durant les compétitions de football mondiales, telles que la FIFA: l'angoisse suscitée par un match peut donc suffire à provoquer des problèmes de santé. 

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«Les émotions qu’on peut observer dans des contextes tels que l’Euro sont impressionnants, car les fans vivent chaque victoire ou défaite comme si c’était la leur»
Dre. Catalina Woldarsky
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«Les émotions qu’on peut observer dans des contextes tels que l’Euro sont impressionnants, car les fans vivent chaque victoire ou défaite comme si c’était la leur, note la Dre. Catalina Woldarsky, psychologue et spécialiste en psychothérapie FSP, spécialisée en thérapie centrée sur les émotions. Je crois que cela vient d’une sorte d’identification aux joueurs, qu'on peut facilement idéaliser et sur lesquels on se projette, bien que leur vie ne ressemble absolument pas à la nôtre. On ressent une gamme d’émotions intenses en vivant les matchs à travers eux, allant d’une joie extatique au sentiment d’échec ou une forte déception.»

Un fort sentiment d'appartenance

Lorsqu'on observe le phénomène depuis l'extérieur ou qu'on ne comprend pas ce qui justifie tant d'excitation pour un simple ballon, les effusions émotionnelles des fans peuvent sembler exagérées. Or, notre experte indique que la joie d'une victoire, tout comme la souffrance en cas d'échec, sont bien réelles: «On peut ressentir une vraie tristesse lorsqu’on est très investi dans le match et qu’on s’est identifié à l’idée de son équipe préférée.»

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«Dès qu’on se sent appartenir à la communauté de l'équipe, on vit toutes ses joies et ses douleurs, ce qui crée une grande solidarité avec les autres fans»
Dre. Catalina Woldarsky
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Par ailleurs, n'oublions pas la puissance du sentiment d'appartenance, inhérent à l'expérience humaine et exacerbé par le fait de s'identifier à une équipe: «Dès qu’on se sent appartenir à la communauté de l'équipe, on vit toutes ses joies et ses douleurs, ce qui crée une grande solidarité avec les autres fans, poursuit Catalina Woldarsky. On partage ces émotions intenses, on vit toutes et tous la même chose au même moment: cela fait tomber les barrières et rapproche les gens, qui ont le sentiment d’appartenir à la même famille, en quelque sorte.»

S'ajoute à cela le facteur patriotique, qui rassemble des pays entiers autour d'une poignée de sportifs vêtus des mêmes couleurs: «Toute la Suisse, peu importe les différences culturelles ou linguistiques, soutient la même équipe, partage le même objectif et ressent les mêmes émotions, analyse notre intervenante. C’est quelque chose de très fort.» 

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Un effet de catharsis

Or, bien que la nature de ces émotions puissantes soit plutôt compréhensible, l'expression de celles-ci n'est pas si commune dans notre société: «N’oublions pas que les fan zones font partie des seuls endroits publics dans lesquels il est socialement acceptable d’exprimer une forte émotion, rappelle notre experte. On peut crier ou pleurer sans problème, puisque toutes les personnes qui nous entourent font la même chose. Cela contribue d’autant plus à créer ce lien entre les fans.» 

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«Je pense notamment aux hommes cis, pour lesquels il n'est pas toujours socialement permis d'exprimer d’autres émotions que la colère. On leur a souvent appris à se montrer forts et stoïques, mais dans le contexte du foot, ils ont le droit de crier de joie ou de pleurer»
Dre. Catalina Woldarsky
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À l'instar du cinéma ou du théâtre, d'autres lieux dans lesquels il est autorisé de rire très fort ou de pleurer devant les autres, le foot crée donc un espace dans lequel on peut relâcher et exprimer nos émotions: «Cela peut avoir un effet cathartique, estime Catalina Woldarsky. Je pense notamment aux hommes cis, pour lesquels il n'est pas toujours socialement permis d'exprimer d’autres émotions que la colère. On leur a souvent appris à se montrer forts et stoïques, mais dans le contexte du foot, ils ont le droit de crier de joie ou de pleurer. Cela leur est permis, alors que cette expression est tellement limitée culturellement dans d’autres espaces!» 

Voilà qui peut s'avérer plutôt bénéfique, surtout pour des personnes qui ont tendance à refouler ou masquer leurs émotions: elles peuvent enfin relâcher les tensions et se libérer de ce qui leur pesait. «Je pense que cela fait du sport un lieu sacré pour certaines personnes», conclut la psychologue. 

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