Environ 1% de la population suisse ne peut consommer ni pain de seigle, ni pâtes à base de farine de blé, ni bière. La raison? L’intolérance au gluten ou, pour le dire plus scientifiquement, maladie cœliaque. Cette protéine contenue dans le blé, le seigle et l’orge se retrouve dans un nombre incalculable d’aliments, de la chapelure aux soupes industrielles en passant par les viennoiseries ou la plupart des céréales de petit-déjeuner.
Pour 10% des Suisses, il y a une sensibilité au gluten. Sans que cela soit aussi grave qu’en cas d’intolérance, en consommer peut alors provoquer des douleurs, des ballonnements, des flatulences, voire de la diarrhée. Mais la question de l’origine de cette sensibilité, qui semble de plus en plus présente dans la population, même s’il est difficile de quantifier une hausse, reste ouverte.
Plus d'articles santé
Une nouvelle étude avance un élément de réponse. L’université canadienne de McCaster et l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) français ont effectué des tests sur des souris. Les scientifiques ont exposé les rongeurs quotidiennement au E551, un additif alimentaire très courant dans la nourriture industrielle. Au bout de trois mois, les effets étaient mesurables et le diagnostic posé: le E551 «réduit la mise en place de la tolérance aux protéines alimentaires et favorise l’induction d’une inflammation intestinale», explique l’Inrae dans son compte-rendu.
Un anti-agglomérant dans le viseur
Derrière le nom de code E551 se cache du dioxyde de silice, un anti-agglomérant qui se glisse sous forme de poudre dans de nombreuses préparations industrielles pour éviter les grumeaux. On en trouve donc dans les cafés solubles, certaines préparations chocolatées, les soupes, les épices dont le sel, mais aussi le fromage fondu, en tranches ou râpé, les matières grasses pour enduire les moules ou encore les pâtes alimentaires lyophilisées.
Au total, cela représente 2’600 produits alimentaires dans le monde, selon le site Open Food Facts. Le E551 est aussi utilisé pendant la transformation des aliments. Inutile alors de scruter les étiquettes: il ne sera pas mentionné. «L’être humain est ainsi exposé de façon quotidienne et à faible dose au E551 via son alimentation», résume l’Inrae.
Le système immunitaire intestinal perturbé
Mais alors, qu’est-ce qui se joue exactement? Pour digérer le gluten correctement, comme toutes les protéines d’ailleurs, il faut que le système immunitaire intestinal fonctionne normalement. Des cellules vont produire des molécules anti-inflammatoires afin de permettre à l’intestin de tolérer les protéines. Cette fonction se déclenche très jeune chez l’enfant, et si elle est perturbée, cela entraîne des allergies, par exemple aux arachides, au lactose ou aux fruits de mer. Or, le E551 vient réduire le nombre de cellules immunitaires intestinales, selon l’étude conjointe de l’université canadienne et de l’Inrae.
Cette étude est importante car c’est la première qui pointe du doigt une toxicité potentielle de cet additif, jusqu’ici considéré comme sans danger. Les chercheurs ont veillé à ce que l’exposition sur les souris soit semblable à celle des humains: l’anti-agglomérant était bien intégré à des aliments, en respectant les doses des normes sanitaires. Par ailleurs, ils ont utilisé des rongeurs «génétiquement proches des malades coeliaques». Il faudra néanmoins encore confirmer ces résultats sur les hommes pour en avoir le cœur net. En attendant, s’il est difficile d’éviter complètement le E551, les personnes présentant une sensibilité au gluten ont quand même un indice sur la marche à suivre: éviter le plus possible la nourriture industrielle.