Le 10 octobre marque la Journée mondiale de la santé mentale. Les détracteurs de l'automne (qui grimacent en sentant les feuilles craquer sous leurs semelles), déclareront qu'il s'agit d'une drôle de date, humide de pluie et ternie par la grisaille.
Mais en cette aube d'automne 2024, l'occasion prend un sens tout particulier. Le monde semble flamber de toutes parts, alors que le Moyen-Orient se déchire, que la guerre en Ukraine se poursuit et que la Floride, tremblante, affronte l'ouragan Milton. Les experts confirment: on ne va pas très bien, en ce moment.
«La santé mentale est malmenée depuis l’année 2020 et les choses sont loin de s’arranger, déplore Adèle Zufferey, psychologue spécialiste en psychothérapie FSP. Non seulement beaucoup de personnes sont sensibles au changement de saison et la dépression automnale, mais le climat géopolitique actuel a de quoi nous démoraliser totalement. Il suffit d’allumer un écran pour voir des images déchirantes de bombardements, de violence, d’ouragans catastrophiques… Cela a un impact très fort.»
Une personne sur quatre est angoissée
Et les statistiques officielles acquiescent ce sombre constat: le dernier rapport suisse sur la santé (ESS) de l'Office fédéral de la statistique soulignait que 29% des jeunes femmes entre 15 et 24 ans souffraient d'une détresse psychologique en 2022, alors qu'elles n'étaient que 19% en 2017. Cet été, le sondage national «Sanitas Health Forecast» démontrait en outre qu'une personne sur cinq est angoissée et ressent de la peur, en Suisse.
En France, le problème est tel que Michel Barnier vient de décréter que la santé mentale serait la «grande cause nationale», soit l'une des priorités du gouvernement, en 2025. Au Royaume-Uni, la santé mentale est considérée comme le plus grand souci relaté par les habitants. «Cela démontre une augmentation des décisions politiques autour de ce phénomène», analyse Adèle Zufferey.
Pas de «solution miracle»?
Face à cette triste réalité, on a évidemment voulu se mettre en quête d'outils efficaces pour se sentir un peu mieux, en cette période. Julien Borloz, psychologue FSP, se montre toutefois un peu sceptique quant à cette idée: «Le problème est que les gens sont toujours à la recherche d'un hack qui va changer toute leur vie, alors que la solution miracle n'existe pas, déplore-t-il. On sait ce qu'il est nécessaire de mettre en place pour soutenir la santé physique et mentale, mais ces méthodes impliquent de l'engagement et des efforts.»
Pour lui, la recherche de solutions inédites et faciles pour préserver la santé mentale est donc une erreur: «Hormis une activité physique régulière, une alimentation équilibrée, un sommeil de qualité et des bonnes relations sociales, on ne peut pas proposer de technique magique.»
À défaut de trouver une formule imparable qui transformera notre quotidien en cocon molletonné saveur chamallow, voici tout de même des pistes utiles pour se sentir mieux. Car oui, ça, il y en a!
Notons toutefois qu'il s'agit de conseils «généraux» et qu'en cas de souffrance, d'émotions difficiles persistantes, d'anxiété et d'un impact négatif sur votre quotidien, n'hésitez jamais à demander de l'aide professionnelle!
Si vous vous inquiétez pour vous ou un-e de vos proches, contactez de manière confidentielle 24h/7j
147: La ligne d’aide pour les jeunes (147.ch)
143: La main tendue, ligne d’aide adultes (143.ch)
144: Les urgences médicales
Si vous vous inquiétez pour vous ou un-e de vos proches, contactez de manière confidentielle 24h/7j
147: La ligne d’aide pour les jeunes (147.ch)
143: La main tendue, ligne d’aide adultes (143.ch)
144: Les urgences médicales
Limiter le «doom scrolling»
Bien qu'il soit essentiel de rester informé, Adèle Zufferey recommande de se protéger au maximum de l'afflux incessant d'images difficiles: «Les personnes concernées par des troubles anxieux peuvent présenter un mécanisme typique, surtout lorsqu’elles se sentent impuissantes, constate-t-elle. Par réflexe, ces personnes consomment beaucoup ces contenus, car cela leur donne une sensation de contrôle. Il s’agit toutefois d’un sentiment illusoire, puisque cette habitude ne fait que nourrir l’anxiété.»
Également surnommée doom scrolling (soit le fait de scroller jusqu'à se perdre dans des pensées catastrophiques), elle s'avère donc aussi addictive que nocive.
La psychologue estime en revanche qu'il peut être très bénéfique de se tenir au courant, de chercher à militer et de soutenir les structures sur le terrain si on en a la possibilité: «Mais en fin de compte, nous n’avons pas réellement d'impact sur la situation, pointe-t-elle. Se préserver de ces nouvelles catastrophiques, même si cette possibilité constitue un réel privilège, devient une nécessité.»
Avoir des hobbies «inutiles»
Pour se changer les idées, même le temps d'une heure ou deux, l'experte propose de pratiquer des activités qui stimulent l'imagination: «On sait que celles-ci peuvent avoir un fort impact positif sur la santé mentale, se réjouit-elle. Elles peuvent prendre la forme d'un cours de poterie, d'un moment consacré au tricot, au dessin, à la lecture, n'importe quoi!» Ce n'est pas pour rien, si les cafés-céramique (comme Kanvas à Lausanne) font fureur en ce moment!
À noter que cela fonctionne uniquement en l'absence de toute pression, à la manière des enfants insouciants qui se fichent éperdument de savoir si leur dessin correspond aux standards artistiques: «L'idée n’est pas de tomber dans une logique capitaliste en exigeant que chacune de nos créations soit utile et parfaite, prévient Adèle Zufferey. On peut être totalement débutant, mais adorer la peinture, le simple mouvement du pinceau sur une feuille.» Vous avez compris: sortez vos feutres et... gribouillez!
Rassurer notre cher cerveau
La tendance des morning routines avait clairement du bon! En effet, notre intervenante estime que le simple fait de mettre en place une habitude agréable chaque jour peut apaiser le cerveau, en lui fournissant des éléments prévisibles, sur lesquels il peut compter, malgré tout: «Il peut s’agir de choses très simples, comme une douche chaude au réveil, une activité matinale qui nous plait… On en tire un sentiment de sécurité ou de contrôle. Le fait de ritualiser certaines choses peut avoir un réel impact positif!»
Donner une vraie réponse au fameux «ça va, et toi?»
Une étude réalisée à Genève en 2020 stipule que la capacité à partager ses émotions permet une meilleure résolution des problèmes, en groupe. Adèle Zufferey ajoute par ailleurs: «Cela permet aussi de tisser des liens avec les autres. Il n’est absolument pas bénéfique de tout garder pour soi! Nous vivons dans une société où la question ‘comment ça va?’ est très automatisée, on n’attend pas vraiment de réponse.» Et c'est bien dommage, puisqu'avoir le courage de donner une réponse authentique à cette question machinale peut réellement nous rapprocher de l’autre personne.
Oser fuir la réalité un peu chaque jour
Comme évoqué précédemment, la possibilité de couper les réseaux sociaux pour oublier quelques minutes les malheurs du monde, est un véritable luxe. Adèle Zufferey estime toutefois que l'évasion reste très importante: «Face au danger, notre instinct de survie requiert parfois la fuite. C’est normal d’avoir des moments où on a besoin de souffler, de se déconnecter et de penser à autre chose, insiste-t-elle. Cela ne signifie pas qu’on est en déni de la réalité, même si on peut se sentir coupable de se déconnecter de toute cette actualité sombre. Mais si la santé mentale de toute la population dégringole, cela n’aidera personne.»
En d'autres termes, si vous ressentez le besoin d'enchaîner trois épisodes de «Vampire Diaries» ou de vous perdre dans les méandres d'Instagram en quête de décos d'Halloween, n'hésitez pas!
Se parer contre la dépression saisonnière
Ainsi que le remarque Julien Borloz, peu de personnes se rendent compte que leur santé mentale dépend beaucoup de leur santé physiologique: «Comme on entre dans une période propice à la dépression saisonnière, je conseille une complémentation en vitamine D, d'octobre à mars. Les carences sont fréquentes et peuvent avoir des impacts non négligeables sur l'humeur, l'anxiété ou les symptômes dépressifs.»
Il est également possible, si besoin, de se supplémenter en magnésium, oméga 3, zinc ou encore en méthyl folate, «très importants à la fois pour la santé du corps et la santé mentale», rappelle le psychologue. Celui-ci insiste aussi sur l'importance d'utiliser des probiotiques, afin de protéger la santé du microbiote intestinal, souvent directement liée à la santé mentale. Une lampe de luminothérapie peut, en outre, contribuer à compenser le manque de lumière.
Pour rappel, avant de vous supplémenter, demandez toujours l'avis de votre médecin!
S'empêcher de dire «oui» à tout
Puisqu'on s'apprête à démarrer l'une des périodes les plus intenses de l'année, Julien Borloz rappelle l'importance d'imposer des limites, aux autres comme à soi-même: «On peut commencer par se demander ce qui est essentiel dans le quotidien, comme on se laisse fréquemment absorber par des pressions, des obligations et des injonctions, avec d'interminables to-do listes en tête: est-ce vraiment essentiel? Que puis-je déléguer ou reporter? Les to-do listes peuvent évidemment s'avérer utiles, mais elles ne doivent pas régir nos vies, il faut aussi penser à soi!»
Éviter de prendre trop de mesures à la fois
Si la longueur de cette liste vous semble un peu accablante, pas de panique! Adèle Zufferey se montre rassurante: «L’erreur classique est de vouloir tester tellement de mesures pour soigner la santé mentale qu’on finit par s’infliger une forte pression pour aller mieux. Si les effets bénéfiques n’arrivent pas tout de suite, on finit par se déprécier, s’autoflageller et tout arrêter.»
Or, le but est plutôt de choisir une ou deux mesures «qui nous parlent» et s'adaptent facilement à notre rythme de vie, avant de s'y tenir au maximum, pendant quelques semaines: «Car l'une des choses les plus importantes est de se montrer compatissant avec soi-même», conclut la psychologue.