Vous souvenez-vous de ces jeux d'enfants qui happaient des journées entières? De ces parties de cache-cache dans une immense maison poussiéreuse (sans doute celle d'une grande-tante fan d'animaux empaillés) ou ces jeux de rôle interminables qui avaient le pouvoir de transformer une cabane de jardin en repaire de gobelins et la tondeuse à gazon en dragon vert recouvert d'écailles?
Le temps filait, la fatigue qui s'ensuivait était euphorisante. Puis, on a grandi, et le temps alloué au fun pur a été aspiré par la charge mentale d'adulte, avec ses factures et ses horaires. Et c'est dommage, puisque le fait de jouer – qu'il s'agisse d'un sport d'équipe, d'un simple jeu de cartes, d'un inside joke un peu ridicule en famille ou d'une partie de karaoké dans le salon – présente de nombreux bienfaits physiques et mentaux, quel que soit notre âge.
Une arme évolutive contre le stress
Une étude américaine publiée en 2013 a d'ailleurs souligné que les adultes ayant l'habitude de jouer et de s'amuser régulièrement présentent des niveaux de stress moins élevés, puisque leurs loisirs leur permettent de mieux gérer les défis du quotidien en maintenant un point de vue plus positif. Une autre recherche diffusée dix ans plus tard, en 2023, souligne également que le rire et l'amusement peuvent réduire les taux d'inflammation dans l'organisme, tout en renforçant le cœur et en boostant la créativité. Rien que ça!
«On a tendance à vouloir minimiser ce genre d'occupation, mais c'est quelque chose de tellement important, note le Dr. Bowen White, membre fondateur du National Institute of Play auprès de la CNN. D'un point de vue évolutionnel, le fait de jouer est enraciné dans notre instinct de survie. Cela nous aide à nous lier aux autres, en leur donnant le sentiment que nous sommes des individus ouverts, inoffensifs, et que notre présence est amusante.»
Le spécialiste estime en outre qu'il est tout bonnement impossible de mener une vie joyeuse sans jouer, et que les adultes sont plus efficaces au travail lorsqu'ils apprennent à combiner leurs tâches quotidiennes à un mindset plus joueur. En d'autres termes, le Dr. Bowen White recommande de relâcher un peu la pression et de s'amuser davantage: «Si vous y parvenez, vous verrez, vous serez beaucoup plus heureux et deviendrez un meilleur collègue, parent et partenaire.»
S'autoriser à s'amuser sans but spécifique
C'est effectivement l'expérience que décrit Steven Petrow dans les colonnes du «Washington Post», fin septembre, après avoir redécouvert la joie des interminables parties de «Quirkle» entre amis: «La joie de passer du temps ensemble s'est combinée aux heureux souvenirs de l'enfant que j'étais, qui connaissait bien le bonheur du jeu», raconte-t-il, avant de souligner qu'il existe carrément des colonies de vacances (pour adultes!) entièrement consacrées à retrouver la légèreté de l'amusement simple.
«Le côté espiègle et joyeux de notre voyage intérieur est souvent négligé, ajoute la professeure de yoga Coby Kozlowski, toujours dans le 'Washington Post'. On peut se sentir très coupable de s'amuser, car il existe tant de souffrance dans le monde. Beaucoup de personnes y résistent pour cette raison.»
Comment inviter le jeu dans notre quotidien?
Pour y voir plus clair, Steven Petrow a demandé quelques conseils à Scott Davis, thérapeute et professeur de yoga, quant aux manières d'adopter cette philosophie de vie lorsqu'elle ne nous vient pas naturellement. Voici les quatre points à retenir, selon son interlocuteur:
- Oubliez l'aspect compétitif ou votre envie de gagner. L'idée, d'après Scott Davis, est plutôt de se concentrer sur le côté amusant en lui-même, les personnes qui nous entourent et le moment présent, «ce qui peut s'avérer très libérateur et joyeux.» Par exemple, si vous démarrez un nouveau cours de danse et que les pas vous semblent très compliqués, essayez de ne pas laisser votre envie naturelle de performer gâcher le plaisir de découvrir de nouveaux mouvements.
- Maintenez une optique de «débutant», surtout si vous vous lancez dans un type d'activité inédit, tel qu'un sport que vous n'avez jamais pratiqué: «Cela implique de rester curieux et ouvert quant aux nouvelles perspectives que cette activité peut vous apporter». On a tous le droit d'être débutant, d'explorer et d'apprendre, sans s'infliger une pression paralysante. L'important, une fois de plus, est de s'amuser.
- Changez votre manière de fixer vos objectifs. Plutôt que de vous promettre d'accomplir certaines choses, Scott Davis recommande de choisir des objectifs qui se focalisent sur le jeu en lui-même, soit de garder en tête que l'unique but est de s'amuser. Voilà une idée qui semble aussi contre-intuitive que contre-productive, dans une société qui glorifie l'efficacité à tout prix!
- Posez-vous les bonnes questions. «De temps en temps, demandez-vous si vous vous amusez toujours», conseille l'interlocuteur de Steven Petrow. Le but est d'identifier ce qui nous apporte du fun, afin de consacrer plus de temps et d'énergie à ce qu'on aime vraiment faire.
Fort de ces conseils, Steven Petrow s'est donc remis au tennis, ainsi qu'il le raconte dans sa chronique. Bien que «nul» au départ, il n'a jamais lâché sa raquette, profitant surtout du contact avec les autres élèves de son cours.
Le moindre détail amusant compte
«Il est essentiel que chacun d'entre nous donne la priorité aux choses qui nous apportent de la joie, acquiesce le Dr. Stuart Brown, psychiatre et chercheur, dans le podcast 'Chasing Life', animé par le Dr. Sanjay Gupta et produit par la CNN. Qu'il s'agisse du souvenir d'un voyage ou d'une relation, nous avons toutes et tous la capacité de fouiller dans notre psyché et notre corps pour y trouver un côté joueur. C'est une partie importante de l'expérience humaine. Même face aux traumas financiers et émotionnels, il y a toujours de la place pour une blague ou une touche d'humour.»
Dans l'émission, l'expert propose notamment l'exemple très banal de sa rencontre avec un chien nommé Cookie, qui lui a rendu son regard avant de lui lécher la main: «Ce sont des moments d'espièglerie, qui peuvent intervenir dans chaque journée, constate-t-il. Nous devons considérer cette partie de notre vie comme ayant autant d'importance que des gestes tels que le brossage de dents. Nous en avons tous besoin pour être heureux.»