On espérait un étincelant été indien, mais les températures ont préféré chuter début septembre, nous laissant là, bras ballants, nos tongs dans une main, la bouteille d'Aperol dans l'autre. La pluie, comme un implacable rideau, semblait annoncer la fin précoce d'un été bref mais intense.
Puis, un vague espoir et quelques rayons de soleil ont sauvé le moral des amateurs de terrasses... pour retomber avec morosité ce 26 septembre, un brumeux jeudi arrosé de pluie (et alourdi par l'annonce de la hausse des primes d'assurance maladie).
On n'a pas le temps de s'adapter
Bien qu'on soit évidemment (et heureusement!) très loin des inondations qu'affrontent la France et l'Angleterre, les variations de météo soudaines peuvent tout de même nous perturber. Et d'après la psychologue FSP Sarah Bezençon, c'est totalement normal, d'abord pour des raisons purement physiques:
«Les changements de météo brusques sont mobilisants pour l’organisme, qui n’a pas le temps de s’adapter à la différence de température, constate-t-elle. En général, tout ce qui est brutal requiert davantage de ressources et mobilise notre capacité d'adaptation.» Un phénomène confirmé par plusieurs recherches, qui soulignent un risque accru de migraines, lorsque la météo oscille trop violemment.
«Ce choc peut susciter des problèmes de santé, ajoute Aaron Bernstein, directeur du Centre du Climat, Santé et Environnement à l'université Harvard, auprès du 'Washington Post'. Le corps humain est capable de s'acclimater aux changements de température, mais cette compétence ne s'enclenche pas en quelques heures. Il faut parfois plusieurs jours, voire des semaines, pour s'habituer.»
Un blues d'automne précoce?
Pour Sarah Bezençon, il semble logique que l'esprit, en parallèle du corps, puisse également être affecté. Aussi évoque-t-elle un effet «douche froide», surtout pour les personnes qui redoutent l'automne:
«Je rencontre beaucoup de patients qui m’expliquent apprécier de moins en moins l’été, qu’ils trouvent la chaleur oppressante et qu’ils rêvent plutôt des 20 à 25 degrés qu’on attend généralement durant l’été indien, pointe-t-elle. Ainsi, les températures soudainement plus fraîches de début septembre peuvent donner l’impression frustrante qu’on nous a volé quelque chose qu’on attendait depuis des semaines.»
La psychologue souligne que cela n'impacte pas forcément l'anxiété, mais peut jouer sur le moral: «On peut ressentir une sorte de blues d’automne avant l’heure, en raison de ces zigzags et changements de températures qui renforcent le côté brutal.»
Une perte de repères et de contrôle
Autre problème notable: notre cerveau, grand anticipateur de l'avenir, n'aime pas du tout ce côté imprévisible! «Les températures ont beaucoup oscillé de manière très soudaine ces derniers mois, que ce soit au début de l’été ou à la fin, rappelle Sarah Bezençon. Comme le cerveau aime anticiper le futur, maîtriser les situations et émettre des prédictions basées sur ce qu’il connaît déjà, ces variations peuvent nous perturber. Nos repères, qui nous permettent de mieux nous préparer et augmentent la sensation apaisante de contrôle, sont alors floutés.»
Sans oublier l'écoanxiété provoquée par l'enchaînement de canicules et l'augmentation des phénomènes climatiques extrêmes: «Il s'agit d'une réaction normale et compréhensible face à un environnement qui se modifie, rassure la psychologue. Or, lorsqu’on commence à ruminer ou que ces inquiétudes deviennent une obsession, il convient de demander de l’aide. Les personnes avec des antécédents de troubles psychologiques tels que l’anxiété et la dépression peuvent être plus vulnérables à cela.»
Si vous vous inquiétez pour vous ou un-e de vos proches, contactez de manière confidentielle 24h/7j
147: La ligne d’aide pour les jeunes (147.ch)
143: La main tendue, ligne d’aide adultes (143.ch)
144: Les urgences médicales
Si vous vous inquiétez pour vous ou un-e de vos proches, contactez de manière confidentielle 24h/7j
147: La ligne d’aide pour les jeunes (147.ch)
143: La main tendue, ligne d’aide adultes (143.ch)
144: Les urgences médicales
Comment s'adapter aux changements brusques?
Si votre mauvaise humeur est gérable, mais que vous préféreriez tout de même vivre des journées plus joyeuses, Sarah Bezençon conseille de faire appel à toutes vos ressources, c’est-à-dire aux activités et aux personnes qui nous remontent le moral et nous réconfortent. «Si on ne les connait pas encore, c’est une occasion importante de se demander ce qui pourrait nous aider à faire preuve d’adaptabilité, à composer avec le réel tel qu’il est et à trouver du confort dans la saison actuelle, même si on la redoutait un peu.»
En Amérique du Nord, c'est le problème inverse: les températures élevées de fin août ont menacé de gâcher l'automne, pourtant vénéré aux États-Unis. «Cette saison ressemble de plus en plus à une extension de l'été», analyse Jennifer Marlon, climatologue à l'université Yale, auprès de CNN. Or, cela n'empêche pas la saveur pumpkin spice d'envahir le pays et des centaines d'instagrammeurs de remplir leur salon de courges décoratives, peu importe la météo.
Modifier nos rituels saisonniers
«On peut, de plus en plus, s'autoriser à prendre du recul sur un environnement très changeant pour distinguer nos habitudes préférées de la saison, acquiesce Sarah Bezençon. Par exemple, s'il fait froid en septembre et que cela nous donne envie de manger du pain d’épices avant l'heure, rien ne devrait nous en empêcher!»
Cela relève toutefois la question des rituels, qui nous permettent de créer des repères stables, au fil de l'année. S'ils restent des points d'ancrage importants, selon les préférences et habitudes de chacun, la psychologue estime que ces rituels ne devraient pas devenir des pièges ou nous enfermer dans des règles trop strictes.
Pour terminer sur une ultime note positive, rappelons qu'on peut s'habituer aux actuelles variations de météo, en laissant faire le temps: «Ce qui est à la fois terrible et magnifique chez l’être humain, c’est que nous sommes des créatures d’habitudes, conclut notre experte. Nous sommes conçus pour nous adapter sans cesse et pour faire preuve de résilience.»