Que se passe-t-il pour les enfants lorsque leurs parents décident de déménager? Il y a bien sûr un nombre décuplé de pièces à vider et de cartons à faire. Mais cela peut aussi avoir des conséquences sur leur santé mentale à long terme. Une étude sur le sujet vient d’être publiée dans le magazine «JAMA Psychiatry». Menée au Danemark, celle-ci a suivi plus d’un million de personnes nées entre 1982 et 2003 pendant quinze ans. Et son résultat est étonnant: celles qui ont déménagé au moins une fois dans leur enfance, en changeant de quartier de résidence, ont significativement plus de risque de développer une dépression lorsqu’elles sont devenues adultes.
Les chercheurs, qui ont par ailleurs pris en compte beaucoup d’autres facteurs pour appuyer leurs résultats (notamment le fait que les parents divorcent ou le niveau de vie, car les risques de développer certaines maladies mentales sont fortement corrélés à cela) appuient même sur le fait que déménager dans l’enfance a plus d’incidence que de vivre dans un quartier défavorisé au même âge. Un jeune qui bénéficie de stabilité, même s'il reste dans des conditions modestes, présente moins de risques de déclencher une dépression plus tard qu’un autre qui aurait vogué de zones riches en zones luxueuses.
Préparer ses enfants
«Ce n’est pas le fait de bouger en soi qui perturbe, mais bien le changement de quartier, écrivent les auteurs de l’étude. Un lieu de résidence fixe pendant l’enfance peut être l’indicateur d’une famille stable, ou d’individus qui ont plus d’ancrage dans leur quartier.» Et les avantages de cet ancrage sont nombreux: échanges et services rendus entre voisins, à l’école, dans les associations sportives ou religieuses… tout cela «crée un sentiment d’appartenance et de connexion, que l’on reconnaît comme du capital social», estiment les chercheurs.
Dans ces conditions, les experts encouragent donc les parents qui s’apprêtent à déménager à préparer leurs enfants. Et à accepter que cela puisse représenter quelque chose de douloureux pour eux: «Il est important d’admettre, surtout au début du processus, que le déménagement va être vécu comme une perte, explique le psychologue Daniel Kessler au média américain Parade. Les parents qui reconnaissent cette perte et acceptent que ce soit douloureux peuvent préparer leur enfant à se remettre plus rapidement.»
Inclure les enfants dans le déménagement
Dans la même logique, toute explication sur les raisons du déménagement est la bienvenue. Que celle-ci soit simple (un changement de travail pour Maman) ou plus complexe (une rupture), le fait d'en parler aide toujours les enfants à comprendre et à se projeter. Si c’est possible, aller visiter avec eux leur nouveau quartier de résidence peut aussi y contribuer.
Le principe général reste d’inclure les plus jeunes dans le processus, en les encourageant donc aussi à participer. «Vous pouvez préparer les cartons avec eux et faire le tri des choses que vous emmènerez ou pas dans la nouvelle maison. Dès l’âge de 2 ans, ils comprennent et peuvent participer en choisissant, par exemple, de mettre dans une boîte leurs affaires préférées», conseille Béatrice Vandevelde, psychologue clinicienne franco-canadienne, auprès de Naître et Grandir. Même chose à l’arrivée dans le nouveau logement: installer et décorer leur chambre ensemble maximise les chances que les plus jeunes s’y sentent bien.
Profiter des nouvelles technologies
L’immense avantage qu’ont les enfants aujourd’hui, c’est qu’une séparation avec leurs amis peut se combler un peu plus aisément grâce aux nouvelles technologies. Les appels, et notamment les appels vidéo, avec ou sans la présence d'adultes en fonction de leur âge, peuvent permettre aux plus jeunes de garder contact avec leurs anciens camarades.
Dans «Psychology Today», Nancy Darling, professeure de psychologie, mentionne également les jeux en ligne, qui peuvent être efficaces pour certains enfants ayant du mal à exprimer leurs émotions. À défaut de se dire qu’ils se manquent, les jeunes peuvent disputer des parties de Roblox, d’échecs ou de bataille navale et communiquer autrement. «Des activités partagées lient les gens entre eux sans la pression de parler», résume l’experte.
Ne pas oublier la routine… et les bons côtés
Qui dit déménagement dit changement. Nouvelle maison ou nouvel appartement, nouvelle école, nouveaux amis, nouvel environnement… au milieu de toutes ces choses mouvantes, garder une certaine routine pour retrouver des îlots de stabilité peut aider les plus jeunes à passer le cap. Heure du lever et des repas, habitudes de balade… Toute routine transposable dans le nouveau logement est bonne à prendre.
Par ailleurs, si l’étude menée au Danemark peut avoir des accents un brin alarmiste, nombre de professionnels s’accordent sur les bénéfices que peuvent également avoir les déménagements sur la psyché des enfants, notamment en leur donnant de la résilience, donc de l’adaptabilité.
«La capacité à être résilient peut aussi se traduire comme la capacité à évaluer rapidement son environnement pour s’adapter socialement», souligne Peggy Loo, psychologue à New-York, toujours auprès de «Parade». La curiosité, l’ouverture aux autres, l’empathie peuvent aussi s’en trouver renforcées.