Janvier, c'est une tasse de thé froide. Le souvenir des dernières notes de cannelle y est encore perceptible, mais la saveur festive s'est évanouie depuis longtemps. On n'y trouve aucun réconfort et il ne reste plus qu'à y verser des larmes, dans l'espoir qu'elles la réchauffent un peu... Bref, on dirait une version encore plus morose de novembre: il fait plus frais et la perspective réjouissante des Fêtes a disparu.
Pour vous réconcilier avec janvier
Il ne semble donc pas étonnant que le 3e lundi de chaque année (soit le 15 janvier 2024) constitue le fameux «Blue Monday», considéré comme le jour le plus déprimant du calendrier. À l'origine, le concept vient d'une opération de marketing inventée pour booster les ventes d'une agence de voyage et ne s'appuie sur aucun constat scientifique (ouf!). Or, indépendamment d'une date précise, il est réellement possible de se sentir plus triste en janvier.
Ainsi que le souligne l'Institut américain de la santé mentale, le Winter Blues (ou January Blues) se caractérise par «une courte période durant laquelle on se sent triste et pas comme d'habitude», avec des variations d'humeur et un état général diminué. Une étude réalisée en 2023 par les universités de British Columbia et de l'Arizona démontrait par ailleurs que les saisons affectent sensiblement notre cerveau, impactant notre libido, notre intelligence et notre activité sociale.
Le «Blue Monday» cristallise la déprime de janvier
Oublions donc un instant ce pauvre 15 janvier, fustigé sans aucune raison, pour se pencher sur le mois de janvier en général: «L’hiver se poursuit et les journées restent courtes, si bien que le mois de janvier encapsule tous les effets que la saison froide peut avoir sur la santé mentale, résume Adèle Zufferey, psychologue spécialiste en psychothérapie FSP. En plus de la chute hormonale post-Fêtes, l’absence de luminosité et la dépression saisonnières restent malheureusement présentes.»
Ainsi, le seul crime du «Blue Monday» est de tomber en plein cœur d'une période maussade et de cristalliser tous ses effets: «On sort à peine du mois de décembre, caractérisé par un condensé de stress personnel et professionnel, avec un agenda rempli à craquer, une pile de tâches à boucler et des réunions familiales à n’en plus finir, liste notre experte. Puis, d'un coup, on se retrouve dans cette espèce de 'bad trip' du mois de janvier, comparable à la fatigue et la tristesse d’un lendemain de soirée. Le mois semble vide, interminable, dénué d’événements, et on peut subir de manière assez violente le contrecoup du stress de décembre.»
Un sevrage hormonal et beaucoup de pression
Voilà pourquoi cet étrange sentiment de vide peut s'immiscer dans nos journées: notre corps doit s'extirpe d'un tunnel de stimuli intenses et doit se réhabituer à son rythme normal. «À la fin de l’année et durant les Fêtes, nous sommes bombardés d’adrénaline et de sérotonine, précise Adèle Zufferey. Qu’on l’apprécie ou non, cette période présente beaucoup de stress, d’angoisse et d’excitation. Lorsqu’elle se termine, les lumières de Noël s’éteignent, les magasins bondés se vident et on passe du tout au rien. Cela peut évidemment provoquer une forme de soulagement corporel, mais celle-ci reste en arrière-fond, tandis que le sevrage hormonal post-Fêtes provoque généralement un peu de morosité.»
Bien qu'elle constate généralement une baisse de moral, d'entrain et d'énergie, l'experte rappelle que les effets du blues de janvier dépendent beaucoup des types de personnalité: le mois se déroulera donc de manière très différente pour chacun et chacune d'entre nous, et certains chanceux pourraient même totalement échapper au blues!
Si vous ressentez tout de même l'emprise givrée de janvier, il existe des moyens d'illuminer un peu vos semaines, en attendant le lapin de Pâques. Notre intervenante cite notamment la luminothérapie, un outil précieux pour les personnes qui souffrent du manque de lumière (nous y avions consacré un article entier en octobre 2023, au moment du changement d'heure!). Voici trois autres manières de lutter contre le blues:
Revoir nos bonnes résolutions
Pour commencer, Adèle Zufferey conseille de se libérer au maximum de la pression qu'impliquent les résolutions de fin d'année, grandes alliées du Blues de janvier: «Elles impliquent une forme de blâme, de culpabilisation et d’obligation, déplore la psychologue. D’ailleurs, elles sont toujours formulées de manière négative! On se promet de manger moins de ci, de ne plus faire ça, d’éviter telle ou telle habitude… Il est beaucoup plus rare de s’encourager à “continuer à prendre soin de soi”, à “poursuivre cette activité”, à “rester dans ce même rythme”... En se focalisant davantage sur nos véritables envies, on parvient à s’approprier d’autres manières de donner une vision et une direction à la nouvelle année.»
Changer notre perspective sur janvier
Il en va de même pour les grandes étapes de vie imposées par la société, dans la mesure où le début de l'année nous contraint à réfléchir à nos accomplissements: «Pendant les soupers de Noël, certaines grandes questions sont souvent posées de manière assez frontale: “Que fais-tu dans la vie maintenant? Quand vas-tu enfin te trouver quelqu’un?” etc. Ces questions sont posées de manière légère, alors qu’elles peuvent avoir des conséquences assez lourdes! On se sent obligé de faire “le point” sur notre vie, alors que le 1er janvier est simplement la continuité du 31 décembre. C’est nous, en tant qu’humains, qui avons construit l’idée du calendrier. Pour réduire la pression qui en découle, il faudrait plutôt voir cet enchaînement de dates dans leur continuité, sans forcément leur rattacher cette symbolique absolue de “fin de cycle”.»
Pour Adèle Zufferey, le mois de mars serait donc plus adapté aux résolutions, puisque la nature démarre véritablement un cycle: «Les arbres fleurissent, on se sent mieux… L’idée d’un “nouveau début” serait plus agréable au début du printemps, selon moi.»
Place au réconfort et aux hobbies
Hormis la luminothérapie et une nouvelle perspective sur le début de l'année, notre experte recommande de consacrer davantage de temps aux activités qui nous font du bien: «Il faudrait aussi veiller à garder nos ressources, qu’elles soient sociales ou individuelles. Puisque janvier est un mois pauvre en réjouissances, le fait de planifier ses prochaines vacances peut être très bénéfique, par exemple! On peut aussi se focaliser sur les événements à venir dont on se réjouit, afin de penser à la période post-janvier.»
Début janvier 2024, le site de l'université de Manchester a également publié une liste de stratégies pour lutter contre le blues de janvier. Parmi elles, on trouve notamment la découverte d'un nouveau hobby (en testant un nouveau cours de yoga, par exemple), de manger suffisamment pour garder de l'énergie et de passer du temps avec nos proches, afin de s'entourer de réconfort. Cependant, si vous ressentez une grande tristesse ou si votre état mental atteint votre qualité de vie, n'hésitez jamais à demander de l'aide professionnelle.