Comment ne pas se sentir plus joyeux et optimiste, quand les fleurs de cerisier déploient leurs pétales pour annoncer l'arrivée du printemps? Quand nos pieds foulent un tapis rose pâle alors que le soleil redécouvre, un peu naïvement, sa véritable puissance?
C'est sans doute pour cette raison que la Journée internationale du bonheur tombe le 20 mars: elle aurait été un peu moins convaincante un 3 novembre, à peine visible sous un épais rideau de bruine.
Créée par les Nations Unies pour exiger une «approche de la croissance économique plus inclusive, équitable et équilibrée, afin de promouvoir le bien-être de tous les peuples», cette journée symbolique coïncide avec la sortie d'un rapport annuel consacré au bonheur. Car oui, celui-ci se chiffre, s'évalue et peut être minutieusement analysé par la science. Je peux vous l'assurer, puisque je suis, depuis le mois de janvier 2024, le cours en ligne «Managing happiness», proposé par la prestigieuse Université de Harvard.
N'étant pas encore parvenue au bout du cursus, je vous en parlerai davantage prochainement. Mais d'ici là, je peux déjà vous dire qu'il est bourré d'études, de statistiques et de mesures concrètes destinées à évaluer notre taux de joyeuseté. Et à l'occasion de la Journée du bonheur, j'en ai tiré 4 hacks validés par la science pour augmenter nos émotions positives au quotidien. Promis, chaque stratégie ne vous prendra que quelques instants!
Sourire, même quand on n'a pas envie
L'idée semble infiniment clichée, à la façon des mèmes les plus cringe et dégoulinants qui font grimacer les réseaux sociaux. Mais ainsi que le prouve une étude publiée en 2022 dans la revue «Nature human behaviour», le simple fait d'activer nos muscles faciaux pour esquisser un sourire peut littéralement faire croire au cerveau qu'on est joyeux. Ainsi, même quand l'envie de débiter une série d'injures ou de balancer notre smartphone par la fenêtre devient impérieuse, l'expression mécanique du visage peut influencer notre état mental.
Cette information apparaît dès l'introduction du cours d'Harvard, dirigé par le professeur Arthur Brooks, docteur en science sociales et auteur d'une flopée d'ouvrages de développement personnel (dont le célèbre «Love your enemies»): «La tension simultanée des muscles zygomatiques et du muscle orbiculaire de l'œil peut envoyer des signaux au cerveau, lui affirmant que quelque chose nous rend heureux, précise-t-il dans le cours. Le rythme cardiaque ralentit et le corps relâche le stress.» Or, pour ressentir ces effets, il est essentiel de produire un sourire «de Duchenne», signifiant que l'expression doit atteindre vos yeux, durant au moins 90 secondes.
Noter ce qui nous inspire de la gratitude
Parmi les nombreux outils destinés à augmenter notre satisfaction globale, le professeur Brooks évoque, dans le cursus, le fameux modèle PERMA, un acronyme rassemblant les cinq piliers du bonheur, d'après l'un des fondateurs de la psychologie positive, Martin Seligman. Le P se réfère aux émotions positives (positive emotions), le E à l'engagement, le R aux relations, le M au sens (meaning) et le A à l'accomplissement.
Si la plupart de ces concepts sont plutôt larges et abstraits, il s'avère que l'engagement peut être travaillé très facilement chaque jour, à l'instar de la pleine conscience: il suffit, d'après le cours d'Harvard, de prêter attention aux éléments de notre vie qui nous remplissent de gratitude: «Quand on se focalise sur ces choses-là, on se concentre moins sur les éléments qui nous manquent ou qui nous inspirent de l'amertume, ai-je découvert dans l'un des modules. L'engagement vient du fait d'être réellement intéressé et enthousiasmé par ce que nous faisons, dans notre vie. Ainsi, en y prêtant attention, on se consacre pleinement aux aspects positifs de notre quotidien.»
Un exercice possible serait de noter, chaque jour, 3 choses pour lesquelles nous sommes reconnaissants, afin d'habituer le cerveau à leur accorder davantage d'attention, tout en se délectant de tous les bienfaits avérés du journaling.
Endiguer nos pensées négatives
Ainsi que le rappelle le cours d'Harvard, nous sommes biologiquement conçus pour être plutôt pessimistes: «Notre cerveau est prévu pour réfléchir au futur et possède un biais de pensée négatif censé assurer notre survie, précise le matériel de cours. En effet, nous donnons plus d'attention aux émotions négatives, car celles-ci nous poussent à fuir les situations dangereuses et renforcent les gènes indispensables pour supporter un monde hostile. Le problème est que ce biais nous prédispose à poser un regard pessimiste sur le monde, qui risque même de modifier ou déformer notre réalité.»
Heureusement, il est possible de contrer ce réflexe en enseignant au cerveau à se focaliser sur de simples faits. Cette méthode, surnommée la disputation strategy, permet d'offrir plus d'espace aux émotions neutres ou agréables: «Les faits concrets désarment le pessimisme et nous aident à considérer les circonstances de manière plus objective», note le professeur Brooks.
Une autre façon de désamorcer le pessimisme et de se rappeler (même si c'est difficile...) que la situation désagréable ou stressante qui nous taraude est bien souvent temporaire («Je pourrai sortir de ce train bondé dans 15 minutes», «Dans quelques heures, l'examen sera terminé»). Notre cerveau, induit en erreur par sa tendance à dramatiser, est capable de nous persuader, à tort, que l'inconfort sera permanent. À nous de le corriger, afin de retrouver un brin de sérénité!
Modifier nos comportements anti-bonheur
En plus de nous rendre pessimistes, ce fameux biais négatif risque aussi de renforcer des comportements qui décapent notre humeur, comme la sédentarité ou la rumination. D'après le module d'Harvard, les émotions négatives telles que la tristesse et la solitude impactent carrément notre capacité à exécuter des tâches, empiètent sur notre productivité, nous paralysent et nous encouragent à chercher du réconfort immédiat, sans prendre le temps de rechercher la vraie source du problème. Cela signifie qu'en cas de stress ou de blues, on aura plus envie de binger une série que de dérouler le tapis de yoga pour dénouer nos émotions.
Si vous souhaitez interrompre ces réflexes, il convient d'envoyer un signal opposé au cerveau, afin de reprendre le contrôle sur ces irrésistibles instincts. Analysée par le psychologue Carroll Izard dans les années 2010, cette méthode consiste simplement à faire l'inverse de ce que nous dicte notre cerveau, même s'il s'agit d'un geste de rébellion minuscule et insignifiant.
Par exemple, quand tous vos instincts vous supplient de vous allonger comme une crêpe sur le canapé, levez-vous pour aller vous servir un verre d'eau ou faire quelques pas à l'extérieur. Cette simple rupture d'automatisme peut contribuer à réduire le pouvoir de notre biais négatif. «Cela nous permet d'ajuster notre comportement plutôt que de laisser les automatismes négatifs de notre cerveau prendre le dessus», résume le professeur Brooks.