Renchérissement, pauvreté, effondrement économique: les opposants à l'initiative sur la responsabilité environnementale ne lésinent pas sur les scénarios catastrophe en cas de «oui» le 9 février prochain. Le camp des défenseurs du texte, mené par les Jeunes Vert-e-s, affirme au contraire que des prairies vertes, une économie circulaire et des panneaux solaires sur chaque toit est possible, pour autant qu'on le veuille.
L'initiative veut qu'en l'espace de dix ans, la Confédération instaure des mesures pour que l'économie suisse ne consomme plus que la quantité de ressources à laquelle la Suisse aurait droit par rapport au reste du monde. Mais qu'advientrait-il réellement si l'initiative passait la rampe?
Grande révolution ou simple précision?
«L'initiative n'est pas la grande révolution qu'on nous présente», estime Irmi Seidl, professeure titulaire à l'Université de Zurich. Cette économiste critique à l'égard de la croissance fait partie du comité scientifique du projet. Selon elle, l'initiative demande simplement une précision de ce qui est en fait déjà ancré depuis longtemps dans la Constitution suisse: à savoir que la Confédération et les cantons s'efforcent de trouver un équilibre entre la capacité de renouvellement et la sollicitation de la nature.
Selon Irmi Seidl, il s'agit donc avant tout d'exiger expressément la durabilité de l'économie. Et de rattraper le temps perdu. En effet, il y a environ huit ans, la Suisse s'est engagée dans l'accord de Paris à réduire ses émissions de moitié d'ici 2030. Un objectif que la Suisse manquera définitivement avec les mesures actuelles. Irmi Seidl reconnaît que le délai de dix ans pour la mise en œuvre de l'initiative est sportif. «Mais si l'on accordait 20 ans à la place, tout le monde dirait: ah, nous avons encore assez de temps. Mais nous ne l'avons pas!»
Aymo Brunetti, économiste et professeur à l'Université de Berne, a un point de vue différent. Pour lui, peu importe si les objectifs de l'initiative sont appliqués dans une ou deux décennies. «De toute manière, mettre en œuvre l'initiative dans ce laps de temps ne pourrait fonctionner qu'avec des mesures coercitives brutales et planifiées», estime Aymo Brunetti. «Et si une telle dictature écologique était réalisée, la Suisse deviendrait soudain l'un des pays les plus pauvres d'Europe.» L'économiste fait ainsi écho aux arguments des associations économiques faîtières: en adoptant cette initiative, la Suisse sacrifierait sa prospérité au profit de la protection de l'environnement.
Une suppression des subventions?
Irmi Seidl est consciente qu'une mise en œuvre de l'initiative entraînerait un ralentissement de l'économie. Mais contrairement à Aymo Brunetti, elle ne considère pas les interdictions et prescriptions comme nécessaires à une restructuration réussie de l'économie suisse. Une suppression des subventions nuisibles à l'environnement – par exemple dans le domaine des transports – ainsi qu'une fixation des prix intégrant systématiquement les coûts environnementaux constitueraient déjà de très grands pas, qui modifieraient les décisions et déclencheraient de nombreuses innovations.
En outre, une perte de bien-être matériel pourrait être compensée par des innovations technologiques et sociales ainsi que par des mesures de compensation. «Si les mesures sont mises en œuvre de manière socialement acceptable et que les ressources sont utilisées de manière beaucoup plus efficace, cela ne signifie pas forcément que les gens vont aller moins bien», estime l'économiste.
Les moins favorisés passeront à la caisse
Une économie qui ralentit entraîne dans tous les cas une baisse de satisfaction, selon Aymo Brunetti. Car mettre en œuvre une telle transformation de manière socialement acceptable est totalement irréaliste. «Bien sûr, la mise en œuvre peut être couplée à un programme de redistribution radical, par exemple en imposant massivement les riches», explique Aymo Brunetti.
«Mais la plupart des riches s'en iront dans ce cas. Cela fera donc très mal à tous ceux qui resteront, tout particulièrement aux gens à faible revenu.» En fin de compte, la vraie question est de savoir si les électeurs suisses sont prêts aujourd'hui à renoncer chaque année à un montant à cinq chiffres de leur revenu. «Dans notre tour d'ivoire, on peut tout à fait dire que les objectifs de la politique environnementale seraient atteints par l'initiative», déclare Aymo Brunetti. «Mais le problème, c'est qu'elle doit être imposée politiquement dans une démocratie.» Et cela n'est envisageable, selon lui, que si les mesures n'entraînent pas de pertes de revenus significatives pour tous.