Viola Amherd dans la tourmente
Les 7 projets d'armement et d'informatique qui inquiètent le contrôle fédéral des finances

Dans une lettre adressée à la ministre de la Défense Viola Amherd, la surveillance financière du Parlement se montre extrêmement préoccupée par le nombre croissant de projets d'armement en grande difficulté. Des problèmes qui ne sont pas isolés.
Publié: 11.01.2025 à 17:02 heures
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La liste des échecs d'acquisition de l'armée est longue, et elle ne cesse de s'allonger.
Photo: keystone-sda.ch
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Daniel Ballmer

Le Contrôle fédéral des finances (CDF) tire la sonnette d'alarme. Dans une lettre enflammée adressée à la ministre de la Défense Viola Amherd, la délégation énumère pas moins de sept grands projets d'armement et d'informatique, qui présentent des problèmes et des risques massifs. Retards croissants, risques en hausse et ressources insuffisantes: les politiciens financiers sont inquiets. La radio SRF parle d'une «liste d'échecs», dont le coût total est estimé à 19 milliards de francs.

  • L'acquisition du nouveau système de surveillance de l'espace aérien suisse, qui devrait déjà être en service, est retardée. En effet, le système radar actuel est obsolète et a atteint la fin de sa durée de vie; il risque ainsi de tomber en panne à tout moment. Mais à cause de problèmes d'intégration, la mise en service du nouveau système est repoussée de plusieurs années.
  • L'introduction d'un nouveau logiciel informatique est en pause. Le logiciel de logistique militaire actuel n'est pas assez puissant et ne fonctionne pas indépendamment de l'étranger. Pas idéal en temps de crise…
L'acquisition de drones de reconnaissance israéliens est un échec. En raison de défauts techniques, ils ne sont toujours pas en service.
Photo: BAA_2015_06_16
  • L'acquisition de drones de reconnaissance israéliens est un échec. Les appareils ont été achetés en 2015 sous l'ancien conseiller fédéral, Ueli Maurer. Ils ne sont toujours pas en service en raison de défauts techniques: ils pourraient par exemple entrer en collision avec des oiseaux ou des parapentistes, comme l'a rapporté la SRF. Si le problème n'est pas résolu, les drones devraient être accompagnés par «un hélicoptère» ou «un avion». Une idée absurde.
  • Le CDF met également en garde contre le risque d'échec du projet clé de 2 milliards, destiné à remplacer les systèmes de télécommunication mobiles de l'armée. Le risque est passé de «élevé à très élevé». L'organe de surveillance constate que le projet a déjà 14 mois de retard.
  • Un retard considérable sur le calendrier est aussi constaté pour le nouveau réseau de commandement de l'armée. Celui-ci doit fonctionner, même en cas de panne des liaisons civiles. Coût estimé: 1 milliard de francs.
  • La situation n'est pas meilleure pour le projet clé «réseau de données sécurisé Plus» (RDS+) de l'Office fédéral de la protection de la population. Là aussi, le projet est confronté à de grands défis techniques et organisationnels. Son statut est passé de l'orange au rouge.
  • Enfin, le CDF estime que la mise en œuvre complète, et dans les délais, de la nouvelle plateforme de numérisation est également compromise.

Une situation qui s'inscrit dans une suite logique

Le CDF estime que la situation est extrêmement préoccupante. Mais il ne s'agit que du dernier chapitre d'une longue série d'échecs, de malchances et de pannes. La liste des flops est longue, avec les avions de combat «Mirage» dans les années 1960, qui a donné le ton – cette acquisition avait déjà créé le débat à l'époque et engendré des surcoûts importants. Cinquante ans plus tard, ce sont les avions Gripen plébiscités par le ministre de la Défense d'alors, Ueli Maurer, qui étaient sous le feu des critiques. Et la liste est encore longue, allant du maintien à un prix exorbitant des camions Duro, à l'acquisition malheureuse de nouveaux lance-mines. 

Au Parlement, l'impatience se fait de plus en plus ressentir. «Les problèmes sont connus depuis des années, mais ne sont toujours pas résolus», estiment plusieurs politiciens. Viola Amherd a certes hérité de nombreux problèmes de ses prédécesseurs, mais elle n'a pas non plus réussi à redresser la situation.

Et comme si cela ne suffisait pas, on a appris cette semaine que Darko Savic, collaborateur de l'Office fédéral de l'armement (Armasuisse) qui a été responsable des principaux projets dans le domaine de la défense aérienne au cours des 16 dernières années, quittait son poste. Une décision que le Département fédéral de la défense (DDPS) semble avoir pris à contrecœur – d'autant plus dans une phase aussi délicate.

En décembre, le Parlement a voté une première augmentation du budget de l'armée. Mais même les partisans doutent, au fond, que cela soit une bonne chose. Est-ce que d'autres millions de l'armement vont à nouveau partir en fumée? 

Les problèmes ne sont pas abordés

A cela s'ajoute le fait qu'au sein du Département de la défense, la «culture de l'erreur» parait peu développée. Les problèmes sont minimisés ou carrément écartés, à l'extérieur comme à l'intérieur. En témoigne un rapport interne sur le projet de la nouvelle surveillance de l'espace aérien suisse: il dénonce une «culture de direction problématique» au sein du commandement Cyber-compétent, qui n'encouragerait pas le dialogue. 

Les critiques visent également Viola Amherd. La conseillère fédérale est accusée d'occuper la scène internationale, en serrant la main de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ou du président ukrainien Zelensky – et parallèlement de rapprocher toujours plus l'armée de l'OTAN, au lieu de résoudre les problèmes dans son propre département. 

La surveillance financière du Parlement (CDF), présidée par le député UDC Lars Guggisberg, tire la sonnette d'alarme.
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Le Parlement a identifié de nombreuses problématiques urgentes au sein de l'armée et du DDPS. Cela ne concerne pas uniquement les projets d'armement qui traînent: une crise ébranle par exemple le service de renseignement, qui fait face à des carences graves. Alors qu'il aurait dû prendre la direction du Secrétariat d'Etat à la sécurité, le secrétaire d'Etat Jean-Daniel Ruch a été poussée à la sortie, avant même son entrée en fonction. A cela s'ajoutent des accusations de népotisme, sans parler du fait que la direction que Viola Amherd et le Conseil fédéral veulent donner à l'armée n'est toujours pas claire.

La CDF veut renforcer le contrôle

Viola Amherd poursuit imperturbablement son chemin. Malgré les critiques, elle peut tout de même se prévaloir d'un palmarès impressionnant: la victoire en votation sur les nouveaux avions de combat ou l'augmentation massive du budget de l'armée ne sont que deux acquis parmi d'autres. Mais son bilan est de plus en plus terni. 

La CDF ne souhaite pas en rester là, comme l'explique clairement son président, le conseiller national de l'Union démocratique du centre (UDC) Lars Guggisberg, à Blick. Les inquiétudes concernant les projets d'armement en difficulté sont trop grandes. L'organe de contrôle financier veut surveiller de plus près les fonctionnaires du DDPS, qui doit garantir une utilisation efficace des ressources. 

Mais le DDPS doit aussi renforcer lui-même «avec force» sa surveillance et son pilotage. Pour cela, les services compétents doivent être dotés de plus de moyens si nécessaire. Même au sein de l'armée, on a l'impression qu'Armasuisse ne dispose tout simplement pas des ressources nécessaires pour pouvoir maîtriser toutes les acquisitions comme prévu. Dès la mi-février, Viola Amherd devra justifier comment elle entend maîtriser tous ces problèmes évoqués. 

Interrogé à ce sujet, le DDPS dit avoir pris connaissance de la lettre. Et d'ajouter qu'il répondra bien entendu à la demande de la délégation d'aborder les thèmes mentionnés dans le cadre de la prochaine discussion.

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