Lentement mais sûrement, l'armée et le Département de la défense (DDPS) commencent à s'irriter. Dès la semaine prochaine, un bras de fer budgétaire occupera les parlementaires à Berne.
Secoué par la guerre en Ukraine, le camp bourgeois veut augmenter le budget de l'armée plus que ne le prévoit le Conseil fédéral. Mais la question de savoir combien de milliards supplémentaires doivent être injectés est encore débattue. Et où l'argent doit être économisé en contrepartie. Le domaine de l'asile, les cantons dans la répartition de l'impôt minimum de l'OCDE, l'aide au développement ou le personnel fédéral sont dans le collimateur.
De leur côté, les détracteurs de l'armée font également feu de tout bois. La gauche et les Vert-e-s s'opposent à ce que l'armée reçoive encore une fois plus d'argent «sur le dos des plus pauvres du monde». Leur argument: l'armée ne saurait même pas quoi en faire.
Ce reproche a même été entendu dans les milieux bourgeois. Ainsi, le président du Parti libéral-radical (PLR) Thierry Burkart et le chef de l'Union démocratique du centre (UDC) Marcel Dettling ont récemment reproché dans la «NZZ» à la ministre de la Défense Viola Amherd de ne pas avoir encore présenté de plan. «Nous ne savons pas aujourd'hui à quoi cet argent servira.» Même au sein du parti centriste de Viola Amherd, de telles inquiétudes fusent.
«Bien sûr que nous avons des plans d'achat»
En coulisses, l'armée et le Département de la défense (DDPS) s'énervent. «Bien sûr que nous avons des plans d'achat. Bien sûr que nous pouvons utiliser l'argent à bon escient pour combler les lacunes de capacités existantes et imminentes», dit-on dans les milieux de l'armée.
Et les commissions compétentes ont été informées à plusieurs reprises. On trouve également des informations à ce sujet dans le «Livre noir» de l'armée. Tout cela n'a visiblement pas porté ses fruits. Pour que le Parlement sache de quoi il va débattre lors de la bataille budgétaire de la session d'hiver qui débute la semaine prochaine, voici la liste des achats de Viola Amherd:
- Conduite et mise en réseau: les centres de calcul et l'infrastructure informatique doivent être construits ou développés et une communication par satellite doit être mise en place afin de pouvoir envoyer rapidement et en toute sécurité les informations entre les postes de commandement et les militaires. Coût: environ 2,4 milliards.
- Réseau de renseignements et capteurs: pour pouvoir établir des images de la situation aérienne, il faut acquérir des radars et des capteurs. Pour cela, le DDPS veut également acheter des mini-drones. Coûts: env. 1,5 milliard.
- Efficacité contre les cibles aériennes: pour pouvoir repousser les missiles, les drones ou les avions de combat, l'armée prévoit d'acheter une défense aérienne terrestre de petite et moyenne portée. Coût: environ 1,4 milliard.
- Effet contre des cibles au sol: jusqu'à 196 chars Leopard 2 doivent être remis en état de marche. En outre, l'armée veut remplacer les obusiers blindés M109, vieux de plus de 50 ans, par des chars allemands Piranha IV. Il est également prévu d'acheter de nouveaux missiles sol-sol pour la défense antichars ou du matériel de défense NBC. Coût: environ 2,2 milliards.
- Effet dans l'espace cybernétique et électromagnétique: des investissements sont prévus pour protéger l'infrastructure propre contre les cyberattaques, ainsi que pour pouvoir éclaircir et perturber les transmissions de signaux. Coût: environ 500 millions d'euros.
- Logistique: pour garantir l'approvisionnement des troupes en munitions, carburants ou pièces de rechange, des investissements sont prévus dans des infrastructures décentralisées. Coûts: env. 200 millions.
- Affaires sanitaires: les postes de secours sanitaires ainsi qu'une partie des véhicules sanitaires doivent être renouvelés. Coûts: env. 100 millions.
- Mobilité non protégée au sol: la flotte de véhicules non protégés pour le transport de personnes et de matériel doit être renouvelée si nécessaire. Coût: environ 650 millions.
- Mobilité protégée au sol: pour pouvoir transporter des troupes en toute sécurité, il faut acquérir des véhicules de commandement de type Eagle ainsi que d'autres véhicules protégés. Parallèlement, l'armée veut assainir les véhicules protégés de la troupe et les chars de dépannage. Coûts: environ 2,3 milliards.
- Aéromobilité: les hélicoptères actuels de type Super Puma et Cougar doivent être remplacés pour les transports de personnes et de matériel. Parallèlement, l'hélicoptère de transport et de formation EC-635 doit être remis en état. Coût: environ 1,6 milliard.
Une liste de souhaits de 13 milliards jusqu'en 2031
En fin de compte, ce sont 13 milliards de francs que Viola Amherd et son DDPS veulent investir dans une première phase jusqu'en 2031 pour que l'armée suisse soit à nouveau capable de se défendre. À cela s'ajoute l'acquisition continue de grandes quantités de munitions. Et il ne s'agit là que des dépenses les plus nécessaires, souligne la direction de l'armée. Pour ces investissements, elle part toutefois du principe que le budget de l'armée sera progressivement augmenté jusqu'à atteindre 1% du produit intérieur brut d'ici 2030, ce qui est tout sauf certain. De plus, il s'agit d'une planification provisoire.
Avec la liste des souhaits de l'armée, le Parlement dispose d'une base de discussion. Il s'agit avant tout de projets qui doivent être avancés dans le temps. Toutefois, la planification n'est pas gravée dans le marbre. Les besoins peuvent changer en fonction de l'évolution. Et le Parlement se prononce chaque année sur le budget de l'armement. Mais un autre obstacle apparait: comme le monde entier s'arme en raison de la guerre en Ukraine, on ne sait pas si la Suisse obtiendra ce qu'elle veut sur le marché.