Vieux de quarante ans
Des alpinistes tombent sur un corps sur la Haute Route en Valais

Deux Français amoureux de la montagne ont fait une découverte macabre le 26 juillet dernier sur la Haute Route entre Zermatt et Chamonix: un corps vieux de 40 ans. Il faudra s'y habituer: avec la fonte des glaciers, ces événements seront de plus en plus fréquents.
Publié: 02.08.2022 à 17:35 heures
Les dépouilles du couple Dumoulin ont suscité beaucoup d'émotions dans la commune de Savièse: 75 ans après leur disparition, ils ont pu recevoir un hommage de leur famille.
Photo: Keystone
Mathilde Jaccard

Lorsque les glaciers se retirent, ils nous révèlent des secrets, parfois plus douloureux que d’autres. Ils sont souvent témoins d’événements tragiques, comme ce corps découvert par deux alpinistes mardi dernier sur la Haute Route entre Zermatt et Chamonix.

Le glacier du Stockji a rejeté un corps qu’il avait absorbé des années auparavant, apprend-on dans «le Nouvelliste». La dépouille s'est retrouvée sur le chemin d’un alpiniste français, Luc Lechanoine. Ayant de la peine à identifier de quoi il s’agissait, il s’est approché: «Nous avons reconnu du matériel de montagne. Il pouvait s’agir d’une personne qui avait besoin d’assistance.»

«La montagne a rendu un corps»

Les deux hommes comprennent rapidement qu’ils arrivent bien trop tard. En analysant le matériel de montagne, Luc Lechanoine estime que l’accident remonte à «trente ou quarante ans».

Mais rien n’y fait: pour l’alpiniste de 55 ans, ce genre de phénomène reste marquant. «Ce n’est pas une découverte anodine. C’est un sentiment très particulier. On connaît les risques sur un glacier, on sait que cela peut arriver. Mais face à ce corps, on s’interroge sur nous-même», avoue-t-il au quotidien valaisan.

L’émotion est d'autant plus palpable lorsqu’il partage un certain soulagement. «La montagne a rendu un corps et quelqu’un, quelque part, pourra peut-être faire son deuil.» La police cantonale valaisanne n’a pas toutefois encore identifié le corps, mais les analyses sont en cours.

Des événements rares mais de plus en plus fréquents

Ce sont des événements encore anecdotiques, mais qui risquent de devenir plus fréquents avec le réchauffement climatique et la fonte des glaciers. Les montagnes suisses ont déjà commencé à recracher de nombreux disparus.

En 2012, le glacier d’Aletsch a rendu les trois squelettes des frères Johann, Cletus et Fidelis Ebener qui avaient disparu en 1926. Le mythique Cervin a également restitué trois corps entre 2014 et 2015. Un premier, la dépouille de Jonathan Conville disparu 34 ans auparavant, et ceux de deux Japonais également portés disparus dans les années 70.

Plus récemment, la découverte du couple Dumoulin avait suscité beaucoup d’émotions. En 2017, 75 ans après leur disparition, les époux d'origine de Savièse (VS) ont été retrouvés sur le glacier de Tsanfleuron aux Diablerets.

Encore 40 personnes prisonnières des glaces à Zermatt

Pour Raphaël Mayoraz, directeur du Service des dangers naturels du canton du Valais, ces découvertes vont devenir récurrentes. Il assure au «Nouvelliste»: «C’est évident, qu’avec la fonte des glaciers, d’autres personnes vont réapparaître.»

Et il n’a pas tort: depuis 1925 en Valais, plus de 200 personnes ont été portées disparues en montagne. La région de Zermatt sera particulièrement touchée par ces découvertes macabres puisqu’il reste encore 40 personnes prisonnières de la montagne.

Le Cervin aussi garde jalousement les âmes aventurières. Depuis 1865, 18 personnes n’ont jamais remis le pied en plaine.

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