Dimanche, une chute de séracs a fait au moins sept morts et huit blessés sur le glacier de la Marmolada, dans le nord-est de l'Italie. Des masses de glace, de neige et de roche ont déferlé sur la voie très fréquentée menant au sommet, et ont entraîné deux cordées dans leur chute. Treize personnes étaient encore portées disparues mardi... Les travaux de sauvetage sont risqués. Car l'on craint de nouvelles chutes de glace.
Au même moment, 400'000 mètres cubes de glace menacent de s'effondrer sur une douzaine de maisons sur le flanc italien du Mont-Blanc. La commune de Courmayeur a par exemple fait évacuer mardi la vallée de Ferret, très prisée des touristes.
Nos glaciers sous surveillance
En Suisse aussi, des milliers de montagnards se baladent actuellement dans les Alpes. Un accident comme celui de la Marmolada peut-il aussi se produire chez nous? Le glaciologue Daniel Farinotti nous offre ses lumières. «Là où il y a une arête de terrain sur le glacier, des blocs de glace – appelés séracs – peuvent de fait se détacher», explique le professeur à l'EPF de Zurich et à l'Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage. Normalement, ces ruptures ne sont pas aussi importantes que celle de la Marmolada. Mais un incident similaire s'est déjà produit chez nous il y a peu de temps: le 27 mai dernier sur le glacier valaisan du Grand Combin, une rupture de glace est survenue. Deux personnes sont mortes, neuf autres ont été blessées.
La Suisse compte au total 1400 glaciers. «La plupart d'entre eux ne sont pas dangereux en raison de leur topographie, explique le scientifique. Quelques dizaines de ces glaciers sont toutefois surveillés, car ils pourraient menacer des infrastructures comme des routes, des voies ferrées, ou des habitations en cas de chutes de glace importantes.» Il s'agit par exemple du glacier suspendu du Weisshorn (4505m) dans la vallée de la Matter (VS), qui menace de s'effondrer, et du glacier de l'Allalin dans la vallée de Saas (VS), où une avalanche de glace a enseveli en 1965 les baraques du chantier de Mattmark, ainsi que 88 personnes. Le glacier de Cambrena dans les Grisons, les glaciers valaisans de Bisgletscher et de Schwarzberg et le glacier de Gutzgletscher dans l'Oberland bernois sont également dans le collimateur.
La faute au réchauffement climatique
Comme à la Marmolada, il y a des itinéraires de loisirs traversant des zones à risque en Suisse aussi. Un exemple: le glacier du Trift, au Weissmies (4017m), en Valais. La voie normale passe directement sous une arête de terrain au milieu du glacier. «C'est surtout à la descente que cet itinéraire standard est utilisé», poursuit le glaciologue. La plupart des endroits dangereux se trouvent en Valais, car c'est aussi là que se trouvent les plus hautes montagnes, et donc les plus grands glaciers. Mais les glaciers de l'Oberland bernois et de l'Engadine figurent également sur la liste d'inventaire.
Malgré les mesures scientifiques que l'on peut effectuer, il est difficile de mettre en garde contre les chutes de glace, explique Daniel Farinotti: «Si une rupture se produit, par exemple sur le lit du glacier et non dans la glace, l'on ne peut pas la prévoir.» La chaleur due au changement climatique favoriserait de tels phénomènes. Il est évident que les températures records mesurées sur la Marmolada peu avant la rupture du glacier ont joué un rôle, explique le glaciologue, car l'eau agit comme un lubrifiant pour les mouvements d'un glacier.
«Les glaciers se retirent et s'amincissent. Mais le mouvement de la glace est proportionnel à l'épaisseur de la glace. Cela signifie que des glaciers plus minces s'écoulent moins vite et peuvent donc provoquer moins d'incidents.» L'expert en glaciers conseille: «Celui qui veut s'aventurer dans une région glaciaire devrait demander des guides de montagne connaissant bien les lieux.» Un risque résiduel de mourir dans une avalanche ou un glissement de terrain subsiste cependant dans tous les cas: la prudence reste de mise!