L’entreprise privée STAR Ambulances a la poisse. Son mandat lors d’événements culturels ou sportifs romands? Mettre en place un dispositif médical, soigner les bobos et transporter les blessés. Mais voilà, ses deux plus gros clients de l’année étaient nuls autres que le Vibiscum Festival et le Segment Festival, tous deux épinglés pour la gestion désastreuse de leurs finances.
Le festival de musique veveysan a annulé son édition 2024 deux semaines avant son lancement, laissant de très gros créanciers sur le carreau dont ne fait pas partie STAR Ambulances (voir encadré ci-dessous). Et pour ce qui est de la compétition festive de skate lausannoise: depuis sa première édition en septembre 2023, elle doit plusieurs centaines de milliers de francs à une dizaine d’entreprises, selon l’enquête parue dans «24 heures» lundi.
L’ardoise d’impayés de STAR Ambulances auprès de l’association Segment Series dépasse les 60’000 francs. Certains prestataires atteignent les 100’000 francs, alors que le déficit des organisateurs tournerait autour de 800’000 francs, d’après le quotidien vaudois.
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«On a baissé notre garde»
Avec l’accord de sa direction, Yan Siggen, le responsable des événements de STAR Ambulances, raconte son amertume à Blick ce mardi 4 juin: «On a baissé notre garde et on leur a fait pleinement confiance, avoue l’ambulancier de profession. Pour nous, l’organisation paraissait sérieuse, surtout avec le soutien de la Ville de Lausanne. Et les gens avec qui j’ai traité sont vraiment des habitués de l’événementiel.»
Le Segment Festival avait tout pour être un succès auprès des adeptes d’acrobaties à roulettes. Du 15 au 17 septembre 2023, 12’000 personnes se réunissent autour du skatepark aménagé pour l’occasion à Beaulieu. Au programme de la compétition: finale des championnats du monde et épreuve qualificative pour les Jeux olympiques — sous l’œil de la Fédération internationale World Skate. Côté festivités, animations, démonstrations acrobatiques et concerts se succèdent. De quoi laisser croire à un événement sans embûches.
Assumer ses frais sans être payé
Mais pour ce genre d’événements, qui représente à peu près 20% de son chiffre d’affaires, STAR Ambulances salarie des professionnels de la santé et mandate des secouristes. «Nos charges sont surtout liées aux salaires qu’on paye à nos ambulanciers, détaille Yan Siggen. Mais on s’est retrouvés à devoir assumer les factures complètes des deux partenaires que nous avions mandatés pour nous fournir leurs secouristes.» Pour l’entreprise locale, les pertes sont importantes.
La relation commerciale avait pourtant bien commencé, mais au moment du festival, l’acompte demandé n’est pas versé. «Pour se justifier, les équipes de Segment avancent un retard dû à leur masse de travail», relate Yan Siggen. Contractuellement, STAR Ambulances aurait alors pu se retirer de cette fête du sport, quelques jours avant son lancement.
Mais en bon samaritain, Yan Siggen ne peut s’y résoudre: «Cette compétition répond à des normes, imposée à la fois par la fédération mondiale de skateboard et par les autorités cantonales. C’est une grosse responsabilité. Si nous partons, il n’y a pas de manifestation.»
Proposition dans un courrier d’avocat
Le festival a lieu et est une réussite sur le plan médical. Mais deux mois après l’événement, les 61’800 francs ne sont toujours pas réglés. De plus en plus difficiles à joindre, les équipes demandent des délais supplémentaires. STAR Ambulances finit par recevoir une proposition en décembre… sous la forme du courrier d’un cabinet d’avocat valaisan.
Celui-ci propose de réduire la créance de moitié, pour verser uniquement 35’000 francs au 31 décembre. STAR Ambulances accepte, en négociant d’être à nouveau prestataire de l’édition 2025 du Segment Festival (si elle a lieu). Mais là encore, plus de nouvelles. Le document n’est jamais signé en retour.
En février, STAR Ambulances entame une procédure de poursuites judiciaires, à laquelle les responsables de Segment Series s’opposent. «Il y a des coûts, mais aussi des dégâts en termes d’image, argumente Yan Siggen. Pour nous, accepter un mandat, c’est valider quelque part la faisabilité du projet que le client propose.»
Quelles responsabilités côté festival?
Aux commandes de ce fiasco, une figure de proue apparaît: le président de l’association et directeur de l’organisation, Victor Liebenguth. Dans un premier temps, l’entrepreneur français n’a pas donné suite aux sollicitations de «24 heures». Jeudi 6 juin, dans un second article de nos confrères, il a fini par déplorer «l’issue fatale de ce beau projet», dont il assume être «le seul responsable».
Son ancien employeur, le promoteur immobilier valaisan Patrick Polli, a investi dans le projet Segment: «J’ai fait un peu le pompier de service, en arrivant comme un cheveu dans la soupe. Dans cette histoire, je suis un des plus gros créanciers. Par ailleurs, il est le président du club de Hockey du HCV Martigny, dans lequel Victor Liebenguth était directeur administratif.»
Contacté par Blick, Patrick Polli remet la faute sur son ex-associé, avec lequel il dit avoir coupé les ponts. «Victor Liebenguth a fait l’erreur de ne pas nous informer qu’un gros sponsor qui voulait associer son nom au festival était parti, se rappelle l’architecte martignerain. Je n’ai plus l’intention de collaborer avec une personne comme lui, qui produit des faux et ment sur la conduite des affaires.»
Patrick Polli demande un sursis
Concernant les impayés de STAR Ambulances et des autres créanciers, il laisse le soin à l’avocat de l’association Segment Series de répondre: «Je laisse les créanciers indiquer les montants de leurs impayés, sur lesquels je n’entends pas me prononcer», botte en touche Nicolas Rivard, homme de loi à Sion.
Yan Siggen et STAR Ambulances en sauront-ils plus sur un éventuel remboursement de leur créance? Oui, car Patrick Polli et l’avocat annoncent travailler sur une requête de sursis concordataire pour éviter la faillite. Cette démarche judiciaire laisse à une entreprise insolvable une période de 4 à 8 mois pour se restructurer.
Nicolas Rivard détaille cette éventualité: «Un commissaire sera nommé pour prendre la main sur l’association, trouver des arrangements et payer les créanciers.» Pour rembourser une partie des impayés, l’avocat évoque le solde des comptes bancaires de l’association, ainsi que le reste de l’argent promis par la Ville de Lausanne au festival. Ce montant resté en suspend correspond à la moitié de la subvention des autorités lausannoises et s’élève à 125’000 francs, relate encore «24 heures».
Avec le Vibiscum Festival, STAR Ambulances a presque «fait partie des chanceux», rigole Yan Siggen, responsable des manifestations. Déjà mandatée pour l'édition 2023, la société de transport en ambulance reçoit bien le fruit de son travail... presque une année après le festival en juin. «L'acompte demandé nous avait été versé dans les temps, détaille le responsable des événements. Il restait le solde de la facture, qu'ils nous ont payé au mois d'avril.»
Mais l'annulation de l'édition 2024 n'est pas bien passée. «On a été mis devant le fait accompli, se souvient Yan Siggen. Quand Blick a sorti l'info de l'annulation, on était en pleine séance avec les partenaires sécuritaires du festival et les autorités veveysanne.» Ouch...
À deux semaines du premier jour du festival, les équipes de STAR Ambulances ont déjà fait «tout le travail d'analyse de risque et de préparation de documents pour le Canton, pour faire valider le concept médico-sanitaire», ainsi que la planification du personnel sur place. Mais Yan Siggen avait un peu anticipé la catastrophe: «On savait que ça faisait partie des risques. À notre niveau, on suivait les ventes au niveau de la billetterie. On voyait que ça ne décollait pas.»
On ne l'y reprendra plus
La somme investie n'est pas comparable avec les impayés du Segment Festival, mais le remboursement n'est plus envisagé. «Cela représente plusieurs milliers de francs de coûts, qui sont une perte sèche», souffle Yan Siggen. Désormais, on ne l'y reprendra plus: «Maintenant, on essaie d'évaluer aussi le temps que je passe à la planification, par rapport aux risques de ces festivals.»
Pour Yan Siggen, la chute de ces deux manifestations si rapprochées est un coup dur: «Dans les deux cas de figure, ce sont des gens qui ont probablement dépensé plus d'argent qu'ils n'en avaient. Ils mettent en place des événements dans la démesure, et nous, derrière, on le paye cash.»
En 30 ans de mandats dans l'événementiel, il calcule que STAR Ambulances n'avait pas vu plus de 2000 francs ne jamais leur revenir. «L'année passée, c'est vraiment la première fois où on a été confronté à deux gros events où on avait des problèmes pour se faire payer, ce qui n'avait jamais été le cas avant.»
Avec le Vibiscum Festival, STAR Ambulances a presque «fait partie des chanceux», rigole Yan Siggen, responsable des manifestations. Déjà mandatée pour l'édition 2023, la société de transport en ambulance reçoit bien le fruit de son travail... presque une année après le festival en juin. «L'acompte demandé nous avait été versé dans les temps, détaille le responsable des événements. Il restait le solde de la facture, qu'ils nous ont payé au mois d'avril.»
Mais l'annulation de l'édition 2024 n'est pas bien passée. «On a été mis devant le fait accompli, se souvient Yan Siggen. Quand Blick a sorti l'info de l'annulation, on était en pleine séance avec les partenaires sécuritaires du festival et les autorités veveysanne.» Ouch...
À deux semaines du premier jour du festival, les équipes de STAR Ambulances ont déjà fait «tout le travail d'analyse de risque et de préparation de documents pour le Canton, pour faire valider le concept médico-sanitaire», ainsi que la planification du personnel sur place. Mais Yan Siggen avait un peu anticipé la catastrophe: «On savait que ça faisait partie des risques. À notre niveau, on suivait les ventes au niveau de la billetterie. On voyait que ça ne décollait pas.»
On ne l'y reprendra plus
La somme investie n'est pas comparable avec les impayés du Segment Festival, mais le remboursement n'est plus envisagé. «Cela représente plusieurs milliers de francs de coûts, qui sont une perte sèche», souffle Yan Siggen. Désormais, on ne l'y reprendra plus: «Maintenant, on essaie d'évaluer aussi le temps que je passe à la planification, par rapport aux risques de ces festivals.»
Pour Yan Siggen, la chute de ces deux manifestations si rapprochées est un coup dur: «Dans les deux cas de figure, ce sont des gens qui ont probablement dépensé plus d'argent qu'ils n'en avaient. Ils mettent en place des événements dans la démesure, et nous, derrière, on le paye cash.»
En 30 ans de mandats dans l'événementiel, il calcule que STAR Ambulances n'avait pas vu plus de 2000 francs ne jamais leur revenir. «L'année passée, c'est vraiment la première fois où on a été confronté à deux gros events où on avait des problèmes pour se faire payer, ce qui n'avait jamais été le cas avant.»