Pendant près d'un an, une boucherie thurgovienne a vendu, sans être inquiétée, de la viande importée des Pays-Bas, d'Autriche, de France et d'Uruguay sous le label «Suisse Garantie». Et pas qu'un peu... au moins 95 tonnes.
Selon ses propres indications, l'association Agro-Marketing Suisse (AMS), à laquelle appartient la marque Suisse Garantie, contrôle une fois par an les entreprises qui utilisent le label. Et pourtant, l'audacieuse boucherie thurgovienne n'a été démasquée que lors d'une visite de contrôle du chimiste cantonal.
Coupables mais pas sanctionnés
Le Ministère public a exigé que les accusés paient 200'000 francs. La justice thrugovienne a reconnu les bouchers coupables, mais a renoncé à une peine. Motif: «La clientèle n'a pas été trompée (de manière pertinente), car il n'est pas prouvé qu'elle attachait de l'importance au label Suisse Garantie.» La qualité de la viande étrangère, selon le tribunal, était «équivalente».
L'AMS n'a pas vu d'un bon œil cette justification du tribunal et le précédant ainsi créé. Rien de surprenant, puisque l'AMS tente depuis des années d'inciter les consommateurs à acheter de la viande et d'autres produits d'origine suisse par le biais de campagnes publicitaires coûteuses.
Le fait que le tribunal renonce à une «sanction pénale» est «incompréhensible», selon le président de l'AMS Urs Schneider: «Pourquoi donc la viande importée était-elle étiquetée Suisse Garantie?» L'AMS se serait mise d'accord avec la boucherie sur une indemnisation d'un montant «à cinq chiffres».
«C'est presque une invitation à la fraude»
Le greffier de justice Thomas Soliva se montre surpris par cette réaction: «Agro-Marketing Suisse a déclaré son désintérêt pour la poursuite pénale des deux accusés», écrit-il à Blick. Selon lui, il n'est pas prouvé que la viande étrangère soit de moindre qualité.
La décision du tribunal est également critiquée par le chimiste cantonal lucernois Silvio Arpagaus. Selon lui, la clientèle a été trompée, ce qui est interdit par la loi sur les denrées alimentaires: «Les personnes trompées n'ont pas obtenu réparation.»
Sara Stalder, directrice de la Fondation pour la protection des consommateurs (SKS), estime que la clientèle n'est généralement pas suffisamment protégée contre la fraude en Suisse: «Celui qui veut tricher peut le faire assez longtemps sans être découvert. Les peines sont souvent légères et constituent donc une véritable invitation à la fraude.»
Services de contrôle sous-dôtés
De plus, les services cantonaux compétents sont sous-dotés, selon Sara Stalder. Les pratiques dangereuses pour la santé seraient prioritaires lors de leurs contrôles: «Nous appelons les cantons à développer les contrôles et à punir plus sévèrement les tromperies.»
En 2016 déjà, le Conseil fédéral avait constaté que la protection contre la fraude n'avait qu'une «importance secondaire» pour les autorités cantonales, dont les effectifs sont limités. Et souvent en cas de condamnation, «seules des peines pécuniaires légères sont prononcées».
Contrôleurs conciliants
Les recherches de Blick le montrent: lorsque les chimistes cantonaux trouvent des produits mal étiquetés, ils donnent en général d'abord une chance aux entreprises pour qu'elles corrigent les défauts. Ce sont surtout les récidivistes ou les entreprises se montrant particulièrement sournoises qui risquent d'être dénoncées.
Faute de vue d'ensemble, les offices fédéraux compétents ne peuvent pas dire à quelle fréquence les boucheries trompent leur clientèle avec des indications telles que Suisse Garantie ou Viande suisse.
2% d'étiquetages trompeurs
L'année dernière, les chimistes cantonaux ont mené une série d'inspections au cours desquelles ils ont contrôlé de manière ciblée des produits laitiers et carnés suisses qui arboraient des appellations protégées comme «Viande séchée du Valais» ou «Viande des Grisons».
De telles appellations ne peuvent être utilisées que par des entreprises de la région concernée qui respectent des règles spécifiques. Résultat des inspections: 2% des produits étaient étiquetés de manière trompeuse ou fabriqués dans des entreprises non certifiées. Les inspecteurs n'ont pas porté plainte.