Il y a du nouveau dans la viande de synthèse, ces morceaux de bidoche créés en laboratoire. La start-up de foodtech suisse Mirai Foods a annoncé être parvenue à produire un morceau de filet de bœuf à partir de cultures de cellules musculaires de vache.
Dans le monde des alternatives à la viande, la plus sophistiquée techniquement est sans aucun doute la viande artificielle. Il ne s'agit pas ici de steaks de légumes ni de produits à base de protéines végétales, mais bel et bien de vraies cellules musculaires animales cultivées en laboratoire. De la fausse viande donc, mais vraie quand même. Vous suivez? La promesse est colossale: à partir d'une simple cellule de muscle, prélevée sans tuer la moindre bête, on pourrait produire des tonnes de viande, tout en pesant beaucoup moins sur l'environnement. Du moins en théorie, car cette technologie en est encore au stade expérimental.
Elle a toutefois fait d'importants progrès depuis 2013, lorsqu'une équipe de scientifiques de l'Université de Maastricht (PB) a présenté au monde le tout premier steak cultivé in vitro. C'était un hamburger, un morceau reconstitué beaucoup plus facile à produire qu'un vrai muscle, avec ses faisceaux, ses fibres et son bon petit gras persillé. Depuis, plusieurs entreprises lancées sur ce créneau tentent de reproduire des muscles entiers, ce qui suppose un important bond technologique puisqu'il s'agit d'assembler correctement les fibres de tissus musculaires, conjonctifs, vasculaires et adipeux. Et c'est sur ce secteur que se place Mirai Foods.
Selon les dires de l'entreprise située à Wädenswil, dans le canton de Zurich, c'est une première mondiale. Du moins pour le filet de bœuf: son concurrent israélien Aleph Farms, par exemple, a mis au point une entrecôte en 2021. Plus récemment, une entreprise britannique s'est quant à elle attelée à la fabrication d'un «vrai-faux faux-filet de porc».
Cultivée dans une fusée
Pour parvenir à cultiver ce filet, Mirai Foods dit avoir mis au point un bioréacteur spécialement conçu pour sa technologie maison, baptisée Fibration Technology. Au sein du réacteur vertical surnommé «la fusée», de longues fibres musculaires matures sont cultivées puis assemblées par des enzymes et associées à des cellules adipeuses. Au bout de cinq jours, le filet est prêt, ne reste plus qu'à couper des tranches et à les passer sur le grill. La nouveauté ici est que cette technologie permet de produire un long filet qu'on peut trancher à l'épaisseur désirée, tandis que les concurrents produisent généralement de très fines tranches de viande.
«Nous pouvons offrir une véritable alternative à la viande conventionnelle. Grâce à notre technologie, on peut préparer et manger un vrai steak – sans affecter le climat et sans qu'aucun animal n'ait dû mourir pour cela. L'alimentation est un énorme levier pour une meilleure protection du climat et du bien-être animal: la demande de viande devrait doubler d'ici à 2050, les méthodes conventionnelles de production de viande ne peuvent absolument pas répondre à cette demande, et certainement pas de manière durable», déclare dans un communiqué Suman Das, cofondateur de Mirai Foods.
Prêts à manger de la viande de labo? Il faudra de toute façon attendre, car la technologie ne dispose pas d'autorisation de mise sur le marché en Europe (contrairement à Singapour, et peut-être bientôt aux États-Unis). Mais cela pourrait arriver rapidement sur le Vieux Continent, notamment parce que cette méthode ne recourt pas à de quelconques modifications génétiques, strictement encadrées.