Venus d'Afghanistan et d'Érythrée
Deux jeunes réfugiés racontent leur apprentissage et leur intégration en Suisse

De plus en plus de jeunes réfugiés parviennent au terme d'une formation en Suisse. Betiel Michael et Mehrab Rahmati sont deux exemples de la réussite de l'intégration suisse. Blick les a rencontrés.
Publié: 29.12.2024 à 21:10 heures
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Il y a quelques années, ils ne parlaient pas un mot d'allemand. Aujourd'hui, ils s'expriment couramment dans la langue.
Photo: Kim Niederhauser
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Ravena Frommelt

Ils sont tous les deux assis dans le bureau de la Croix-Rouge suisse (CRS) du canton de Zurich. Betiel Michael a fui l'Erythrée il y a cinq ans, Mehrab Rahmati l'Afghanistan il y a trois ans, pour venir en Suisse. Aujourd'hui, tous deux sont sur le point de terminer leur apprentissage d'infirmier.

Leur exemple illustre le succès de l'intégration suisse: en 2017, 37% des réfugiés arrivés cinq ans plus tôt, âgés de 16 à 25 ans, suivaient une formation post-obligatoire. En 2022, c'était le cas de 52% d'entre eux, comme l'a récemment annoncé l'Office fédéral de la statistique. La tendance actuelle correspond à l'objectif de l'Agenda Intégration Suisse (IAS). Selon ce dernier, deux tiers des jeunes réfugiés et des personnes admises à titre provisoire âgés de 16 à 25 ans doivent suivre une formation cinq ans après leur arrivée.

Pour Betiel Michael et Mehrab Rahmati, le plus grand défi après leur arrivée a été la langue. L'Erythréenne se souvient: «Je ne connaissais pas un mot d'allemand. Jusqu'à il y a trois ans et demi, je participais au Sprach-Treff de la Croix-Rouge.» Aujourd'hui, tous les deux deux parlent couramment le Hochdeutsch. Outre la langue, le travail en maison de retraite et de soins est un vrai défi en soit: «Presque chaque semaine, une ou deux personnes meurent», dit confie Mehrab Rahmati. «Cela pèse beaucoup sur notre moral.»

Découvrir la culture suisse en cuisinant ensemble

«Des jeunes comme Mehrab et Betiel font un travail incroyable et sont motivés pour construire un avenir ici», constate Anna Bossart, responsable de l'intégration à la Croix-Rouge zurichoise. Les bénévoles de la CRS aident aussi les personnes réfugiées à mieux maîtriser leur quotidien. Betiel Michael rencontre chaque semaine une mentor qui l'aide à réviser ses cours et à régler ses affaires personnelles et administratives. De son côté, Mehrab Rahmati apprend à mieux connaître la culture et la langue suisses grâce au programme de la CRS «Viens chez moi». Avec un bénévole, ils cuisinent ensemble. Mais les effectifs manquent: «La liste des jeunes réfugiés qui attendent des bénévoles pour les soutenir est longue, très longue», confie Anna Bossart.

Le chemin vers une place d'apprentissage est particulièrement difficile pour ceux qui arrivent en Suisse au début de l'âge adulte. Après son arrivée en Suisse à l'âge de 18 ans, Mehrab Rahmati a suivi un cours d'allemand pendant six mois, puis une année de préparation professionnelle. Il a alors écrit d'innombrables lettres de candidatures avant de recevoir une réponse positive pour une place d'apprentissage.

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Je dois faire attention à ce que le gouvernement ne découvre pas que je suis ici en Suisse. C'est pourquoi je ne peux pas appeler ma famille pour leur dire qu'ils me manquent
Mehrab Rahmati, réfugié afghan
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De son côté, Betiel Michael est arrivée en Suisse à l'âge de 16 ans, en 2019, a fréquenté plusieurs écoles d'intégration. Un stage d'un an dans le domaine des soins lui a ouvert la voie vers une place d'apprentissage. La jeune femme aime son travail, certaines des résidentes lui rappellent beaucoup sa grand-mère en Erythrée. Avec cette dernière, elle n'a de contact que par téléphone. «J'entends sa voix, mais je ne sais pas à quoi elle ressemble aujourd'hui. Elle me manque beaucoup.»

Contacter sa famille, un casse-tête

La séparation d'avec sa famille est également douloureuse pour Mehrab Rahmati. «Mes deux frères et ma sœur ne peuvent pas aller à l'école en Afghanistan. Ils ont juste pu acheter un livre pour pouvoir étudier à la maison.» Pour aider les siens, il leur envoie parfois une partie de son salaire d'apprenti. Les contacter reste toutefois difficile. «Je dois faire attention à ce que le gouvernement ne découvre pas que je suis ici en Suisse. C'est pourquoi je ne peux pas appeler ma famille pour leur dire qu'ils me manquent, je dois attendre leur appel», dit-il.

En tant qu'apprenti, l'Afghan mène déjà une vie d'adulte. Son peu de temps libre, il l'utilise de préférence pour faire du sport. Betiel Michael, elle, aime écouter de la musique érythréenne, danser et chanter. Contrairement à Mehrab Rahmati, elle vit avec sa mère. «Avec elle, je peux parler de tout.»

Tous deux ont noué des amitiés et Mehrab Rahmati est aujourd'hui en couple. Son rêve est de devenir médecin. «C'est ce que je voulais faire depuis longtemps, avant même d'arriver en Suisse. C'est pourquoi j'ai commencé à travailler dans les soins», dit-il. Après avoir terminé son apprentissage, il veut suivre des formations continues et, un jour, faire des études de médecine. 

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