Un choc «sensationnaliste», un «paradoxe entre des pratiques ancestrales et un couperet qui tombe du monde scientifique». La thématique qui émeut Emanuela Gerhard, co-vice-présidente de la Fédération suisse des sages-femmes (FSSF)? La tisane de fenouil pour l'allaitement, c'est fini.
Cette nouvelle vient de l’Agence européenne des médicaments. Le 1er mars, la RTS reprenait l'information partagée par la FSSF: elle ne recommandera plus cette boisson pour favoriser la lactation chez les femmes qui allaitent. Une astuce connue depuis des siècles, mais qui serait finalement néfaste. L'estragol, une substance contenue dans le fenouil, pourrait être cancérigène à haute dose.
Fenouil banni, cigarettes en vente libre
«C'est très émotionnel, confie Emanuela Gerhard, contactée par Blick. Cette information génère passablement de culpabilité et d'anxiété chez les mères qui peuvent s'inquiéter d'en avoir bu ou d'en avoir donné à leur enfant. Chez les professionnel-le-s aussi.» Il faut dire que la boisson était reconnue comme «produit naturel, sain et efficace» et conseillée de manière «quasi-systématique» pour stimuler la lactation. «Il faut rassurer et nuancer», estime donc la sage-femme.
Elle appelle à prendre un peu de recul sur notre environnement, où les perturbateurs endocriniens sont légion et ont des effets «clairement plus nocifs» au quotidien. À l'image de l'air pollué, des cosmétiques ou de la nourriture ultra-transformée, énumère la Vaudoise au bout du fil. «Il faut pondérer.» Et si l'on pousse le raisonnement, le tabac est en vente libre presque partout. Le danger de la tisane de fenouil semble presque risible en comparaison.
Bien que le test, uniquement réalisé sur des rongeurs, est à prendre avec un peu d'esprit critique, les sages-femmes suisses transmettront la nouvelle recommandation. «Nous informerons et accompagnerons les mères vers les alternatives possibles pour que l’allaitement se passe dans les meilleures conditions, et soutiendrons les femmes dans leurs choix», assure Emanuela Gerhard.
Astuces plus que centenaires
Au fil des siècles, ces «astuces» échangées entre femmes, puis transmises par les sages-femmes, se sont multipliées. Loin des lois de la médecine conventionnelle, ces «petits trucs et astuces» servent surtout à prendre soin de soi, à «avoir une part proactive pour son propre bien être, se sentir une maman investie», considère Emanuela Gerhard.
Ces astuces risquent-elles d'être bannies à leur tour? Pour l'instant, rien à signaler. Sont-elles efficaces, en revanche? Petit éclairage sur trois grands classiques.
Manger du chou pendant l'allaitement cause des coliques
«Si les proportions sont correctes, il n'y a pas de problème. Les mères doivent idéalement manger équilibré, diversifié et de saison, rappelle la co-vice-présidente de la FSSF. Les aliments sont digérés, métabolisés, le travail du corps humain est impressionnant.»
Donc non, manger des choux de Bruxelles avec un plat ne va pas donner de colique au bébé. «Il faudrait en ingérer des quantités disproportionnées pour que la digestion de la maman et du bébé soit impactée.» Évitez donc de consommer 3 kilos de chou par jour et ça devrait aller.
Par ailleurs, un bébé qui a des coliques a très probablement d'autres soucis, souligne la sage-femme. Il peut avaler trop d'air pendant la tétée. Ou être particulièrement agité ou nerveux. Ce qui n'a pas de lien direct avec l'alimentation de la mère.
Eviter le persil durant le premier trimestre de grossesse
«Le persil est abortif», annonce d'emblée la sage-femme. La plante contient une substance qui peut provoquer des contractions. Mais là encore, il faudrait en manger des quantités absurdes. «Trois brins de persil sur une pomme de terre n'auront pas d'impact... Il faut se munir de bon sens et rassurer les mamans qui pourraient craindre d'avoir mal agi en mangeant quelques feuilles de persil dans une salade.»
Les feuilles de framboisier pour provoquer l'accouchement
«Le corps humain est bien fait. Durant la grossesse et au moment de l'accouchement, une alchimie hormonale extraordinaire s'opère.» La sage-femme insiste sur le fait qu'un accouchement est totalement individuel, et que ces «plus» servent surtout à se préparer «comme pour un examen. C'est tellement important ce moment de vie, on a envie de bien faire.»
Consommer ou pas des feuilles de framboisier, masser ou pas son périnée, faire ou non du yoga prénatal... Finalement, l'accouchement se déroulera comme il doit se dérouler, en fonction de multiples facteurs. L'idée étant qu'on ne peut pas mal faire, et que les femmes — petit rappel après la journée internationale des droits de la femme — devraient arrêter de culpabiliser.