«Une pure nuisance pour les habitants»
L'UDC veut supprimer l'administration «gauchiste» de la Ville de Genève

Six députés UDC veulent que le Canton absorbe et gère la Ville de Genève. Les autorités communales disparaîtraient. Auteur du projet de loi, l'ex-conseiller national Yves Nidegger dénonce une cité aux mains de «politiciens de gauche» élus par des «personnes assistées».
Publié: 03.10.2023 à 06:13 heures
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Dernière mise à jour: 03.10.2023 à 06:46 heures
La proposition d'Yves Nidegger est un vieux serpent de mer politique au bout du Léman.
Photo: KEYSTONE/LAURENT GILLIERON/SALVATORE DI NOLFI
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Amit JuillardJournaliste Blick

La proposition est passée relativement inaperçue jusqu’ici. Au bout du fil, Yves Nidegger — beau joueur — cite un article du site parodique de la «Biturne de Genève» lui reprochant «d’uriner sur le fédéralisme».

Pour comprendre, il faut remonter au 1er septembre. Ce jour-là, le chef de groupe UDC au Grand Conseil genevois dépose un projet de loi. Son objet: la «suppression de l’administration communale en Ville de Genève»! En clair, l’ex-conseiller national souhaite que l’État absorbe et gère la capitale, en copiant le modèle en vigueur dans le canton de Bâle-Ville.

Pourquoi? L’avocat ne mâche pas ses mots. «Cette administration communale est devenue une pure nuisance pour ses habitants, dont je fais partie.» Par exemple? «La manière dont est désorganisé le trafic, les impôts très élevés et une certaine folie des grandeurs de la part d’Alfonso Gomez (ndlr: le maire vert de la Cité de Calvin), qui veut décider de ce qu’on a le droit de manger ou non dans l’espace public.» Si vous n’avez pas la référence: les manifestations organisées par les autorités municipales seront quasi-végétariennes pour des raisons écologiques, selon la nouvelle charte dévoilée par le conseiller administratif en juin.

«Folie des grandeurs gauchiste»

«Cette folie des grandeurs gauchiste découle d’une dissociation entre l’assiette civique et l’assiette fiscale, pique Yves Nidegger, ce lundi. L’argent de la rue Rhône qui coule à flots dans les caisses de la Ville provient de riches commerces appartenant à des gens qui habitent Cologny (ndlr: très riche commune). Alors que, parmi ceux qui votent en Ville, on trouve une surreprésentation massive de personnes assistées ne payant aucun impôt et élisant des politiciens de gauche, voire d’extrême gauche.» En somme, le politicien dénonce «une discrépance entre ceux qui paient et ceux qui décident».

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«Si l’administration de la Ville se comportait de manière décente, cette proposition n’existerait pas»
Yves Nidegger, chef du groupe UDC au Grand Conseil
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S’agit-il d’un projet politique, le Canton étant aujourd’hui à droite, contrairement à la Ville? «En soi, non, mais il est clair que si l’administration de la Ville se comportait de manière décente, cette proposition n’existerait pas. Cependant, la grogne va au-delà des rangs de l’UDC et de la droite», assure le conservateur, qui dénonce un «État dans l’État».

Parmi ses autres arguments: la suppression définitive des doublons — tâches effectuées à la fois par la Ville et le Canton permettrait de gagner en efficacité et de faire des économies. Mais aussi d’éviter des conflits entre les deux échelons démocratiques. Enfin, cela permettrait selon le sexagénaire de limiter «le poids écrasant» du chef-lieu — qui accueille un peu moins de la moitié de la population totale du canton — vis-à-vis des autres communes, dans l’ensemble moins ancrées à gauche.

Les candidats aux fédérales ne s’en mêlent pas

L’idée d’une fusion entre l’État et la Ville est un serpent de mer. Une petite recherche dans les archives de la presse romande montre que le Conseil d’État avait déjà essayé de saisir ce taureau-là par les cornes avant de se casser les dents, en 1999. Cinq ans plus tard, l’UDC genevoise — déjà — était revenue à la charge au Grand Conseil, en évoquant — déjà — le prototype rhénan.

Entre 2008 et 2012, l’Assemblée constituante s’était aussi penchée — sous impulsion démocrate-chrétienne et libérale — sur la question, notamment en suggérant une division de l’actuelle Ville de Genève en de plus petites entités, rappelle Yves Nidegger. L’actuelle présidente du Parlement cantonal, Céline Zuber-Roy, avait roulé en faveur de cette idée. Jointe par courriel ce 2 octobre, la libérale-radicale souligne encore: «Par la suite, j’avais activement travaillé à l’élaboration d’un projet [visant la création] de districts (ndlr: il n’y en a aucun dans le canton de Genève) pour rassembler les autres communes afin qu’elles fassent contrepoids à la Ville de Genève.»

Le texte actuel d’Yves Nidegger est soutenu par cinq de ses camarades de parti. Mais aucun des députés UDC candidats aux élections fédérales de cet automne ne l’a signé. Leur chef de file au Grand Conseil verrait d’un bon œil une votation populaire. Au passage, l’homme de loi se permet de répondre à la «Biturne de Genève»: «C’est vrai, l’UDC défend d’habitude le fédéralisme et l’autonomie communale. Ici, il s’agirait de rendre l’autonomie communale aux autres communes du canton face au mastodonte qu’est la Ville de Genève!»

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