Cette mesure fait des vagues. À cause des accusations de viol et des révélations de «Complément d'enquête», la RTS a décidé de mettre en pause la diffusion des œuvres de Gérard Depardieu, révèle ce 31 décembre «Le Matin Dimanche». Une décision loin de faire l'unanimité.
«Avocat, ancien procureur et ancien juge, suisse, je ne peux que regretter la décision de la télévision de service public suisse — dont je suis un fidèle téléspectateur, écrit sur LinkedIn le Genevois Mario-Dominique Torello. Que Depardieu fasse l’objet de plaintes est une chose. La justice saisie doit pouvoir faire son travail dans le respect des lois de la procédure pénale, qui commencent par le respect du principe cardinal de la présomption d’innocence.»
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L'homme de loi développe son propos: «À ma connaissance, l’intéressé a jusqu’ici nié les faits qui lui sont reprochés. Il appartient à la justice de faire la démonstration de sa culpabilité.»
Paroles «inacceptables» mais rien de pénal
L'ex-magistrat revient en outre sur les images de France 2, où l'on voit l'acteur en train de sexualiser une fillette d'une dizaine d'années à cheval. «Certains des faits qu’on lui reproche (notamment des commentaires totalement inacceptables au sujet d’une mineure — qui ont fait couler beaucoup d’encre et animé les médias et réseaux sociaux ces dernières semaines) n’ont cependant pas un caractère pénal.»
Son argumentaire est sans équivoque: «Que la presse — tous médias confondus, et qui plus est de service public — ait un devoir d’information en toute indépendance et au bénéfice de la liberté éponyme est incontestable et partie des principes cardinaux d’une société démocratique. Qu’elle usurpe la place du juge et condamne un justiciable — quel qu’il soit — sur la place publique en piétinant les principes fondamentaux du droit est en revanche inadmissible.»
Mario-Dominique Torello est catégorique. Écarter les films, où l’acteur mis en cause apparaît comme acteur principal, «repose en soi sur une présomption de culpabilité et cette mesure prend en elle-même la forme d’un jugement, qui va bien au-delà des limites des droits et devoirs de la presse et des médias, et de la liberté d’expression».
Pour lui, cette décision porte du même coup atteinte à tous les participants aux films concernés (acteurs, réalisateurs….). «Diffuser les films d’un acteur dont personne ne remet en cause l’immense talent, n’implique pas — loin s’en faut — une prise de position à l’égard des faits qui lui sont reprochés (et pas encore jugés). La TV suisse eût mieux fait de prendre une décision inverse en expliquant pourquoi elle ne boycottait pas ces films. La liberté de la presse en aurait été, au contraire, grandie, et son devoir d’information satisfait.»
Le public est-il «heurté»?
Pour mémoire, la RTS justifie son choix en invoquant une évaluation «qualitative et humaine». Dans son appréciation, elle ne prend pas en compte les réactions d'internautes sur les réseaux sociaux ou les éventuels courriers de plainte qui lui sont adressés. Elle évalue si «le public peut se sentir majoritairement heurté par une œuvre ou une personnalité», quand bien même la justice n'a pas encore rendu son verdict, avance son porte-parole, Marco Ferrara.
Mais une majorité du public est-elle véritablement «heurtée»? Ce postulat semble éloigné de la réalité, à en croire un sondage («non représentatif») réalisé sur les sites romands du groupe Tamedia. Au total, 78% des 1260 personnes à avoir répondu ne voient pas de problème à ce que la RTS continue de diffuser un film avec «Gégé» dans le rôle principal.
Par ailleurs, en réponse à Mario-Dominique Torello sur LinkedIn, bon nombre de personnalités souscrivent au plaidoyer de l'ancien juge. Parmi les grands noms à avoir commenté, le célèbre pénaliste de gauche à la retraite Jean-Pierre Garbade ou encore l'avocat et ancien président du Parti libéral-radical (PLR) du bout du Léman Bertrand Reich.