L'UDC fera-t-elle un virage à 180 degrés en matière de neutralité? C'est en tout cas ce que souhaite le conseiller aux Etats Werner Salzmann, comme le rapportait Blick ce jeudi. Le parti agrarien tenait jusqu'ici dur comme fer à sa politique de neutralité stricte. Mais entre celle-ci et sa volonté de soutenir le lobby des armes, on dirait que son cœur balance.
La confusion est à imputer à Werner Salzmann, qui a méchamment dérapé ce vendredi. Lors d'une intervention rendue publique par CH Media, le conseiller aux Etats a tiré à boulet rouge sur la neutralité suisse. Sa proposition? Autoriser la transmission d'armes suisses dans des régions en guerre. Ce qui n'a clairement pas plu à tous ses collègues et créé une véritable tourbillon en interne.
Un simple «malentendu»
Voyant la tempête qui s'annonçait, le président du groupe parlementaire Thomas Aeschi a tenté de sauver les meubles. Il a pris ses distances et qualifié publiquement cette proposition de simple «malentendu».
Le patron de longue date du parti, Christoph Blocher, s'est quant à lui gravement inquiété pour l'initiative en cours sur la neutralité. Au micro de Forum, il a martelé qu'il s'opposerait à ce revirement: une autorisation de réexportation mettrait très en danger la neutralité de la Suisse «et la neutralité internationale», a-t-il martelé.
Autoriser la transmission de matériel de guerre
Mais concrètement, que veut Werner Salzmann et pourquoi sa demande fait-elle trembler les rangs de son parti? Le Bernois souhaite que les pays tiers puissent transmettre du matériel de guerre helvétique après un délai de cinq ans. Il appelle ainsi à assouplir la loi actuelle dans ce sens. Les acheteurs devraient ainsi toujours signer une déclaration de non-réexportation, mais elle aurait une durée limitée dans le temps.
Pourquoi se poser la question maintenant? Il semblerait que l'industrie de l'armement, très dépendante des exportations, soit à la peine. Les gros acteurs du secteur, tels que Mowag, doivent en effet faire face à une baisse de commandes. En cause: les pays de l'OTAN. Dans le contexte actuel de tensions, ceux-ci ont une nouvelle exigence: ils veulent être livrés même s'ils entrent en guerre. Raison pour laquelle l'industrie suisse de l'armement a tiré la sonnette d'alarme.
Neutralité face à la guerre en Ukraine
Mais cet assouplissement de la loi a bien sûr un prix. Et il est cher. Une telle clause mettrait en danger la politique de neutralité de l'UDC face à la guerre en Ukraine. Pour sauver la posture adoptée depuis le début du conflit, dans l'émission «Arena» de la SRF, le fer de lance de cette proposition a donc précisé qu'il était fermement opposé à l'exportation d'armes suisses vers l'Ukraine. Une idée un brin contradictoire. Mais il ne voulait manifestement pas faire plus de dégâts et créer de nouveaux «malentendus».
Sur la guerre en Ukraine
Son intervention n'a pas apaisé les tensions. Plusieurs membres du groupe ont demandé que ce sujet soit clarifié une fois pour toutes par un vote. Thomas Aeschi a confirmé à Blick que le dossier était à l'ordre du jour de la prochaine réunion du groupe, le 17 février. Certes, il faudra de toute façon se positionner sur les trois interventions à venir qui ont été déposées sur le sujet au Parlement. «Mais il s'agit aussi d'une décision de principe», explique le Zougois.
Ce vendredi, une majorité de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats a suivi la demande de Werner Salzmann. Reste à savoir quelles seront ses chances au Parlement. En revanche, les dés sont presque jetés au sein du parti agrarien: quasiment personne ne croit à une majorité au sein du groupe.