Contenus porno, racistes ou incitants à la haine: La Poste ne contrôle pas la légalité de ce qui est envoyé via son appli Postcard Creator! N'est-ce pourtant pas sa responsabilité? Enfreint-elle la loi? Après la mésaventure vécue par une zurichoise, révélée par «20 minutes», Blick a cherché à en savoir plus.
Rembobinons. Récemment, une habitante de Zurich a reçu une carte postale d’un ex, générée avec Postcard Creator. La photo? Un nu de la jeune femme, absolument pas destiné à être montré. L’image était accompagnée d’un texte sous forme de chantage: «J'enverrai une carte postale comme celle-ci à ton employeur chaque semaine. Je t'avais dit d'arrêter de me bloquer!», cite le quotidien.
Le secret postal prime
La Poste aurait-elle dû agir et empêcher la diffusion du nu? Elle se défend en invoquant le secret postal comme sacro-saint principe. «C’est la priorité absolue, confirme en effet Nathalie Dérobert Fellay, porte-parole. Il est de la responsabilité du donneur d’ordre de s’assurer que ses envois ne contreviennent pas aux dispositions légales.»
La communicante poursuit: «La Poste n'est ni habilitée, ni en mesure d'évaluer de manière contraignante et définitive la légalité de toutes les publications des utilisateurs respectifs de PostCard Creator. C’est pourquoi la Poste ne contrôle pas les envois qui lui sont confiés sur leur conformité légale intrinsèque.» En gros, c'est à vous de ne pas enfreindre la loi, pas à elle de vérifier que vous ne le faites pas.
La Poste enfreint-elle la loi?
Problème: une carte postale, par nature, est visible par tout le monde le long de la chaîne de distribution. «L’argument du secret épistolaire ne tient pas la route, dénonce l'avocate et conseillère nationale vaudoise socialiste Jessica Jaccoud. Tout simplement parce qu'il ne s'applique qu'aux plis fermés, selon le Code pénal.»
La femme de loi va plus loin, affirmant que La Poste pourrait enfreindre le Code pénal en laissant couler. En imprimant, expédiant et distribuant les cartes postales avec PostCard Creator, elle peut se rendre coupable d'infractions pénales si le contenu est pornographique.
Lesquelles? «D'une part, de violation du domaine secret ou du domaine privé au moyen d’un appareil de prise de vues, explique Jessica Jaccoud. Mais également de pornographie, dans le sens que La Poste expose ou montre en public des objets ou des représentations pornographiques, ou les offre à une personne sans y avoir été invitée.» Enfin, la transmission indue d’un contenu non public à caractère sexuel est également une infraction au Code pénal.
Pas de technique pour repérer les contenus illégaux
Blick a demandé à l’entreprise de service public si elle ne disposait pas d’une technologie permettant de signaler les photos illicites téléchargées sur son appli. Sur Instagram par exemple, une photo de seins nus est immédiatement retirée.
Voici sa réponse: «En tant qu'entreprise de transport, la Poste n'a ni le droit, ni le devoir, ni les connaissances techniques nécessaires pour reconnaître et juger de manière contraignante le contenu d'envois à caractère pornographique ou raciste», exemplifie Nathalie Dérobert Fellay.
Une réponse de «mauvaise foi»
Pour La Poste, ces tâches incombent aux organes judiciaires. Dans ses Conditions générales, elle décline toute responsabilité «dans les limites de la loi» lorsqu’un utilisateur ne respecte pas les règles.
Fait-elle preuve de mauvaise volonté? Selon Jessica Jaccoud, oui. «Je pense que La Poste ne peut pas, valablement, dans ses conditions générales, exclure toute responsabilité dès lors qu’elle annonce qu’elle ne procédera pas à des contrôles automatiques», estime-t-elle. Affirmer dans ses conditions générales que les contenus illicites, contraires aux bonnes mœurs ou choquants «sont interdits» n'est pas suffisant pour l'avocate.
Pourquoi avoir livré la carte postale pornographique?
Par ailleurs, le cas de la Zurichoise n'est pas isolé, puisque d’autres situations «comparables» ont déjà été traitées. Mais si La Poste ne surveille pas les contenus, que fait-elle pour éviter les abus?
«La Poste coopère directement avec les autorités et les organes compétents, assure sa porte-parole. Elle peut en outre prendre contact avec les utilisateurs fautifs et bloquer les comptes concernés.» Une réponse qui ne satisfait pas Jessica Jaccoud.
«Dans le cas de la Zurichoise, La Poste a-t-elle supprimé le compte de l’auteur de l’envoi? se demande l'avocate. Pourquoi n’a-t-elle pas refusé de délivrer les imprimés alors qu’elle se donne cette possibilité? Quelle mesure de contrôle met-elle en place?»