La Suisse veut briller, en jouant la carte de pays modèle. Lors de l'exposition universelle de 2025 qui se tiendra à Osaka, au Japon, le pavillon suisse veut se distinguer avec une empreinte carbone particulièrement faible. Son pavillon doit incarner «la légèreté et la durabilité». C'est en tout cas les objectifs que vise la Confédération.
L'Expo est placée sous la devise, on ne peut plus ambitieuse, «Designing Future Society for Our Lives» (Concevoir la société de demain). Pour le ministre des Affaires étrangères compétent Ignazio Cassis, cette manifestation est l'occasion d'offrir une vitrine «des meilleures pratiques en matière de durabilité», comme il l'a déclaré lors d'un débat parlementaire.
La Confédération financera une partie de sa présence au Japon, grâce à des fonds de sponsoring. En contrepartie, les entreprises participantes pourront se parer de l'image de la «Suisse officielle». Mais c'est là que le bât blesse, car l'accord conclu par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) risque de faire des vagues.
Blick le sait: l'un des principaux sponsors du pavillon suisse ne serait autre que... MSC Croisières. Le DFAE mise également sur le partenariat avec sa société mère, Mediterranean Shipping Company. Le Département ne souhaite pas révéler combien d'argent rapporte le sponsoring de MSC, «en raison de la confidentialité du contrat».
Le DFAE ne voit pas de problème
L'entreprise de croisières, dont le siège est à Genève, fait régulièrement parler d'elle en matière de respect de l'environnement. Les bateaux de croisière sont considérés comme des parcs de loisirs flottants, avec une importante consommation d'énergie. Pour preuve, les paquebots de MSC Croisières émettent à eux seuls plus de 2,5 millions de tonnes de CO2 par an. Soit plus de 5% des émissions totales de CO2 de la Suisse.
Dans quelle mesure un géant de la croisière s'accorde-t-il avec la présence de la Suisse à l'Expo 2025, où la durabilité est au centre des préoccupations? Le DFAE ne voit aucune contradiction dans ce partenariat. Le pavillon suisse sera un lieu de dialogue «où l'on trouvera des solutions aux défis globaux en collaboration avec tous les acteurs concernés», soutient l'institution. L'objectif principal de l'événement est de mettre en avant la force d'innovation de la Suisse. Et le DFAE d'ajouter: «MSC s'engage à réduire son empreinte écologique et a développé un plan d'action pour la durabilité, bien qu'il soit actif dans une industrie très polluante.»
L'objectif net zéro en ligne de mire
Interrogée, MSC Croisières souligne également ses progrès en matière de durabilité. «Nous travaillons à la décarbonisation de nos activités de navigation et à la réduction de notre impact sur la qualité de l'air», déclare un porte-parole. Il évoque entre autres l'amélioration des technologies et «la transition vers l'utilisation de carburants renouvelables».
D'ici 2050, l'objectif est de parvenir à zéro émission nette de gaz à effet de serre. Et l'objectif de réduire l'intensité carbone de 40% par rapport à 2008 doit être atteint dès la fin 2024, soit six ans plus tôt que prévu. Actuellement, l'entreprise mise par exemple sur le gaz naturel liquéfié GNL pour réduire ses émissions. Les critiques reprochent cependant à MSC de faire trop de promesses.
Comme l'ONG Fairunterwegs, qui critique ladite méthode: la technologie du GNL libère du méthane, et est donc globalement plus nocive pour le climat que le CO2. «Malgré les progrès, l'impact écologique des croisières reste massif, les bateaux sont de plus en plus grands. C'est pourquoi il est discutable que l'Etat suisse donne à MSC une plateforme pour se présenter comme une entreprise particulièrement durable», déplore le directeur de l'organisation, Jon Andrea Florin.
Affaire du tabac lors de la dernière Expo
Pourtant, ce genre d'histoire n'est pas une première. Divers sponsors de pavillons suisses de l'Expo ont déjà suscité des critiques par le passé. A l'image du groupe de tabac Philip Morris, qui était prévu comme partenaire lors de la dernière exposition universelle à Dubaï. Mais après une forte opposition, y compris de l'étranger, le conseiller fédéral Ignazio Cassis a fini par abandonner le deal.
Pour l'Expo 2025, les nouvelles directives sur l'acquisition des sponsors, élaborées par le DFAE après l'affaire du tabac, s'appliquent pour la première fois. Si un sponsor potentiel présente un risque accru pour la réputation de la Suisse, une autorisation d'Ignazio Casis est nécessaire, avant les négociations.
Était-ce aussi le cas pour l'accord avec MSC? Le DFAE dément. Présence Suisse, le département de la communication internationale, a procédé au préalable à une évaluation des risques. Résultat: tout est au vert. «En Suisse, il y a parfois des discussions sur l'impact environnemental de la navigation de croisière», admet le DFAE. Mais celles-ci ne justifient «pas de renoncer à un partenariat dans le cadre d'une exposition universelle». Le département souligne en outre la bonne image de MSC dans le pays hôte, le Japon.