Qui est vraiment Avi Motola, le tireur d’élite suisse engagé sur le front ukrainien? À la mi-janvier, ce Schaffhousois a fait l’objet d’un portrait dans différents médias. Il y a étalé son histoire extraordinaire: celle d’un juif de Suisse qui combat l’armée de Vladimir Poutine en Ukraine en tant que tireur d’élite.
«Je ne suis pas là pour tuer, mais pour sauver des vies», avait-il vaillamment affirmé face aux caméras de la télévision suisse. Il s’est aussi livré sans détour dans les colonnes de l'«Aargauer Zeitung», faisant fi des risques encourus. Il risque en effet en Suisse une peine de prison conséquente pour avoir combattu dans une armée étrangère.
Un certain nombre de casseroles
Cependant, ce ne serait pas le seul motif pour lequel il pourrait être mis derrière les barreaux dans notre pays. Avi Motola traînerait d’autres casseroles liées à son passé (dont il s’est bien gardé de parler aux médias). Et ce, pour une bonne raison. Ce célèbre sniper aurait voyagé sous différents noms, passé plus d’une décennie derrière les barreaux. Et même failli être interné.
Une enquête de Blick montrent un dossier pénal qui ne cesse de s’épaissir depuis 2004. À l’époque, un tribunal de district du canton de Zurich, celui de Hinwil, l’avait entre autre condamné à quatorze mois de prison pour vol, dommages à la propriété, falsification de documents et violation du Code de la route. À quoi s’ajoute encore un délit qui s’applique par exemple aux fraudes à la carte de crédit: l’utilisation frauduleuse d’un système de traitement de données.
Le Schaffhousois souffrait à l’époque de graves problèmes psychiques. Sa peine a été suspendue pour une thérapie psychiatrique stationnaire, une sorte de «petit internement».
Attrapé avec une arme après des mois de fuite
L’exécution de cette peine avait alors été confiée au canton de Schaffhouse. Le tireur d’élite suisse avait également commis des délits dans ce canton, où il a été condamné une nouvelle fois en 2005. Mais cette fois-ci, des délits violents s’y sont ajoutés.
L’homme a écopé de 25 mois de prison pour vol, tentative de vol, lésions corporelles, menaces et délits liés aux drogues. L’infraction la plus grave pour laquelle il a été jugé: mise en danger de la vie d’autrui, en raison d’une dispute avec sa petite amie de l’époque.
En 2009, il a été autorisé à rejoindre un foyer externe pour une mission de travail. Mais il s’est enfui le premier jour et n’a été repris que quatre mois plus tard dans le canton de Glaris et en possession d’une arme.
En 2010, alors que le Suisse était entre-temps incarcéré dans un pénitencier zurichois, son «petit internement» a été prolongé de cinq ans. Motif: les psychiatres n’étaient pas satisfaits des progrès réalisés par l’actuel tireur d’élite. Ce n’est qu’en 2017 que la thérapie psychiatrique stationnaire a été interrompue. Avi Motola devait être interné en bonne et due forme, ont estimé les spécialistes. Sa libération était jugée bien trop risquée pour la collectivité.
Le retour en Suisse semble impossible
Son avocat de l’époque était Maître Hugo Werren, un célèbre défenseur zurichois. Celui-ci s’est opposé avec succès à cette décision. Il refuse néanmoins aujourd’hui de s’exprimer, invoquant le secret professionnel.
On sait toutefois qu’au lieu d’être interné, Avi Motola a été remis en liberté en août 2017. Avec quelques jours d’avance seulement. Un processus qui a surpris jusqu’aux initiés de la justice. Après une si longue période derrière les barreaux, on se serait attendu à ce que les détenus soient préparés à la liberté «avec le soin nécessaire», affirme l’un d’eux, qui connaît bien l’affaire.
Aujourd’hui, Avi Motola serait à nouveau dans le viseur des autorités suisses. Le Suisse a récidivé, écrit le quotidien «Schaffhauser Nachrichten». L’Office fédéral de la justice (OFJ) a confirmé au journal qu’une demande d’entraide judiciaire avait été adressée en Israël, où le tireur d’élite vivait avant son engagement en Ukraine. En cause: un éventuel délit contre le patrimoine ferait l’objet d’une enquête. Selon les recherches de Blick, il pourrait s’agir du détournement d’un fonds de pension.
Arrêté en cas de retour en Suisse
Le mercenaire a confirmé qu’il risquait d’être arrêté en cas de retour en Suisse ou dans l’Union européenne. Ne serait-ce qu’en raison de son engagement au front, a-t-il avancé. «Mais il y a beaucoup de choses considérées comme illégales qui sont tout à fait justes», a-t-il nuancé dans une interview accordée à la SRF.
Illégales, mais justes? Une grande partie des faits évoqués pourraient ne pas entrer dans cette catégorie s’ils étaient avérés.
Le tireur d’élite bénéficie de la présomption d’innocence et n’a pas souhaité répondre aux sollicitations de Blick.