Nombreux sont les cantons alémaniques qui remettent en question l'apprentissage des langues dès l'école primaire. Le français, qui est généralement inscrit dans le programme scolaire comme une deuxième langue étrangère après l'anglais, est sur la sellette. Les enseignants et les politiques parlent d'élèves surmenés.
Les enseignants pointés du doigt
Le linguiste Daniel Elmiger pense que le cœur du problème vient d'ailleurs. Dans son nouveau livre («Les problèmes de l'enseignement des langues étrangères en Suisse – qu'en est-il des langues nationales?»), il pointe plutôt du doigt les compétences des enseignants du primaire.
Daniel Elmiger enseigne entre autres à l'Université de Genève et est actif dans la formation initiale et continue des enseignants. Dans son livre, il émet des critiques acerbes contre le système actuel d'enseignement des langues étrangères, contre les enseignants et aussi contre la Conférence des directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP).
Le français: une matière frustrante?
Daniel Elmiger raconte son quotidien professionnel: «Il est plutôt rare que je parle avec des enseignants motivés et sûrs d'eux, qui font leur travail avec plaisir et succès.» Au lieu de cela, l'enseignement semble souvent sans plaisir, sans «motivation interne». Le français devient ainsi rapidement une «matière haïe», tant par les enseignants que par les élèves.
Et cela se voit dans les résultats. Une enquête de la CDIP réalisée en 2016 et 2017 a examiné pour la première fois à l'échelle nationale si les compétences de base en matière d'acquisition de la langue étaient atteintes à la fin du degré primaire. Selon les statistiques, seulement 65,2% des élèves y sont parvenus lors d'une compréhension de texte en français.
Dans les cantons plurilingues, les valeurs sont en général un peu plus élevées. A titre de comparaison, le taux de réussite était de 86% pour une évaluation équivalente en anglais. Mais alors comment expliquer cette différence?
Le français a du mal à s'imposer, en particulier en Suisse orientale, écrit Daniel Elmiger. L'anglais vient en premier, rabaissant le français au statut de deuxième choix. Les langues nationales perdent ainsi de leur importance: «En dehors des régions linguistiques, les langues nationales jouent de plus en plus un rôle secondaire.» L'une des conséquences est que l'anglais est de plus en plus utilisé pour la communication entre les régions linguistiques.
Des professeurs incompétents
Mais les enseignants jouent également un rôle central. «Cela devient surtout difficile lorsque l'on constate que les personnes censées enseigner une langue étrangère ne la parlent pas suffisamment bien», juge le linguiste. C'est justement dans le domaine de l'école primaire que cela se produit le plus souvent, alors qu'une approche orale et décontractée serait particulièrement importante.
Le jugement du professeur Elmiger sur l'enseignement des langues étrangères en Suisse est clair: «L'enseignement du français en Suisse alémanique devrait être repensé». L'enseignement de l'allemand en Suisse romande est également mal noté dans son analyse – les résultats seraient même misérables.
Daniel Elmiger voit une part de responsabilité dans les cantons et la CDIP. Ceux-ci ne sont ni en mesure ni désireux de changer fondamentalement la situation. Le professeur de l'UNIGE souhaite avant tout une meilleure coordination de la part de la CDIP. Il faudrait également des règles plus claires en ce qui concerne l'attestation des compétences linguistiques des enseignants: «Les lignes directrices de la CDIP sont contournées de différentes manières, par exemple en détournant la note de maturité de son but initial, à savoir attester d'un niveau de compétences.»
Comprendre plutôt que de supprimer
Et que dit la CDIP à ce sujet? Interrogé, son porte-parole Stefan Kunfermann calme le jeu: «Les discussions actuelles sur l'enseignement des langues étrangères sont également suivies de près dans le cadre de la CDIP.» La mise en œuvre de l'enseignement des langues relève toutefois de la compétence des cantons. La CDIP soutient ces efforts par des recommandations, des publications, des colloques et des travaux en réseau.
Malgré tout, Daniel Elmiger estime que tirer la prise sur l'apprentissage précoce du français n'est pas la bonne solution. «Avant de supprimer purement et simplement l'enseignement du français au niveau primaire, il faudrait mieux comprendre pourquoi il est si impopulaire et controversé», déplore-t-il à Blick. Daniel Elmiger craint que le fait de négliger la langue nationale ne conduise à un éloignement croissant des régions linguistiques. Cela pourrait devenir un problème, car «la Suisse se définit par son plurilinguisme.»