Depuis quelques jours, Blaise Bersinger fait partie des personnalités les plus en vue en Suisse romande. Le Lausannois ne doit pas cette soudaine visibilité à ses talents d'humoriste, d'improvisateur de génie ou de multi-instrumentistes, mais à la gigantesque campagne des Chemins de fer fédéraux suisses (CFF) pour son nouvel horaire qui entrera en vigueur le 15 décembre.
L'artiste de 33 ans a vendu son nom et son visage à l'ex-régie fédérale — tout comme la double médaillée olympique Fanny Smith — et s'affiche désormais sur les réseaux sociaux, dans les gares et boîtes aux lettres de ce coin de pays. Un coup de projecteur monstre sur celui qui jouera son spectacle «Pain surprise» les 23 décembre et 13 janvier prochains au pavillon Naftule.
«L'illustré» a pu interviewer ce véritable couteau-suisse de la comédie. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'a rien perdu de sa répartie délicieusement piquante et qu'il s'applique à rester sur les bons rails malgré un succès grandissant.
Blaise Bersinger, vous êtes le nouvel homme-sandwich des CFF mais ces derniers se sentent obligés de préciser que vous êtes humoriste dans leurs publicités où vous apparaissez. Êtes-vous assez connu pour convaincre Monsieur et Madame Tout-le-monde de prendre le train?
Non, absolument pas. Je pense que les CFF se sont clairement trompés en m’approchant, mais je ne leur ai évidemment rien dit. Maintenant, c’est bien qu’ils précisent que je suis humoriste. Si ce n’était pas le cas et qu’une personne qui ne me connaissait pas tombait sur ces publicités, je pense qu’elle trouverait juste qu’elles sont de mauvais goût. Tandis que là, après s’être demandé pourquoi ces affiches étaient bêtes, elle découvre ma fonction, comprend que je dois être un rigolo un peu con et tout est pardonné.
Vous pensez avoir été choisi parce que Thomas Wiesel et Yann Marguet n’étaient pas disponibles?
Je pense que c’est plutôt parce que Yann Marguet a fait une chronique vitupérante sur les CFF que ces derniers n’ont pas aimée. Quant à Thomas Wiesel, il ne serait de toute façon pas entré en matière. Merci à lui.
Votre visage est affiché dans les wagons, dans les gares, dans les journaux, dans les boîtes aux lettres romandes… Cette exposition colossale vous a fait vendre quelques billets pour vos spectacles?
Je ne crois pas. Par contre, il y a des gens que je ne connaissais plus qui m’ont recontacté. Vous savez, les anciens amis du gymnase que vous n’avez jamais revus. Tout à coup, ils prennent l’affiche en photo et m’écrivent: «Ça y est, t’as percé.» C’est marrant, pour ces gens-là, faire une campagne de pub pour les CFF, c’est plus valorisant que de — par exemple — jouer son propre spectacle au Théâtre de Beaulieu, à Lausanne.
Combien avez-vous touché pour cette campagne?
J’ai touché de l’argent, mais aussi un abonnement général première classe pour l’année prochaine. Ça m’arrange pas mal étant donné que le train, c’est un peu mon bureau. Je n’ai donc pas de loyer professionnel à sortir pendant une année et ça, c’est super.
Allez, pas de pudeur de gazelle! Combien d’argent?
C’est assez d’argent, mais je pense que ça ne serait pas bien de dévoiler combien, même si j’ai très envie de le faire. Je dois me retenir.
N’est-ce pas un peu risqué pour un artiste de s’accoquiner avec une compagnie qui fait surtout l’actualité pour ses prix élevés, ses multiples retards et ses trains bondés?
Je pense que je ne risque rien grâce à mon étiquette d’humoriste qui me permet d’en rire. Et puis, je ne fais que des pubs pour des trucs avec lesquels je me dis qu’on ne peut rien me reprocher. J’avais par exemple accepté d’être l’égérie de Fribourg Région: je ne pense pas qu’on puisse être contre un canton. Je ne pense pas qu’on puisse être fondamentalement contre les trains non plus.
Vous avez toujours le droit de critiquer les CFF?
Je crois. En tout cas, ils n’ont rien exigé de moi à ce propos!
Cette campagne de pub, c’est aussi une manière pour vous de faire de la politique et de militer pour les transports publics?
Oui, c’est une cause qui me convient très bien. Je défends l’utilisation et les développements des transports publics en général. Cela signifie que si une autre compagnie m’avait approché, j’aurais aussi accepté de la représenter. Même si cela avait été la Deutsche Bahn, qui connaît actuellement de gros soucis (l’entreprise ferroviaire publique allemande a des problèmes d’argent, ndlr.)
Quitte à faire de la politique, faisons-en sérieusement. A vos yeux, que devraient améliorer les CFF?
Je pense qu’il faut gentiment plafonner les prix parce que l’AG à bientôt 4000 balles… Augmenter les prix des transports publics, ce n’est pas aller dans la bonne direction. Mais c’est davantage aux pouvoirs publics qu’aux CFF de faire en sorte que les transports publics restent abordables pour tout le monde.
Soyons réalistes: en Suisse, aujourd’hui, c’est possible de se passer de voiture selon vous?
Ayant grandi dans une famille sans voiture, je l’ai fait pendant très longtemps. Donc oui, c’est possible. Le problème avec la voiture, c’est que, comme tu es humain, tu commences à ne penser qu’à ton petit cul dès que tu en as une. C’est comme les chats d’appartement qui sont très heureux tant qu’ils n’ont pas découvert que dehors, il y a un milliard de plaines. Je crois que la solution, c’est de ne jamais y prendre goût.
La campagne des CFF va encore accroître votre notoriété. Votre vie a changé depuis qu’on vous reconnaît dans la rue?
Pas vraiment. Si ce n’est que des mandats comme celui dont on parle me tombent dessus sans que j’aie besoin de fournir de véritables efforts. J’ai donc gagné en confort, c’est indéniable. Maintenant, en tant que mec blanc dans la trentaine, j’avais déjà quelques privilèges auparavant.
Avec votre humour absurde, vous pouvez dire les pires atrocités, personne ne vous prendra jamais au sérieux. C’est votre plus grand privilège ou votre plus grand drame?
Les deux! C’est quelques fois un drame quand j’essaie d’exister en soirée comme être humain normal. Si on ne comprend pas très bien ce que je dis, dans le doute, on va rire, parce qu’on part du principe que j’ai sûrement dit une connerie. Or, des fois, ce ne sont pas des conneries. (Il invente un cas du genre) «Non, non, Nicolas: tu m’écrases bel et bien le pied avec ta chaise.»
Dans quel cas ne pas être considéré au premier degré est un privilège?
On parlait de notoriété avant. Il peut arriver qu’il y ait parfois des petits fans un peu relous (lourds, ndlr.) Pour les fuir, je peux leur lancer: «Oh, regardez derrière vous!» Avant de déguerpir dans la direction opposée. Comme je suis connu pour mon humour absurde, ils trouveront ça rigolo. Alors que dans les faits, c’est extrêmement malpoli.
On l’a dit, Blaise Bersinger est un touche-à-tout: humoriste, improvisateur, multi-instrumentistes et maintenant… chanteur! En prévision des fêtes de fin d’année, le Vaudois vient de dévoiler son premier disque de Noël aux Jumeaux Jazz Club, à Lausanne.
Au total, quatre titres: «Pense aux gens qui t’aiment», «Noël dans mon slibard», «Christmas in Snowland» et «Père Noël a perdu son traineau». Un Extended play (EP) loufoque mais tendre à écouter gratuitement sur toutes les plateformes de streaming musical.
Pour mener à bien son projet, le trentenaire s’est entouré des musiciens de Kuma, talentueux quatuor né dans les notes bleues du Cully Jazz Festival. Avec pour objectif de faire un clin d’œil à Mariah Carey et à son incontournable (ou insupportable, c’est selon) tube «All I Want For Christmas Is You»? «A Beyoncé qui avait sorti un album juste avant Noël en 2013, rétorque Blaise Bersinger. Depuis, c’est un peu comme si j’avais le sentiment que pour être un artiste accompli, il fallait faire pareil.» Dont acte. Joyeux Noël!
On l’a dit, Blaise Bersinger est un touche-à-tout: humoriste, improvisateur, multi-instrumentistes et maintenant… chanteur! En prévision des fêtes de fin d’année, le Vaudois vient de dévoiler son premier disque de Noël aux Jumeaux Jazz Club, à Lausanne.
Au total, quatre titres: «Pense aux gens qui t’aiment», «Noël dans mon slibard», «Christmas in Snowland» et «Père Noël a perdu son traineau». Un Extended play (EP) loufoque mais tendre à écouter gratuitement sur toutes les plateformes de streaming musical.
Pour mener à bien son projet, le trentenaire s’est entouré des musiciens de Kuma, talentueux quatuor né dans les notes bleues du Cully Jazz Festival. Avec pour objectif de faire un clin d’œil à Mariah Carey et à son incontournable (ou insupportable, c’est selon) tube «All I Want For Christmas Is You»? «A Beyoncé qui avait sorti un album juste avant Noël en 2013, rétorque Blaise Bersinger. Depuis, c’est un peu comme si j’avais le sentiment que pour être un artiste accompli, il fallait faire pareil.» Dont acte. Joyeux Noël!
En regardant le fil de votre carrière, quand estimez-vous avoir été le plus clivant? En faisant un spectacle en faveur de la Palestine ou en donnant votre nom et votre visage aux CFF?
Ni l’un ni l’autre. J’ai été étonnamment clivant sur des sujets que je ne pensais pas être clivants. J’avais fait une chronique sur les ondes de Couleur 3 concernant les serveurs de restaurant qui font des blagues nulles. J’avais ensuite reçu des menaces de mort d’un serveur qui m’assurait qu’il empoisonnerait mon assiette quand je viendrai dans son établissement. C’était remonté jusqu’au service juridique de la RTS.
J’imagine que vous n’êtes jamais allé dans son restaurant…
Il était quand même un peu malin et ne m’avait pas dit où il travaillait. Il m’avait récrit quelque temps plus tard pour me dire qu’il était finalement rentré dans les Cévennes pour se ressourcer. Tout est bien qui finit bien.
Cet article a été publié initialement dans le n°50 de L'illustré, paru en kiosque le 12 décembre 2024.
Cet article a été publié initialement dans le n°50 de L'illustré, paru en kiosque le 12 décembre 2024.