Le Conseil fédéral a décidé de ne pas durcir les mesures contre le Covid. Il l’a annoncé mercredi lors de sa conférence de presse hebdomadaire. Il a même laissé entrevoir de nouveaux assouplissements dans un futur proche. Une stratégie à l’opposé de celle choisie par une partie de nos voisins.
Jeudi, le Parlement autrichien a adopté une loi sur la vaccination obligatoire. Elle concerne tous ses citoyens adultes. Une telle mesure est déjà en vigueur en Italie pour les travailleurs de plus de 50 ans. Les individus de cette catégorie d’âge devront payer une amende de 100 euros s’ils refusent de se faire vacciner sans raison valide. En France, elle ne touche que le personnel médical. La vaccination obligatoire est aussi envisagée du côté de l’Allemagne. En Suisse, le son de cloche est tout autre. Le Conseil fédéral affirme qu’une obligation vaccinale n’est pas à l’ordre du jour.
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Des mesures plus souples que chez nos voisins
Mais l’obligation de se faire vacciner n’est qu’un exemple parmi tant d’autres: de la mise en œuvre de la règle des 2G, en passant par les fermetures d’écoles ou par le télétravail, les mesures prises en Suisse sont bien souvent plus souples que chez nos pays voisins.
Côté français, le passe vaccinal (l’équivalent de notre certificat avec la règle des 2G) sera mis en place dès lundi prochain. Et si les mesures anti-Covid devraient être allégées dès le 2 février, le masque était jusqu’à présent obligatoire dans certaines zones en extérieur. En Suisse, seuls les espaces clos étaient concernés selon les directives de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).
La politique choisie par les autorités suisses laisse-t-elle trop de libertés? Ou est-ce nos voisins qui sont trop stricts? Marcel Tanner, épidémiologiste bâlois et directeur de l’Institut tropical et de santé publique suisse, pèse le pour et le contre. «Nous n’avons jamais connu ce type de pandémie auparavant. Même les comparaisons avec la grippe espagnole n’ont pas lieu d’être. Nous vivons dans un monde où nous sommes beaucoup plus mobiles, nous voyageons dans le monde entier. Il n’y a pas de solution parfaite.»
Les facteurs sociaux pris en compte
Les mesures du Conseil fédéral et les assouplissements annoncés ne sont ni négligents ni favorables à l’économie. Elles sont au contraire «favorables à la société», selon Marcel Tanner. La Suisse a décidé il y a plus d’un an de lutter contre la pandémie en considérant également les facteurs sociaux et économiques du pays. Le choix des mesures découle donc d’un ensemble de considérations.
C’est pour cette raison que les restaurants ont dû fermer mais que les écoles ont pu rester ouvertes, par exemple. «Leur fermeture aurait été un énorme problème pour les groupes les plus précaires de population, qui n’ont pas la possibilité de faire l’école à la maison et de passer au télétravail dans un grand appartement. Il existe des familles qui vivent à six dans un appartement deux pièces, avec deux ordinateurs à partager», analyse Marcel Tanner.
Peser le pour et le contre
Alors que le raz-de-marée Omicron déferle sur la Suisse, cette stratégie continue d’être privilégiée par les autorités. Ces hôpitaux ne sont pas surchargés, la plupart des patients en soins intensifs ont été infectés par le variant Delta et 90% d’entre eux sont des personnes non vaccinées.
C’est pourquoi la Confédération s’est permis de raccourcir la quarantaine à cinq jours, avance l’épidémiologiste. Les conséquences de la solitude et de la pénurie de main-d’œuvre sont considérées comme plus néfastes que les risques provoqués par une quarantaine plus courte. Si, en revanche, les experts avaient constaté que le nouveau variant était plus virulent et plus pathogène, des mesures plus strictes auraient été envisagées.
Mais les mesures ne sont efficaces que si elles sont respectées. Marcel Tanner a fait le calcul. Si, par exemple, un ensemble de mesures — comprenant la vaccination — protège à hauteur de 90%, mais que seules six personnes sur dix s’y tiennent, l’effet de cet ensemble de mesures au niveau de la population n’est que de 54%. Et plus les différentes mesures sont strictes, plus la probabilité que les gens s’y opposent est grande, explique Tanner.
«La prospérité a conduit à l’individualisme»
Ce genre de calculs étaient tout bonnement impensables au début de la pandémie. «En 2020, qui pouvait prévoir qu’une quantité si élevée de personnes refuserait les mesures contre le Covid? On avait sous-estimé l’importance d’une bonne communication et à quel point la prospérité, surtout en Europe, a conduit à l’individualisme», analyse Marcel Tanner.
Pour lui, il est clair que l’on ne peut pas dire aujourd’hui si la stratégie allemande, italienne, française ou suisse est la meilleure. «Si nous regardons les deux dernières années, je trouve que la voie choisie par le Conseil fédéral est a priori bonne.»
(Adaptation par Jessica Chautems et Alexandre Cudré)