Il est neuf heures du matin. A la gare centrale de Zurich, les touristes d'un jour et les groupes de voyageurs prennent tout juste le relais des pendulaires. Ruedi Tanner, le président de la Chambre Suisse des Courtiers (CSC) est de passage dans la région. Blick l'a rencontré dans un salon surplombant les voies ferrées. A travers la baie vitrée, les trains vont et viennent, tandis que le plus haut courtier de Suisse décrypte la disparition de Credit Suisse et ses conséquences pour les acheteurs et vendeurs de biens immobiliers, le salaire de ses collègues et la consolidation en cours dans son secteur. Interview.
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Ruedi Tanner, les prix des logements en vente sont-ils vraiment en baisse?
C'est la grande question. Il faut savoir une chose: pendant la phase de taux bas de ces dernières années, le financement des maisons était très avantageux. Par conséquent, une forte augmentation de la demande et une explosion des prix des logements en propriété s'en est suivie. Le Covid a encore davantage alimenté la demande. Mais cette situation était loin d'être normale. Entre-temps, les taux d'intérêt ont augmenté et la demande a diminué – de quoi entraîner une baisse des prix. Cette réalité n'est pas encore acceptée dans tous les esprits, mais nous sommes à nouveau dans la normalité.
Qu'entendez-vous par là?
Dans la pratique, nous constatons souvent que les vendeurs de maisons – aveuglés par les années fastes – ont une idée irréaliste des prix de vente. La volonté de payer ces prix excessifs a diminué aujourd'hui.
Dans quelle mesure les prix des maisons ont-ils baissé?
On ne peut pas le déterminer précisément et de manière générale. Dans les agglomérations comme Zurich et Berne, les prix restent bien sûr élevés et augmentent même parfois. Mais dans les communes situées à 20 ou 30 minutes en train des villes, les prix de l'immobilier ont baissé de 5 à 10%.
Une famille avec un revenu annuel de 150'000 francs peut-elle encore s'offrir une maison?
Oui. Celui qui est prêt à vivre à 20 ou 30 minutes de train en dehors de la ville peut trouver une maison avec ce revenu. Mais à condition que les acheteurs puissent apporter suffisamment de fonds propres.
C'est là que les choses se compliquent généralement. Faut-il avoir des parents riches pour pouvoir s'offrir une maison en Suisse?
Celui qui veut acheter une maison devrait pouvoir apporter 20 à 30% de fonds propres. Si une maison coûte 1,5 million de francs, cela représente 300'000 à 450'000 francs. De nombreuses familles n'ont pas cette somme de côté malgré des années d'épargne. La grande majorité d'entre elles ont donc besoin d'une avance sur héritage ou d'une donation de leurs parents. Mais c'était déjà le cas il y a 20 ans.
Les banques sont-elles devenues plus strictes dans l'octroi d'hypothèques?
Oui, c'est ce que nous constatons. Depuis que les taux d'intérêt ont augmenté, les établissements financiers sont plus attentifs, notamment en ce qui concerne les prix d'achat. Si la banque estime que le bien immobilier est surévalué, elle ne finance pas l'intégralité du prix d'achat. Cela signifie que les acheteurs doivent injecter eux-mêmes la différence entre le prix d'achat et la valeur du marché. Ils ont donc besoin d'encore plus d'économies. Et depuis le rachat de Credit Suisse par l'UBS, les acheteurs de maisons ressentent également le manque de concurrence.
Comment ça?
Les deux établissements bancaires s'étaient bien sûr fait concurrence sur les produits hypothécaires. Ils courtisaient les nouveaux clients avec des offres de financement avantageuses. Maintenant, l'un de ces deux grandes sociétés a disparu. C'est une aubaine pour les acteurs restants.
La demande de logements en propriété a diminué. Comment votre secteur le ressent-il?
Nous, les agents immobiliers, le remarquons clairement. Aujourd'hui, la vente d'une maison individuelle dure à nouveau entre six et neuf mois. C'était différent pendant la pandémie. A l'époque, les maisons changeaient de propriétaire en l'espace de trois mois. C'était fou! Le nombre d'acheteurs potentiels par maison a diminué d'environ 20%. A noter que je parle ici de la campagne, pas des villes.
Une consolidation est-elle en cours dans le secteur?
Oui, une consolidation est en cours et elle est la bienvenue. Car c'est maintenant que le tri se fait. Beaucoup de ces courtiers bon marché qui ont fait leur apparition ces dernières années sont en train de disparaître. Ces modèles de prix ne pouvaient pas fonctionner. Personne ne travaille gratuitement. De tels courtiers se contentaient par exemple d'aller chercher l'argent chez l'acheteur plutôt que chez le vendeur. J'ai vu des contrats qui disaient: «L'acheteur paie la commission due par le vendeur à l'agent immobilier.» On peut agir comme ça, mais ce n'est pas transparent. A la Chambre suisse des courtiers, nous contrôlons et certifions nos membres tous les quatre ans pour cette raison. Tout le monde n'est pas admis. Nos membres doivent être indépendants, transparents et professionnels. Actuellement, nous avons 125 membres qui emploient environ 600 courtiers autorisés à porter le label de qualité de la Chambre suisse des courtiers.
Combien gagne un agent immobilier sur la vente d'une maison?
Pas autant que ce que l'on peut lire dans les médias. Pour les maisons individuelles, c'est entre 1,5 et 3% dans une grande partie de la Suisse. Bien sûr, il y a des régions où la commission est plus élevée. Au Tessin par exemple, où de nombreux acheteurs étrangers participent aux enchères, les commissions se situent entre 3 et 4%. A Gstaad, où la densité de milliardaires est élevée, les agents immobiliers gagnent parfois même 5%.
L'année dernière, les taux d'intérêt hypothécaires sont tombés à environ 2%. Vont-ils encore baisser?
Je pense qu'ils baisseront encore légèrement d'ici le printemps 2025 et qu'ils se stabiliseront alors entre 1,5 et 2%. Dommage que la concurrence fasse défaut! Sinon, ils seraient peut-être encore moins chers.
Est-ce le bon moment pour vendre sa maison?
Pas forcément. Les propriétaires ont déjà raté le meilleur moment pour vendre leur maison. C'était pendant le Covid, lorsque la ruée vers les maisons individuelles était exceptionnellement forte. Aujourd'hui, les vendeurs de maisons doivent à nouveau revoir leurs attentes à la baisse.