La mission s'annonce rude pour conseillère fédérale du Parti socialiste (PS) Elisabeth Baume-Schneider. La ministre de la Santé devra en effet défendre devant le Parlement le point de vue explosif du Conseil fédéral, qui souhaite faire passer les malades à la caisse en augmentant la franchise minimale de l'assurance de base.
Le mois dernier, les Sept sages ont répondu positivement à deux interventions allant dans ce sens, l'une émanant de la conseillère aux Etats Esther Friedli, et l'autre de la conseillère nationale Diana Gutjahr, toutes deux membres de l'Union démocratique du centre (UDC). Les deux élues demandaient d'«adapter la franchise minimale aux conditions réelles». La motion d'Esther Friedli a par ailleurs été approuvée par le Conseil des Etats lors de la session d'automne.
Ainsi, en lieu et place des 300 francs actuels, chaque patient devrait débourser à l'avenir au minimum 500 francs avant que la caisse maladie ne participe au remboursement de ses frais de santé. Avec une idée sous-jacente: celui qui paie davantage de sa poche réfléchit à deux fois avant de se précipiter chez le médecin. Selon ce raisonnement, les primes s'en retrouveraient inéluctablement allégées.
Elisabeth Baume-Schneider s'est ainsi retrouvée à plaider pour un oui pendant les débats, mais sans grand enthousiasme. Et pour cause. Ses collègues du Conseil fédéral lui ont imposé cette lourde tâche à la Jurassienne, qui préconisant... un rejet des interventions. C'est ce que montrent les documents des offices internes à l'administration, que Blick a reçu en vertu de la loi sur la transparence.
EBS voulait dire quatre fois non
Outre les interventions d'Esther Friedli et de Diana Gutjahr, deux motions ont également été déposées, respectivement par le sénateur du Parti libéral radical (PLR) Josef Dittli et par le conseiller national Marcel Dobler, également représentant du PLR. Les deux élus réclamaient d'aller encore plus loin en alignant la franchise (actuellement échelonnée entre 300 et 2500 francs) et la quote-part (actuellement 700 francs maximum) à l'évolution des primes.
Or, Elisabeth Baume-Schneider s'est prononcée contre les quatre interventions. «Une augmentation de la participation aux coûts désavantagerait les assurés de condition économique modeste et les malades chroniques», a-t-elle argumenté. Une telle mesure limiterait selon elle l'accès des plus démunis aux soins. «En reportant les traitements, on risquerait d'aggraver l'état de santé des personnes concernées, ce qui entraînerait à son tour une augmentation des coûts», a-t-elle prévenu. La socialiste a par ailleurs fait valoir que la participation aux coûts des assurés suisses était déjà élevée en comparaison internationale.
Le Seco favorable aux quatre interventions
Lors de la consultation des offices, l'administration des finances (rattachée au département de la conseillère fédérale PLR Karin Keller-Sutter) et le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) (rattaché au magistrat UDC Guy Parmelin) se sont opposés au département fédéral de l'Intérieur (DFI) et donc à sa cheffe, Elisabeth Baume-Schneider. Au lieu d'un quadruple non, ils ont plaidé pour... un quadruple oui. «L'effet modérateur des franchises sur les coûts est prouvé», a critiqué le Seco. L'administration des finances a, elle, plaidé pour une plus grande responsabilité personnelle des assurés.
Les autres départements n'ayant pas réagi, le DFI a considéré cela comme une approbation. Et c'est ainsi qu'Elisabeth Baume-Schneider s'est fait avoir. La majorité bourgeoise du Conseil fédéral n'est ainsi pas passée loin d'approuver les quatre motions. Mais un compromis a finalement été trouvé et le Conseil fédéral a recommandé d'accepter les interventions des deux élues de l'UDC, tout en préconisant le rejet des deux motions PLR.
La gauche résiste
Ces dernières conservent toutes leurs chances au Conseil national. Marcel Dobler, dépositaire de l'une des motions, espère que son texte passera la rampe. «Je laisse ouverte la question de savoir si seule la franchise, la quote-part ou les deux doivent être adaptées, cela donne plus de marge de manœuvre», dit-il. «Il faut des mesures sur un large front pour réduire les coûts.» Et le conseiller national PLR de conclure: «Une participation aux coûts plus élevée en est une partie importante.»
Une chose est néanmoins sûre: la gauche ne laissera pas faire facilement. «Pas un centime n'est économisé sur les coûts de la santé, au lieu de cela, les malades chroniques, les personnes touchées par la pauvreté et les personnes âgées sont tout simplement plus lourdement taxées», s'insurge la coprésidente du PS Mattea Meyer. Si les propositions devaient un jour prendre la forme d'une loi, «nous examinerons alors sérieusement la possibilité d'un référendum», prévient-elle.