C’est la polémique politique qui secoue la Coupole depuis quelques jours. L’UDC Franz Grüter, président de la Commission de politique extérieure du Conseil national, a mis les pieds dans le plat au sujet de l’Ukraine.
Pour lui, la Russie n’a pas commis d’impair sur le territoire Ukrainien et ne fait que défendre une position géostratégique légitime. «La Russie doit obtenir des Etats-Unis et de l’OTAN la garantie que l’Ukraine ne deviendra pas membre de l’OTAN. C’est le minimum», a-t-il déclaré auprès de Blick.
De la «diplomatie Twitter»
De plus, le conseiller national ne croit pas que la Russie se laissera impressionner par des sanctions, même si elles sont sévères. «Les Russes y sont habitués, analyse Franz Grüter. Et l’Europe ne peut pas se permettre de se faire couper les livraisons de gaz. En outre, de nombreux réfugiés ukrainiens afflueraient en Europe.»
Selon Franz Grüter, la Suisse doit faire preuve de retenue. «Nous sommes un petit Etat neutre et nous devrions plutôt nous efforcer, en tant que médiateur, de trouver une solution pacifique au conflit.»
Et si le président français Emmanuel Macron s’est énormément investi, «c’est un rôle que le président de la Confédération Ignazio Cassis aurait dû assumer», estime Franz Grüter. Nous devons proposer nos bons offices de manière beaucoup plus active, au lieu de faire de la diplomatie Twitter!»
Les critiques pleuvent
Pour de nombreux membres de la Commission de politique extérieure, la déclaration du conseiller national lucernois suscite l’irritation. «Le président de la Commission reprend tout bonnement à son compte les exigences de la Russie en matière de politique étrangère», critique sur Twitter le président du Centre Gerhard Pfister. «C’est pourtant contraire aux exigences de neutralité de son parti, rajoute-t-il. L’Ukraine devrait pouvoir décider elle-même à quelles alliances elle veut appartenir. Tout comme la Suisse.»
«Je ne m’attendais pas à cette déclaration de la part du président de la Commission de politique extérieure», s’étonne également le conseiller national socialiste Fabian Molina. «D’autant plus que c’est précisément ce genre de question que les parties concernées doivent clarifier de toute urgence dans le cadre de négociations. La Suisse pourrait même y jouer un rôle de médiateur et voilà que Franz Güter anticipe le résultat de celles-ci. Ce n’est pas très judicieux et cela ne sert pas la cause nationale suisse, ni pour les négociations, ni pour la politique étrangère que mène le pays.»
«Il a le droit d’exprimer son opinion»
«C’est l’opinion personnelle de notre président de commission, qu’il est en droit d’exprimer», a déclaré avec diplomatie le vice-président de la Commission, le libéral-radical Hans-Peter Portmann. La Commission elle-même n’a pas encore débattu du sujet. «Je soutiens personnellement la position officielle de la Suisse», précise Hans-Peter Portmann. Il s’agit d’une violation flagrante du droit international qui menace la paix en Europe. Elle doit être condamnée par la Suisse.»
La conseillère nationale vert’libérale Tiana Moser précise elle aussi qu’il s’agit uniquement de la position de Franz Grüter, et non de celle de la Commission dans son ensemble. «La Suisse doit se concentrer sur son rôle et ne pas dire aux pays de l’OTAN ce qu’ils doivent faire, explique-t-elle. Le comportement de la Russie est clairement contraire aux principes du droit international et à nos valeurs et doit être condamné.»
Franz Grüter persiste et signe
Quant au principal intéressé, il ne comprend pas l’agitation qui l’entoure. «Les critiques qui me sont adressées sont ridicules. Tout ce que j’ai fait, c’est une analyse sobre, dénuée de jugement de valeur», se défend-t-il.
Il en est convaincu: Poutine veut empêcher de toutes ses forces que l’Ukraine rejoigne l’OTAN et une désescalade n’est possible que si l’Occident fait des concessions à la Russie. «On peut partager ou non cette analyse et cette appréciation, mais elle ne viole certainement pas la neutralité suisse.»
Si la Commission devait discuter du conflit ukrainien, elle doit maintenant ajouter à son agenda les déclarations de son propre président. Pour Fabian Molina, il est d’ores et déjà: «Franz Grüter est allé trop loin. Ce qu’il a fait, ce n’est ni plus ni moins que de remettre en question la souveraineté de l’Ukraine.»
(Adaptation par Alexandre Cudré)