Renforçant encore la tension de ce mercredi, l'Ukraine a annoncé en fin de journée faire face à une nouvelle cyberattaque «massive» visant des sites officiels, prélude redouté à une action militaire.
Le monde se trouve «à un moment de péril», a alerté le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à l'ouverture d'une réunion de l'Assemblée générale des Nations Unies, alors que plus de 150'000 soldats russes, selon Washington, sont déployés aux frontières ukrainiennes.
«L'Ukraine a besoin de garanties de sécurité, claires et concrètes, immédiatement», a de son côté déclaré le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, lors d'une rencontre avec ses homologues polonais et lituanien, deux pays qui fournissent armes et équipements militaires à l'Ukraine. C'est «l'avenir de la sécurité européenne» qui se joue en Ukraine, a-t-il ajouté.
Hypothétique dialogue
Un sommet d'urgence des dirigeants des 27 pays de l'UE sur la crise Russie-Ukraine se tiendra jeudi soir à Bruxelles. Le président russe, Vladimir Poutine, a martelé mercredi que les intérêts russes étaient «non-négociables», même s'il a évoqué un hypothétique «dialogue direct et honnête avec les Occidentaux».
La veille, le maître du Kremlin a de nouveau exigé que Kiev renonce à adhérer à l'Otan, et prôné une «démilitarisation» de ce pays de 44 millions d'habitants. Et il a reconnu aux séparatistes prorusses la souveraineté sur un territoire bien plus large que celui qu'ils contrôlent actuellement, faisant craindre une tentative de reprise par la force de zones aujourd'hui contrôlées par les forces ukrainiennes.
S'il a reçu mercredi le soutien de Cuba, il a été désavoué par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, dont le pays a été un partenaire dans la crise syrienne mais est membre de l'OTAN. Erdogan l'a averti lors d'un entretien téléphonique qu'Ankara «ne reconnaîtra aucune mesure affectant l'intégrité territoriale de l'Ukraine».
État d'urgence et réservistes
Kiev a réagi en annonçant la mobilisation de ses réservistes âgés de 18 à 60 ans et l'instauration d'un «état d'urgence national». Le Conseil de sécurité ukrainien a demandé au Parlement l'instauration de l'état d'urgence «dans les 48 heures», afin de pouvoir «renforcer la protection» de l'ordre public et des infrastructures stratégiques.
Vladimir Poutine, qui depuis le début de la crise fixe le tempo, continue de laisser planer le suspense sur ses intentions militaires. Après qu'il a reconnu lundi l'indépendance des «républiques» séparatistes prorusses de Donetsk et Lougansk, la chambre haute du Parlement russe a donné son feu vert mardi à un déploiement de forces russes en Ukraine.
Si ces décisions posent les bases d'une intervention d'envergure, sur le terrain, aucun mouvement de troupes significatif n'a cependant encore été signalé. Dans la région russe de Rostov, à une cinquantaine de kilomètres de la frontière, des forces russes sont stationnées en nombre: camions militaires, lance-roquettes ou obusiers, sans signe d'activité particulière, selon des journalistes de l'AFP.
Hymne dans les haut-parleurs
À Kiev, où les habitants n'ont pas renoncé à vaquer à leurs occupations, depuis mardi des haut-parleurs font résonner toutes les heures l'hymne national ukrainien sur l'immense place Maïdan. Les spéculations continuent donc sur les scénarios possibles: depuis un nouveau statu quo dans les territoires séparatistes, jusqu'à une guerre totale entre Russes et Ukrainiens.
Beaucoup redoutent que la crise ne mène au plus grave conflit en Europe depuis 1945. Les hôtels de ville de Paris et Berlin se sont parés du jaune et bleu de l'Ukraine en solidarité.
La Russie a commencé à évacuer son personnel diplomatique d'Ukraine, et le drapeau russe ne flotte plus sur son ambassade. Les Etats-Unis avaient eux déjà fermé la leur.
Premières sanctions
La ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss, a jugé mercredi «hautement probable» une invasion. «Quand on a 140'000 militaires aux frontières de l'Ukraine mobilisés (...) tout est possible, y compris le pire», a observé le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, accusant le Kremlin de «révisionnisme».
Le président américain, Joe Biden, avait évoqué mardi «un début d'invasion», mais voulu croire qu'il était «encore temps d'éviter le pire». Washington et ses alliés occidentaux ont pris de premières sanctions en réaction à la reconnaissance des séparatistes que Kiev combat depuis huit ans, un conflit qui a fait plus de 14'000 morts à ce jour.
Berlin a notamment gelé le gigantesque projet de gazoduc Nord Stream II, et Joe Biden a annoncé une «première tranche» de sanctions pour empêcher Moscou de lever des fonds occidentaux pour rembourser sa dette, ainsi que des dispositions à l'encontre de la société qui exploite le gazoduc. La Russie a promis une riposte «forte» et «douloureuse» aux sanctions américaines.
Côté suisse, le Conseil fédéral avance avec prudence. Il a indiqué mercredi vouloir d'abord analyser la situation avant de prendre une décision sur d'éventuelles sanctions.
Soldat ukrainien tué
Ces mesures restent modestes par rapport à celles annoncées en cas d'invasion et Moscou peut se targuer d'avoir accumulé près de 640 milliards de dollars dans ses réserves de change et 183 milliards dans un fonds souverain pour y faire face.
Sur le front, la reprise des combats entre armée et séparatistes ces derniers jours n'a pas cessé mercredi. Les belligérants continuent d'échanger régulièrement des tirs d'artillerie, s'en accusant mutuellement. Un soldat ukrainien a été tué. Il s'agit du neuvième depuis janvier.
Les séparatistes de Lougansk ont annoncé eux aussi mercredi la mort d'un combattant. Un civil a également été tué dans des bombardements pendant la nuit, selon les rebelles.
Une intervention russe pourrait se traduire par «une nouvelle crise de réfugiés» avec «jusqu'à 5 millions de personnes supplémentaires déplacées», a en outre averti mercredi l'ambassadrice américaine à l'ONU, Linda Thomas-Greenfield, devant l'Assemblée générale des Nations Unies.
(AFP)